AELITA (1924) de Yakov Protazanov (par Trapard)
En pleine période cinématographique de l’Expressionniste en Allemagne, la récente Union Soviétique désireuse d’élargir son cinéma à un plus vaste public, produira elle aussi son classique du Fantastique aux décors excentriques avec AELITA, réalisé par le chevronné réalisateur russe, Yakov Protazanov.
On est même carrément dans de la SF pure et dure : Un mystérieux message est envoyé aux radios du monde entier, en simplement trois mots : « Anta… Adeli… Uta… » que les spécialistes ne peuvent déchiffrer. Dans une station de Moscou, l’ingénieur Los et son collègue et voisin l’ingénieur Spiridinov reçoivent aussi ce message qui semble plonger l’ingénieur Los dans des rêves martiens où apparaissent la reine Aelita, son prétendant Gor (maître de l’énergie), sa servante Ihoshka et son père Tuskub qui dirige en fait l’état totalitaire martien. Los et Spiridinov élaborent alors en secret les plans d’un vaisseau spatial qui, une fois terminé, les emmène sur Mars…
L’histoire, bien que très longue à se mettre en place, s’inspire d’un roman d’Alexis Nikolaïevitch Tolstoï même si on flirte pratiquement avec l’univers de Ray Bradbury et de ses Chroniques martiennes qui ne seront publiées que quarante ans plus tard.
Les décors quasi-expressionnistes du film et ses costumes très imaginatifs pour l’époque, permettent surtout de créer une forte transition entre les intrigues se situant sur Mars et celles se déroulant sur Terre, là où d’autres scénaristes auraient imaginé un long voyage spatial pour appuyer la distance entre les deux planètes. D’ailleurs, la majorité du film se déroule en montage parallèle Mars/Terre, une astuce scénaristique très courante dans les années 20 aux États-Unis et particulièrement depuis la sortie d’INTOLERANCE (1916), le film de David Wark Griffith se déroulant simultanément sur trois grandes périodes historiques.
Moins astucieux et poétique, et plus propagandiste que le film français de Marcel L’Herbier, L’INHUMAINE, sorti la même année, dans un élan d’Avant-Garde purement cinématographique français, AELITA n’en reste pas moins un beau film imaginatif où s’entrecroisent Imaginaire science-fictionnel et intrigues amoureuses dans la bonne humeur (une générosité qui sous-entendait bien sûr, et malheureusement, la violence d’une dictature en gestation et qui deviendra même l’URSS cinematografic’s touch, si je puis dire…). Mais on retrouve une réelle créativité dans les décors à niveaux d’AELITA, proche d’une recherche de la 3D dans des jeux de profondeurs qui ont dû faire rougir les décorateurs et accessoiristes de L’INHUMAINE ou de n’importe lequel des films de l’Expressionnisme allemand, le tout dirigé par le directeur artistique, Yuri Zheliabovsky lui-même !! Non, je déconne : je ne le connais pas non plus. Mais rappelez-vous tout de même que l’Union Soviétique des années 20 était l’un des plus grands foyers créatifs et artistiques mondiaux, autant sur le plan pictural (Malévitch…), photographique (Rodchenko…) que cinématographe (Eisenstein, Vertov…) : un graphisme artistique et visuel souvent militant qui s’amoindrira comparativement lors de la montée du pouvoir centralisé et oligarchique de Joseph Staline.
AELITA de Yakov Protazanov est donc un de ces bijoux soviétiques des années 20, en période de semi-libre expression, mais il est aussi un beau voyage cinématographique très visuel dans les contrées lointaines de notre galaxie.
- Trapard -
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Et hop ! Voici le remake télévisé hongrois des 80′s en version anglaise
http://www.youtube.com/watch?v=y7Ln1RiMo9E
Ne pas confondre avec le film « Aelita, ne pristavay k muzhchinam » de 1988 de Georgy Natanson qui est une comédie russe sur l’adolescence, et en version russe dans le lien ci-dessous :
http://kinomusorka.ru/fr/boxes-box-our-comedies-films-film-aelita-do-not-bother-to-men.html
Erwelyn parle du téléfilm hongrois sur Culture Martienne :
http://erwelyn.over-blog.com/article-aelita-fantastic-story-on-mars-aelita-fantasztikus-tortenet-a-marson-1980-andras-rajnai-122063007.html
Finalement, il n’est pas en version anglaise sur Youtube, mais en hongrois. Quoiqu’il en soit, voici les sous-titres en français :
http://3pil12.1fichier.com/