FRANKENSTEIN (1910)

Posté le 17 juin 2012

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FRANKENSTEIN (1910) de J. Searle Dawley (par Trapard du Cri du Cagou)

frank3t dans Fantastique

Ce film est la première adaptation du roman de Mary Shelley. Sous la houlette financière de Thomas Edison, le réalisateur J. Searle Dawley (« director » en anglais, à une époque où l’on utilisait encore le terme d’ « opérateur » en France), n’a choisi que quelques rares passages du roman, le film ne durant qu’environ douze minutes. Rappelons aussi que la France (avec les Frères Lumière) et les USA (avec Thomas Edison) se sont très longtemps disputés la paternité de l’invention du cinéma, Edison ayant inventé la pellicule imprimable, tandis que Louis Lumière, en a créé le cinématographe (appareil servant à filmer, ainsi qu’à projeter les images filmées à partir de la pellicule). C’est ainsi que Thomas Edison, grâce au brevetage de l’invention, et avec son Edison Manufacturing Company, avait imposé un trust économique sur la diffusion de films, sur le continent américain, au détriment, par exemple, de la Star Films de Georges Méliès et d’autres petites entreprises européennes d’exploitation de films.

Au même titre que les Frères Lumières, Thomas Edison fut à l’initiative des premiers pas dans la réalisation (de courts métrages, à cette époque où le long métrage s’imposera très doucement) de réalisateurs qui se feront connaître avec le temps. L’Edison Manufacturing Company produisit notamment les premiers courts films d’animations d’un certain Willis O’Brien (comme « The Dinosaur and the Missing Link : A Prehistoric Tragedy » en 1915, ou « The Ghost of Slumber Mountain », en 1919). Ce même Willis O’Brien que les lecteurs des Echos d’Altaïr ne peuvent, ne pas connaître.

frank2y dans Le grenier du ciné fantastique

Beaucoup moins connu, J. Searle Dawley, quand à lui, reste néanmoins dans les mémoires pour cette réalisation, très théâtrale (dans l’utilisation de l’espace filmé, comme dans le jeu des comédiens) du premier Frankenstein cinématographique, dont les copies avaient longtemps été perdues. Cette adaptation n’est pas extraordinaire, et particulièrement après plus de cent ans d’industrie cinématographique écoulée (1910-2012) et d’un nombre important de déclinaisons sur le sujet du roman de Miss Shelley. Je suppose que le film aura beaucoup plus surpris, ou fasciné en 1910. Rappelons tout de même, qu’à peine 14 ans plus tôt, de par la manière dont était cadrée une gare à Lyon, les spectateurs assis devant un écran sur lequel était projeté le court film « L’arrivée d’un train à La Ciotat » (des Frères Lumière), reculèrent de peur de se faire écraser par ce même train filmé en mouvement. En tant qu’Enfant de la Télévision, je ne m’aventurerai donc pas à juger l’effet du cinéma sur les spectateurs d’une époque où mes grands-parents n’étaient encore que des nourrissons.

frank1 dans Trapard

Pour ce qui est du retour à la vie de la créature du baron de Frankenstein, on est ici, assez loin des laboratoires fumants et bourrés d’éprouvettes dans lesquels Colin Clive ou Peter Cushing redonnent la vie à un cadavre fraîchement déterré. Dans le film de J. Searle Dawley, le baron (le comédien Augustus Phillips) réanime un vulgaire squelette de laboratoire, qui se ré-alimente de chair humaine, et de tout son système intérieur vital, en lecture d’images inversées (euh…pourquoi pas ?) à l’intérieur d’une machine de son invention. Le résultat : une créature (interprétée par Charles Ogle), poilue, mal coiffée, légèrement boursoufflée et aux ongles protubérants (le genre de mec qui ne passe pas l’entrée des night-clubs, on l’aura deviné !) et qui s’en prend à son créateur qui se roule au sol, agitant les bras en une multitudes d’effets de simagrées dignes d’un comédien virtuose (mais d’époque), et même lorsque le monstre est déjà loin…Un spectateur de ma trempe se dit alors, lors de ce passage un peu longuet, que le baron est en train de regretter son invention, à laquelle il aurait dû beaucoup mieux réfléchir en la tournant sept fois dans son esprit, avant de créer un être inutile et hideux, juste pour faire plaisir à son petit égo (mais en même temps, le bouquin de Mary Shelley était écrit comme ça).

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Et donc, de retour, et en plus d’être hideuse, la Créature est jalouse de son créateur (qui se fiance justement avec la jeune Elizabeth – Marie Fuller, à l’écran) et tente de semer la discorde dans le jeune couple en se montrant très méchante et pas très belle. Ce qui n’a pas pour but de détendre la jeune Elizabeth qui n’était pas du tout au courant de l’affaire scientifique farfelue  de son bêta de mari, et qui s’évanouira, comme il se doit, en écartant très haut les bras, puis en fléchissant les genoux pour s’étendre tout naturellement sur le tapis du salon. Et tout ceci, avant que la Créature se fasse absorber par son propre reflet dans un miroir. Ici, on découvre donc les talents de scénariste de J. Searle Dawley qui proposa cette chute totalement irréelle, plus issue de la poésie antique que de la littérature fantastique anglaise, ou alors parce qu’il fallait bien, tout simplement, conclure cette histoire d’une manière ou d’une autre.

Je plaisante mais le FRANKENSTEIN de J. Searle Dawley est une curiosité à voir, au même titre que les petites productions de Edison Manufacturing Company, petits patrimoines cinématographiques américains des tous débuts de l’exploitation de films aux Etats Unis.

- Trapard -

Liens :

 

WILLIS O’BIEN :

THE DINOSAUR AND THE MISSING LINK : A PREHISTORIC TRAGEDY (1915)

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THE GHOST OF SLUMBER MOUNTAIN (1919)

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FRANKENSTEIN 1910

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5 commentaires pour « FRANKENSTEIN (1910) »

  1.  
    Trapard
    17 juin, 2012 | 20:01
     

    Je ne trouve aucune réponse sur le web, à une question qui n’a pas trop d’importance non plus. Mais ça m’intéresse tout de même.
    Le producteur et scénariste du film de Willis O’Brien, THE GHOST OF SLUMBER MOUNTAIN (1919) qui se nomme Herbert M. DAWLEY doit forcément avoir un lien de parenté (que je ne trouve de trace nulle part) avec le réalisateur de FRANKENSTEIN, J. Searle DAWLEY…

  2.  
    17 juin, 2012 | 21:10
     

    C’est vrai que le nom est îdentique. Poursuis ton enquête !

  3.  
    Christophe
    4 février, 2014 | 22:36
     

    Un peu trop complaisant vis-à-vis d’Edison, tout de même : son protectionnisme nationaliste aux US a empêché des films français de s’y développer, et on parle de films de bien plus grande qualité que ce que faisait Edison à l’époque des pionniers. Je pense notamment à Méliès, dont d’ailleurs Edison n’hésitait pas à pirater les films pour les revendre en son nom. C’est une des raisons pour lesquels Méliès a été ruiné…

    Et puis ce n’est pas Edison qui a inventé le cinéma, mais Louis Lumière. Edison avait inventé un autre appareil, qui s’appelait le kinétoscope, et qui permettait de voir un film projeté dans une grosse boite à travers des lunettes fixées sur la machine. Le cinéma, on le doit aux français.

    Sinon je reste estomaqué par la qualité des premiers films de O’Brien… D’autant plus que je ne comprends pas comment il a pu les prendre image par image, car je ne suis pas convaincu que les premières caméras à manivelles permettaient de filmer image par image aisément… Vraiment wow.

  4.  
    trapard
    5 février, 2014 | 9:26
     

    Pas faux, j’étais revenu sur ce sujet ici :

    http://morbius.unblog.fr/2013/11/26/le-voyage-dans-la-lune-1902/

    et là :

    http://morbius.unblog.fr/2013/12/03/a-trip-to-mars-1910/

    Et je vois ce que tu veux dire pour la stop-motion avec caméras à manivelles, mais les films d’O'Brien datent déjà d’une époque (les années 1910) où le montage (et la coupe) existait. Du coup, ses films étaient peut-être remontés un peu.
    Si tu ne connais pas Ladislas Starewitch qui tournait aussi des films d’animation à cette époque, et à la différence que ses films sont empreints de beaucoup de poésie, on arrive encore à en trouver sur le web.

    http://morbius.unblog.fr/2013/06/02/le-fantastique-et-les-premices-du-cinematographe/

  5.  
    Trapard
    9 mars, 2015 | 5:59
     

    Dix ans après le FRANKENSTEIN de Dawley, le réalisateur Eugenio Testa a sorti en Italie son IL MOSTRO DI FRANKENSTEIN (1920) interprété par Luciano Albertini (le baron Frankenstein) et Umberto Guarracino (le monstre).
    Apparemment il n’existe plus aucune copie de ce film considéré comme perdu et qui serait la troisième adaptation du roman de Mary Shelley après la version de 1910 et LIFE WITHOUT SOUL sorti en 1915.
    Entre parenthèses, le roman de Mary Shelley est consultable et téléchargeable sur ebooksgratuits.com :
    http://www.ebooksgratuits.com/pdf/shelley_frankenstein.pdf

    Pour ce qui est d’IL MOSTRO DI FRANKENSTEIN il n’existe plus qu’une photo de tournage et quelques encarts publicitaires visibles via ce lien youtube :
    https://www.youtube.com/watch?v=WhiD8B3ffn8

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