Le cinéma Fantastique français existe-t-il ?…

Posté le 7 janvier 2010

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J’avais écrit cet article il y a fort longtemps, en 1997, pour « Futur Immédiat », un journal gratuit qui n’a jamais dépassé le stade de projet. Comme je vois, effaré, qu’en 2010 les temps ont à peine changé, je me permets de le modifier légèrement et de le publier… Et s’il peut en faire bondir ou réagir certains, alors tant mieux !

A l’heure des sempiternels blockbusters américains de science-fiction et de fantastique, on est en droit de se demander : mais que font les Français ? Vont-ils enfin se décider à réaliser des films appartenant à l’imaginaire ?…

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Nous sommes en 1997… pardon, en 2010, est-ce pour autant que notre doux pays s’investit dans le film de SF ou de fantastique ? Non. A l’ère de l’ordinateur-roi, du numérique bon marché, la France demeure complètement réfractaire au space-opera, à l’heroic-fantasy, au merveilleux, à tous ces genres qui lui paraissent sans doute encore trop « sous-genres » et donc loin de ses préoccupation d’un cinéma figé, lequel se borne à évoluer uniquement dans les domaines du policier, de la comédie, du drame psychologique et autres registres à des années lumière du rêve. Certains vont déjà brandir leur Planète Sauvage, Bunker Palace Hotel, Delicatessen, La Cité des Enfants Perdus, La Machine, etc. Mais peut-on franchement parler de « cinémaginaire » ici tant ces oeuvres, non dénuées parfois d’une certaine poésie, il est vrai, font preuve d’un pessimisme et d’une noirceur typiquement de chez nous ! Souvent ancrés dans des dialogues interminables qui compriment l’action  à sa plus simple expression, ces films fantastiques « nouvelle génération » engendrent vite l’ennui et le désintéressement.

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Le défaut inhérent à l’ensemble de la production française, s’il y a « production » (ce n’est pas à un rythme de deux à trois films fantastiques français par an, et encore lorsque c’est le cas, que l’on peut réellement parler de production !) se caractérise par une intellectualisation permanente des sujets traités. On ne peut pas s’empêcher de faire réfléchir le spectateur, ou de donner l’impression qu’on le fait réfléchir, sinon rien ne va plus, c’est forcément mauvais comme toutes ces grosses pointures hollywoodiennes qu’on montre du doigt avec un air de dégoût, Independence Day étant bien sûr devenu le symbole de ce qui se fait de pire dans le genre ! Le cinéma fantastique français, s’il en existe un, à besoin de se montrer au-dessus de tout ça, plus intelligent, plus beau, plus raffiné, en un mot : plus « racé ». C’est vrai, nous sommes « l’exception culturelle »… Et dire que nous avons été les premiers dans l’histoire du septième art à réaliser un film de science-fiction avec Le Voyage dans la Lune, de Méliès, ou que nous sommes les parents de chefs-d’oeuvre tels que La Belle et la Bête, de Jean Cocteau, et Les Yeux Sans Visage, de Georges Franju !

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Malheureusement pour nous, dès les années 1940 nos réalisateurs l’ont compris : la France n’est pas un pays ouvert au cinéma fantastique. C’est ainsi que Jacques Tourneur a préféré mettre en scène ses oeuvres en terre étrangère… les Etats-Unis, of course. Avec La Féline (Cat People / 1942), Vaudou (I Walked with a Zombie / 1942), Rendez-vous avec la Peur (Curse of the Demon / 1957) et tant d’autres merveilles, il a su prouver, plus que quiconque, ce qu’un Français était capable de faire si on lui laissait sa chance. Et Besson dans tout ça ? me direz-vous. Besson n’a finalement réalisé en tout et pour tout que son Cinquième Elément et ses deux Minimoys, en anglais, avec des acteurs américains, films tournés en Amérique, et avec plus ou moins de capitaux français et/ou européens. C’est mieux que rien, certes, mais on aimerait peut-être le voir plus productif car il prend de la bedaine, le bougre, à force de ne rien faire ! Et on aimerait surtout le voir tourner des films fantastiques en France avec des acteurs français et en français !

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Oui, les Français pourraient se montrer certainement aussi bons que les Américains si on leur en offrait enfin la chance ! Nul n’affirme qu’il faille obligatoirement prendre modèle sur les productions hollywoodiennes actuelles pour devenir efficace. Le cinéma fantastique et de SF français peut, et doit, s’épanouir de lui-même. Mais pour cela il a besoin de se lancer vraiment, ce qu’il n’a jamais osé faire. L’étiquette même « Film Fantastique » lui déplaît : combien de réalisateurs français ont en effet refusé cette appellation, comme s’il s’agissait d’une tare ! Ils préfèrent la contourner hypocritementen parlant de « comédie », de « thriller » ou autre. Il est vrai que tant que notre cinéma fantastique lui même ne se prendra pas au sérieux, personne ne pourra lui accorder une part de crédibilité… et quand on voit des niaiseries du style La Soupe aux Choux ou Les Anges Gardiens, on comprend… il vaut mieux dans ce cas parler, il est vrai, de « comédie »… En fait, on pourrait dire que les soi-disant films fantastiques nouvelle génération, made in France, se rangent obligatoirement dans deux catégories : soit le « film-à-message-profond-et-impénétrable » ou soit le « filmkiférir ».

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Tant que nous nous obstinerons à poursuivre sans prendre de risques, sans jamais endosser complètement la panoplie du film fantastique ou de science-fiction, autrement dit tant que nous refuserons de fabriquer de purs produits du genre avec leurs qualités et leurs défauts, nous tournerons en rond. Peut-être qu’un jour enfin les choses changeront. Stargate n’a-t-il pas été produit par des capitaux français ? Alors pourquoi ne réalisons-nous pas de films fantastiques ou de SF en France ? Parce qu’ils n’auront pas de succès à l’étranger ? Où est le problème ? Est-ce que le but est de les faire pour les étrangers ou pour les Français ? Luc Besson a beau réaliser des films aux Etats-Unis, tournés avec des acteurs américains et en anglais : ils ne marchent absolument pas au box-office US (le premier qui me dit que le Cinquième Elément ou les Minimoys ont été des succès aux USA est un gros menteur !).  Par contre, ils font des millions d’entrées en France ! Alors ? Cherchez l’erreur…

- Morbius -

17 commentaires pour « Le cinéma Fantastique français existe-t-il ?… »

  1.  
    Lou
    10 juin, 2010 | 1:30
     

    Un nouveau film fantastique français sort en aout 2010.
    DJINNS est le premier long-métrage de Hugues et Sandra Martin et les premières critiques annoncent un vrai bon fantastique à la française (réalisateurs, acteurs, production, distribution incluent).
    Le problème reste le même: un budget pas tellement faramineux.
    Les distributeurs se sont d’ailleurs associés avec touscoprod.com pour permettre aux internautes cinéphiles (ou pas), de réunir 22000€ pour compléter le budget de distribution.
    je vous invite donc à soutenir le film, afin qu’il ai le maximum de visibilité à sa sortie et qu’il ouvre peut-être la voie vers le fantastique français à d’autres jeunes réalisateurs!

    L’article est, au passage, très intéressant. Merci beaucoup

  2.  
    10 juin, 2010 | 19:05
     

    Eh bien espérons en effet que le cinéma fantastique français décolle enfin !

  3.  
    Domi
    2 novembre, 2010 | 9:07
     

    Personnellement, je souhaite vraiment que le fantastique devienne un genre de cinéma français à part entière. Les réalisateurs français pourraient faire de véritables chefs d’oeuvre car ils savent (quand ils veulent) manier l’art cinématographique à l’art poétique… J’espère que des réalisateurs oseront franchir le pas pour nous faire rêver..

    Je viens d’écrire un scénario (adapté de mon roman, style… « fantasy ») et j’espère parvenir à intéresser un jeune réalisateur avec ce sujet qui correspond à ce genre cinématographique.

  4.  
    2 novembre, 2010 | 11:20
     

    Je partage votre point de vue, Domi. Si les cinéastes français s’en donnaient vraiment les moyens (et surtout si on les aidait) je pense aussi qu’ils pourraient nous offrir un cinéma fantastique de qualité.

    Bonne chance pour votre projet ! Il est vrai que la fantasy « made in » France ce serait quelque chose de novateur ! Croisons les doigts.

  5.  
    Trapard
    2 novembre, 2010 | 14:04
     

    Entre temps, il y a une petite nouvelle vague avec Christophe Gans par exemple, mais qui est parti aux US, Xavier Gens (« Frontieres ») qui est aux US aussi, David Morley (« Morsure », « Mutants »), Yannick Dahan avec son tout récent « La horde » (film de zombies que j’ai bien apprécié), Marc Caro a sorti « Dante 01″ etc…Il y a aussi le film réalisé par deux français en hommage aux giallo italien qui tourne dans les festivals et que je n’ai pas encore pu recevoir sur Nouméa. Tout un lot de petits films fantastiques ou d’horreur français qui viennent de sortir entre 2006 et 2010. Et que des films réalisés par des passionnés de cinéma de genre ou cinéma bis. Serait-ce notre nouvelle vague française de films fantastiques (des réalisateurs abreuvés au biberon d’une certaine presse comme Mad Movies) ? Moi, j’attends la suite avec impatience…

  6.  
    2 novembre, 2010 | 14:26
     

    Tu as raison Trapard. Ca bouge depuis peu. Mais la plupart vont aux States…

  7.  
    Trapard
    2 novembre, 2010 | 15:10
     

    A vrai dire, c’est aux States où se trouve l’argent…

  8.  
    Trapard
    2 novembre, 2010 | 15:11
     

    Mais aussi les meilleurs techniciens.

  9.  
    2 novembre, 2010 | 15:56
     

    Et oserais-je dire les meilleures idées…

  10.  
    Trapard
    2 novembre, 2010 | 16:05
     

    Les scénarii sont achetées par les producteurs américains, au même titre que les droits des bouquins comme ceux des films tournés en Asie, en Europe et qui ont eu du succès dans leurs pays respectifs. Ces producteurs les achètent et les font réécrire par des scénaristes de manière à ce que ces films soient compréhensibles par tous (même par les plus jeunes). C’est ce que j’appelle le formatage.
    Je dis cela car j’aime le cinéma dit d’auteur et le cinéma indépendant, ce qui ne m’empêche pas de ma gaver de films américains aussi… :-)

  11.  
    2 novembre, 2010 | 16:30
     

    D’accord pour les scénarii. Mais moi je parle des idées, c’est autre chose. Chez nous je trouve qu’on manque d’idées originales. Où alors quand on pense en avoir on ne fait que copier les Américains.

  12.  
    Trapard
    2 novembre, 2010 | 17:09
     

    ça me fait penser à un cinéaste indien que j’affectionne particulièrement, feu Satyajit Ray qui disait, dans une interview avoir eu l’idée d’un scénario où un petit extraterrestre arrivait sur Terre et que traqué par des scientifiques, il se réfugiait dans un famille où il était accueilli et caché par un petit garçon cadet de cette famille. Satyajit Ray disait l’avoir envoyé au cinéaste Steven Spielberg dont il appréciait le travail vers 1980 ou 1981. Spielberg ne lui a jamais répondu. En 1982, un film que l’on connait tous est sorti sur les écrans et réalisé par Spielberg a eu le succès mondial qu’on lui connait…
    Au-delà du fait que Satyajit Ray ait pu raconter des conneries ou encore grossir son histoire, au-delà du fait que n’importe qui peut voler le projet de n’importe qui (La Calédonie est si petite, par exemple que ce genre de choses arrive ultra fréquemment et on plus, tout le monde le sait facilement), il y a juste dans cet exemple qu’une idée peut naître en Inde (comme ici, avec Satyajit Ray) et être volée, mais disons plutôt achetée par des producteurs Américains.
    Juste un autre exemple, j’ai un ami qui a bossé sur sa retranscription de l’histoire du grand chef Ataï. A qui l’a-t’il proposé pour se faire des pépètes ? A des producteurs Américains.
    L’Ordre et la Morale de Kassovitz, c’est autre chose.
    Mais d’accord avec toi, Morbius que les meilleures idées venaient des States, mais je suis certains qu’elles voyagent beaucoup avant d’arriver là-bas…
    Bon, j’arrête car je sais que je deviens chiant à être tatillon. Désolé, Morbius.
    Je sors ->

  13.  
    2 novembre, 2010 | 17:14
     

    Mais non, tu as tout à fait raison au contraire, et j’en apprends toujours beaucoup grâce à toi, tu peux me croire !

    Je tiens à préciser que je n’ai pas forcément une sympathie incommensurable pour les Américains, en particulier depuis leur guerre en Irak et la façon dont ils ont traîné la France dans la boue. Faut pas toucher à mon pays !

  14.  
    David Vincent
    5 novembre, 2018 | 3:39
     

    Bonjour,
    Je ne savais pas trop où placer cette information, du coup je tente ici.
    Le 10 octobre est enfin paru en DVD chez Gaumont « Le ciel sur la tête », un film de SF français réalisé par Yves Ciampi (qui a été marié avec une actrice Japonaise) et sorti en salles en 1965.
    L’intrigue : « A bord du porte-avions Clémenceau, le train-train quotidien va tranquillement. Soudain, les sirènes mugissent, les klaxons retentissent, c’est le branle-bas de combat : les Etendard sont placés sur les catapultes du pont d’envol, les Alizés sont armés de roquettes, les hommes se préparent à lutter contre l’ennemi. Mais, quel ennemi ? ».
    Les acteurs principaux sont Jacques Monod, Guy Tréjan, Marcel Bozuffi, Jacques Santi (Les chevaliers du ciel/Tanguy), André Smagghe, Henri Piégay et Bernard Fresson.
    Ce film a rencontré un certain succès au pays du soleil levant ainsi que dans celui des Soviets. Comme quoi, nul n’est prophète en son pays.
    En effet, quasiment introuvable en France y compris en VHS, il fallait jusqu’à maintenant se tourner vers le Japon où, en 2012, était sorti un magnifique DVD compatible zone 2 avec VF sous le titre « Menace au-dessus de nos têtes ». Malheureusement, le prix demandé était rédhibitoire (entre 150 et 200 euros !).
    Tourné en grande partie sur le porte-avions Clemenceau (le Clem), ce métrage a visiblement fortement inspiré « Nimitz, retour vers l’enfer » de Don Taylor.
    Je ne peux que vous conseiller cette acquisition même si le DVD n’a bénéficié d’aucune restauration. Malgré tout, l’image est de très bonne qualité et les couleurs sont bien rendues.
    Quant à une édition Blu-ray avec restauration, je pense qu’il ne faut pas rêver, ce superbe film ne devant représenter qu’un marché de niche aux yeux des éditeurs. Pourtant, le Ciel sur la tête le mériterait plus qu’amplement, au même titre que Guerre et paix, Virus, La chevauchée fantastique, Le danseur du dessus, La belle de Saïgon, Le jour d’après, La fille du puisatier, La tempête qui tue, Le tigre du Bengale, La chasse du comte Zaroff, Pharaon, Seuls les anges ont des ailes, et j’en passe et meilleurs.
    Qu’il est loin le temps de la RTF et de l’ORTF !!

    P.S : Morbius, Morbius, La Soupe aux choux n’est pas une niaiserie si on le regarde bien (critique de la malbouffe, de l’aseptisation à outrance et de la désertification de nos campagnes, entre autres, bref notre présent qui était notre futur à l’époque, notre planète Oxo)…

  15.  
    trapard
    5 novembre, 2018 | 23:18
     

    J’ai vu il y a quelques temps « Le ciel sur la tête » (tu peux le trouver sur U.F.S.F.).
    Un film qui décortique l’aéronavale gaulliste à la manière d’un documentaire. Mais c’est surtout un film de SF avec envahisseurs extraterrestres. Apparemment, De Gaulle aimait le Fantastique puisqu’il avait dit le plus grand bien de la série « Belphégor » diffusée l’année suivante.
    Il est d’ailleurs fini le temps où les présidents de la république faisaient allusion au cinéma.

  16.  
    trapard
    5 novembre, 2018 | 23:39
     

    Pour ce qui est « de la désertification de nos campagnes », tu as raison. Mais était-ce conscient à l’époque du tournage et de la sortie du film (si ce n’est au moins par ceux qui ont migré vers les villes) ? En tout cas, ça l’est aujourd’hui. À voir, l’excellent documentaire « Adieu Paysans » :
    http://culturevrac.canalblog.com/archives/2018/06/04/36459410.html

  17.  
    trapard
    5 novembre, 2018 | 23:53
     

    PS : David Vincent, si j’étais toi je serai un peu plus aux petits oignons avec nous, car nous, nous avons l’Histoire de deux pays à connaître sur le bout des ongles. ;-)
    L’exemple inverse : https://youtu.be/RsYQIzAMpwI

    Et ton article ?

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