MONSTRES SACRES : LE GOLEM

Posté le 25 janvier 2013

MONSTRES SACRES : LE GOLEM dans Cinéma 13052408352715263611222233

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Il est dit : « (Car) Vos fautes sont une séparation entre vous et votre Dieu, Rava a dit : Si les hommes voulaient être des justes (sans aucune faute) ils pourraient créer un monde, comme il est dit car vos fautes sont une séparation. Rava avait créé un homme qu’il a envoyé chez Rabbi Zéra. Ce dernier lui a parlé mais l’autre ne lui répondait pas (n’étant pas doué de parole). « C’est un collègue qui t’a créé, retourne à ta poussière ! », lui dit Rabbi Zéra. » (Traduction du passage de la Guémara Sanhédrin 65b).

Le Golem est ainsi né de la culture hébraïque, la première apparition du terme golem se situe dans le  « Livre des Psaumes » : « Je n’étais qu’un golem et tes yeux m’ont vu » (139, 16). C’est alors un être inachevé, une ébauche. En yiddish goilem signifie « cocon », mais peut aussi vouloir dire « fou » ou « stupide ». Il est un être humanoïde, artificiel, fait d’argile et animé momentanément de vie par l’inscription EMET sur son front (ou sa bouche, selon les versions). Dans la kabbale, c’est une matière brute sans forme ni contours. Dans le Talmud, le golem est l’état qui précède la création d’Adam.

Dans certaines légendes, le but du Golem aurait été de défendre sa communauté. On lui aurait donné la vie en inscrivant EMET(H) (ou vérité en hébreu) sur son front et en introduisant dans sa bouche un parchemin sur lequel était inscrit le nom ineffable de Dieu (le Nom qui ne se prononce pas).

Pour le tuer, il aurait fallu effacer la 1re lettre du mot, car MET signifie mort.

Puis le Golem étant devenu trop grand pour son créateur, le Rabbin Loew, celui-ci put enfin effacer le E d’EMET en lui demandant de lacer ses chaussures, ce que le Golem fit. La créature se baissa et mit son front à portée de son créateur, et il redevint ce qui avait servi à sa création : de la terre glaise.

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Certains racontent que son créateur est mort, écrasé par la masse de sa créature. C’est ainsi la matière des adaptations cinématographiques de cette légende juive. Sa première apparition est recensée en Allemagne, pays à forte culture juive (avant la Seconde Guerre mondiale, cela va de soi), dans LE GOLEM, un film de 1915, que je n’ai jamais vu et qui a malheureusement disparu. C’est un film muet de Henrik Galeen et Paul Wegener, qui a été adapté du roman éponyme de Gustav Meyrink. Paul Wegener en tournera une autre version, en 1920, à l’aide du co-réalisateur Carl Boese. Son intrigue est la suivante : Dans le Prague du XVIe siècle, le Rabbin Loew, à la fois philosophe et magicien, qui a vu dans les étoiles l’annonce d’un grand danger pour les Juifs, fabrique une statue d’argile dans laquelle il place le précieux « mot de vie », pour sauver le peuple juif. Il donne alors vie à une colossale statue de glaise. Le Golem a une force prodigieuse mais il ne doit s’en servir que pour une mission pacifique. Peu de temps après, l’empereur Rodolphe II publie un décret interdisant aux Juifs l’accès de la ville et l’ordre de la quitter avant la fin du mois. Au même moment, la fille du rabbin, Myriam tombe amoureuse de Florian, un courtisan de l’empereur. Rabbi Loew montre le Golem à l’empereur. L’empereur demande au rabbin de prouver sa magie. Celui-ci montre à l’empereur et à sa cour une vision de l’exode des Juifs. Cette vision fait rire les courtisans quand soudain, le bâtiment dans lequel l’empereur, le rabbin, le golem et les courtisans sont, commence à s’effondrer. Le Golem sauve alors la vie de l’empereur et des courtisans en portant tout le monde hors de l’immeuble. En reconnaissance, les Juifs ne sont pas chassés de la ville. Le Golem tombe amoureux de la fille du rabbin que celui-ci lui refuse. Il se dresse alors contre son créateur. Le Golem sème alors la terreur dans le ghetto juif. Une fillette innocente lui tend la pomme de la réconciliation. Souriant pour la première fois, il retourne à la poussière. On est finalement, avec LE GOLEM de 1920, par certains égards, déjà pas si loin du FRANKENSTEIN (1931) de la Universal. Ce film muet est un mélange d’univers gothique et de décors expressionnistes allemands. Par ailleurs, la créature est interprétée par le réalisateur lui-même, Paul Wegener, chose peu commune dans l’Histoire du Cinéma Fantastique, à cause du temps excessif nécessaire à la préparation et à l’organisation de ces deux emplois, lors d’un tournage.

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Outre une autre adaptation du roman de Gustav Meyrink, en 1936, mais française cette fois-ci, par Julien Duvivier, je m’attarderai plutôt sur le diptyque du réalisateur tchécoslovaque Martin Frič avec LE BOULANGER DE L’EMPEREUR et L’EMPEREUR DU BOULANGER, tous deux sortis en 1952, en plein régime communiste qui voulait prouver que son cinéma soviétique possédait un talent égal, voire supérieur, à celui d’Hollywood. En même temps, et pour plaisanter, être Communiste et se nommer Frič, ça pourrait, aujourd’hui, être une jolie métaphore d’un régime dictatorial hypocrite et faussement altruiste. Voici l’intrigue de cette version du Golem très amusante, mine de rien (et remontée intégralement, tout dernièrement), car longtemps inédite, mais qu’Artus Film a eu la très riche idée d’éditer dans un sympathique coffret collector bourré de Bonus : L’empereur Rodolphe II presse le maréchal Russworm de retrouver la sépulture du Golem, dont la légende dit qu’elle se trouve quelque part dans sa ville de Prague. Créé par le rabbi Löw, ce pantin géant amené à la vie par le pouvoir du shem, est d’une force colossale. Effrayé par sa puissance, Löw ôta la vie à sa créature et enferma son corps dans un endroit secret. Tous s’activent afin de satisfaire l’empereur, du chambellan Lang à l’alchimiste Scotta, et c’est par un heureux hasard qu’ils vont enfin retrouver le corps inanimé de la créature. Avec l’aide d’un célèbre occultiste anglais, Kelley, ils vont tenter de ranimer le colosse immobile. Katrina, prisonnière de Kelley, et Matej, un boulanger enfermé pour avoir distribué du pain au peuple, sont les témoins des conspirations qui se trament dans l’ombre…Le film s’amuse avec les figures occultes et magiques qui peuplent la mystique européenne, le réalisateur Martin Frič n’hésitant pas à dénoncer avec humour (tout en s’inspirant librement d’une pièce de théâtre montée par les comédiens JanWerich et Jiri Voskovec) d’une époque où régnait, à la cour du mégalo Rodolphe II, charlatans, arnaqueurs et illuminés en tous genres, alimentant ainsi les divagations romanesques du roi de Bohême et de Hongrie. Période de propagande oblige, le Golem qui effraye d’abord les habitants, devient vite sous l’impulsion du boulanger Matej, un renouveau économique et industriel du régime : il fournira la chaleur aux fours des boulangers afin que tout le monde ait des ficelles bien cuites. On s’éloigne donc de la culture hébraïque avec le film de  Martin Frič, et les habitants de Prague de conclure ce film joyeux en se serrant les coudes tout en entonnant un chant à la gloire du Collectivisme…Il fallait y penser, non ?

Pour les connaisseurs, le réalisateur soviétique, Serguei Mikhaïlovitch Eisenstein, brossa un portrait d’un alter-égo du dictateur Rodolphe II, en 1944-1946, avec son film IVAN LE TERRIBLE, sur le Grand Prince héritier de Russie en 1533, portrait qui déplut tellement à Joseph Staline qui se sentait trop visé, qu’il en interdit le film jusqu’en 1958.

Pour revenir à nos brebis, moins populaire avec les années qui ont suivies, le Golem a, tout de même, engendré un certain nombre d’adaptations au cinéma, comme à la télévision jusqu’en 2006. Même le fascinant documentariste israélien, Amos Gitaï, qui se tourne de plus en plus vers la Fiction, en a donné une trilogie toute personnelle de 1991 à 1993 avec NAISSANCE D’UN GOLEM, L’ESPRIT DE L’EXIL et LE JARDIN PÉTRIFIÉ.

Plus forcément très actuelle, cette créature née de la culture hébraïque n’en reste pas moins perchée au Panthéon (ou aux portes d’un Temple de Prague) des Monstres Sacrés du Cinéma Fantastique d’hier et d’aujourd’hui.

- Trapard -

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4 commentaires pour « MONSTRES SACRES : LE GOLEM »

  1.  
    trapard
    21 janvier, 2015 | 21:29
     

    L’épisode « La prière des morts » (Kaddish) de la quatrième saison de la série X-FILES fait une référence directe au Golem au sein de la petite communauté juive de Brooklyn.

  2.  
    21 janvier, 2015 | 22:33
     

    Ah oui, j’ai dû le voir celui-là.

  3.  
    trapard
    21 janvier, 2015 | 23:02
     

    Je viens de revoir cet épisode et je l’ai trouvé excellent. J’ai trouvé sa fiche sur Wikipedia :

    Épisode 15 : La Prière des morts
    Titre original : Kaddish (trad. litt. : « Sanctification »)

    Première diffusion :
    États-Unis : 16 février 1997 sur FOX
    France : 25 octobre 1997 sur M6

    Scénario
    Howard Gordon

    Réalisation
    Kim Manners

    Audiences
    États-Unis : 16,56 millions de téléspectateurs (première diffusion)

    Invités

    Justine Miceli (Ariel Weiss)
    David Groh (Jacob Weiss)
    David Wohl (Kenneth Ungar)
    Channon Roe (Derek Banks)

    Résumé

    Trois jeunes hommes coupables de l’assassinat d’un commerçant juif sont assassinés par une créature qui a les traits de leur victime. Mulder cherche, dans les légendes de cette communauté juive, la nature de cette étrange apparition.

  4.  
    trapard
    13 octobre, 2019 | 11:40
     

    Je n’avais jamais vu le film de la Hammer : IT (1967) d’Herbert J. Leder avec Roddy McDowall, alors qu’il s’agit d’un des meilleurs films de Golem.

    https://www.amazon.com/Shuttered-Room-Horror-Double-Feature/dp/B001HZ4KGW

    Il a l’air d’être inédit en France, bien que le design de son Golem soit extrêmement connu :

    https://m.media-amazon.com/images/M/MV5BYjNlYTliMDUtZmQ3My00Nzc1LWE1MmMtOWY5NTExZjU5YmUzXkEyXkFqcGdeQXVyNDAxOTgzMTg@._V1_.jpg

    L’intrigue : L’entrepôt d’un musée londonien brûle, laissant intacte une statue que le conservateur du musée, M. Grove, qualifie d’ « art primitif d’Europe centrale ». Grove est mystérieusement tué en inspectant l’artefact, puis commence une série de meurtres inexpliqués liés à la statue, qui est finalement identifiée comme étant le Golem de Judah Loew du XVIe siècle. Une inscription en hébreu est gravée sur la statue :
    « Le pouvoir apporte la destruction; prenez garde, de peur qu’il ne se déchaîne.
    Celui qui trouvera le secret de ma vie à ses pieds, je le servirai jusqu’au-delà du temps.
    Celui qui m’évoquera au 17ème siècle, méfiez-vous, je ne peux pas être détruit par le feu.
    Celui qui m’évoquera au 18ème siècle, méfiez-vous, je ne peux pas être détruit par le feu ou par l’eau.
    Celui qui m’évoque au 19ème siècle, méfiez-vous, je ne peux pas être détruit par le feu, par l’eau ou par la force.
    Celui qui au 20ème siècle osera m’évoquer, méfiez-vous, car je ne peux être détruit ni par le feu, ni par l’eau, ni par la force, ni par aucun élément créé par l’homme.
    Celui qui au 21ème siècle m’évoquera devra être créé lui-même de la main de Dieu, car sur cette terre l’homme n’existera plus… « 

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