LE FANTÔME DE L’OPÉRA (1925) de Rupert Julian (par Trapard)
Voilà un moment que je voulais écrire un article sur Lon Chaney Sr (donc le papa de Junior !), ou sur l’un de ses films. Si je devais me laisser orienter vers mes préférences cinématographiques concernant la filmographie du monsieur, j’opterais tout de suite pour L’INCONNU (The Unknown), un court-métrage magnifique que Tod Browning a tourné en 1928 et qui annonce déjà son FREAKS (1932) sur plusieurs facettes scénaristiques. Puis, immanquablement, aurait suivi LAUGH, CLOWN, LAUGH ! (qu’on peut aussi traduire sous le titre français insipide de RIS-DONC PAILLASSE !) et tourné la même année pour la Metro-Goldwyn-Mayer. Encore un film magnifique où Lon Chaney y est grandiose, si on aime se laisser porter par les mélodrames des années 20. Cette même période transitoire durant laquelle la théâtralité des jeux d’acteurs était à son comble, entre la pantomime du début du siècle et le jeu intériorisé enseigné par le théoricien Constantin Stanislavski, dont Lon Chaney et d’autres, comme Lilian Gish, en sont les meilleurs représentants du cinéma muet.
Les Échos d’Altaïr obligent, j’orienterai mon choix vers l’un des films fantastiques que Chaney a tourné sous contrat pour la Universal Pictures : LE FANTÔME DE L’OPÉRA, réalisé par Rupert Julian en 1925. D’ailleurs Lon Chaney, qui portait très bien le masque ou le maquillage, a été affublé du sobriquet de « L’Homme aux Mille Visages ». Personnellement, je préfère mettre cette appellation sur le compte de sa majestueuse interprétation en tant que comédien, pouvant passer d’une expression à une autre d’une manière et d’une rapidité incroyables. Et à ce sujet, je trouve qu’il était loin d’avoir quoique ce soit à envier aux grands comédiens des années 50 issus de l’Actor’s Studio : les années 20 n’étant pas les années 50, Lon Chaney extériorisait incroyablement ses personnages dans le silence du Muet, là où ces grands acteurs des années 50-60 pouvaient s’étendre sur d’interminables airs pensifs, l’orchestration musicale suivait toujours pour que le spectateur ne s’ennuie pas face à un mec qui réfléchissait à l’écran. L’intériorisation se jouait donc autrement, et même lorsqu’il portait le masque dans NOTRE-DAME DE PARIS ou dans le FANTÔME DE L’OPÉRA, Lon Chaney exprimait tout le reste avec son corps, et ceci, bien avant Boris Karloff et ses airs patauds dans FRANKENSTEIN (1931).
Pour en revenir au FANTÔME DE L’OPÉRA, c’est, à mon goût, l’une des meilleures adaptations du roman de Gaston Leroux, avec celle de la Hammer Films, tournée par Terence Fisher en 1962. Je ferai rapidement l’impasse sur la version de Dario Argento interprétée par Julian Sands, une version qui m’avait bien décidé, un temps, à ne plus suivre la carrière d’Argento, tellement le film m’avait déçu et son réalisateur aussi. Enfin, et si on considère que le PHANTOM OF THE PARADISE (1974) de Brian De Palma est librement adapté du roman de Gaston Leroux, c’est sûrement aussi l’une des versions les plus intéressantes et même des plus amusantes (ce qui n’était pas pas gagné avec un sujet comme celui-ci).
Pour ce qui est de l’intrigue du film avec Lon Chaney, elle ne dénote pas trop du roman original : Erik, être à moitié fou rejeté par la société, vit dans les sous-sols désaffectés de l’opéra Garnier, à Paris. Amoureux d’une des cantatrices, Christine, il intrigue dans l’ombre pour qu’elle obtienne le premier rôle, avant de lui réclamer son amour en retour. Mais celle-ci, découvrant la profonde laideur de celui qu’on appelle le Fantôme de l’Opéra, cherche par tous les moyens à échapper à son emprise, avec l’aide de son prétendant…
Si vous êtes l’un des membres de notre groupe sur Facebook, vous devez forcément connaître la passion effrénée que l’un des membres, Eric S.A., entretient pour L’HOMME QUI RIT, un autre film de la Universal Pictures, tourné trois ans après LE FANTÔME DE L’OPÉRA, par un transfuge de l’Expressionnisme allemand et interprété par la jeune et jolie Mary Philbin. Cette même Mary Philbin qui interprète, dans le film qui nous concerne, la jeune cantatrice, Christine.
Enfin, et pour conclure, si vous avez des difficultés avec le cinéma muet des années 20, c’est peut-être plus particulièrement dans l’univers gothique de ce film que vous y trouverez une porte d’accès : ombres menaçantes, canaux et ruelles nocturnes et ombrageux et peuplés de rats, tueur masqué vêtu de noir face à des danseuses classiques et angéliques, portes secrètes et labyrinthes souterrains sont au programme ! Un univers aussi très proche de certains giallo de Bava ou d’Argento des 60′s et 70′s, par ailleurs, puisque le film s’articule autours de spectacles de danses et d’opéras desquels surgit spasmodiquement un tueur mystérieux et ganté.
Sinon, le mieux serait de trouver une bonne version musicale du film, pour stimuler l’écoute durant la projection.
- Trapard -
Autres articles écrits par Trapard :
Robot-John / Flash Gordon, de la BD aux serials / La Charrette Fantôme / La Chute de la Maison Usher / Robot-craignos 33 / Croisières Sidérales / Robot-craignos 34 / La Comtesse Noire / Robot-cool 23 / Robot-craignos 35 / L’Ange de la Vengeance / Robot-craignos 36 / Hydra, le Monstre des Profondeurs / Robot-craignos 38 / Les Contes de la Lune vague après la Pluie / Robot-craignos 42 / Transylvania, le fanzine de l’Edison Club / Le Monstre aux Yeux Verts / Belphégor / La Brigade des Maléfices / Robot-cool 26 / Frankenstein (1910) / La trilogie japonaise de Dracula / Robot-craignos 48 / Redneck Zombies / Michael Myers / Le Crocodile de la Mort / Fu Manchu / Leatherface / Jason Voorhees / Robot-craignos 52 / Spectreman / Tall Man / Robot-cool 29 / Damien Thorn / Toxic Avenger / Robot-craignos 55 / La Momie / La maison hantée au cinéma / Terminator 2 (de Bruno Mattei) / Le Loup-Garou / Le Cabinet du Docteur Caligari / La Monstrueuse Parade / Dr Jekyll et Mr Hyde / Le Golem / Aelita
Rejoignez Les Échos d’Altaïr IV sur Facebook !
(Les Échos d’Altaïr ne sont en aucun cas responsables des liens publicitaires présents dans les textes)
Merci pour cet article édifiant et, comme toujours sous la plume de Trapard, apportant un éclairage nouveau par les infos sur le contexte et les liens faits avec d’autres œuvres comparables. À ce propos, je ne peux qu’approuver le jugement positif porté sur la version de la Hammer du Fantôme de l’opéra, avec l’excellent Herbert Lom. Très bon, même si je trouve l’actrice principale (Heather Sears) vite agaçante. Personnellement, je n’aime pas du tout Phantom Of The Paradise. C’est une question de goût, encore que l’univers gothique du récit (si bien décrite par Trapard) est objectivement massacré dans cette version de 1974. Par contre, je m’étonne que la version de la Universal, avec Claude Rains (de 1943) ne soit pas mentionnée ici. Pas bon ?
Non, elle m’est juste sortie de la tête lorsque j’écrivais cet article.
Sur Youtube -> une jolie restauration datant de 1929, du film avec Lon Chaney, et avec une orchestration en prime :
https://www.youtube.com/watch?v=pXUGswmnpWk
Mince, je pensais qu’Erik, le fantôme de l’opéra était classé dans les Monstres Sacrés, je le cherchais dans la mauvaise rubrique. Après, je ne suis pas forcément un grand grand fan de ce personnage.
En plus de la version de 1943 avec Claude Rains mentionnée par Jean Beauvoir plus haut, la version de Terence Fisher de 1962, PHANTOM OF THE PARADISE (1974) de Brian De Palma que j’adore contrairement à J. Beauvoir même si le Fantôme de l’opéra n’est qu’un alibi pour aborder beaucoup d’autres thèmes…il y a aussi la version de Menahem Golan de 1989 (réalisée par Dwight H. Little) avec Robert Englund dans le rôle d’Erik Destler, le fantôme, ainsi que celle de Dario Argento avec Julian Sands et Asia Argento, une version que je n’aime vraiment pas. Mais à propos d’Argento et comme je l’écrivais dans mon article, certains giallos sont parfois très proches du roman de Gaston Leroux, mais avec une approche plus moderne. Ainsi TERREUR À L’OPÉRA (1987) d’Argento s’en rapproche beaucoup et même PAGANINI HORROR (1989), ce film à micro-budget de Luigi Cozzi pourrait aussi presque s’en revendiquer.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Paganini_Horror
J’ajoute STAGE FRIGHT (2014) de Jérôme Sable, une comédie musicale canadienne sur fond de fantôme de l’opéra.
Et dans les giallos vaguement inspirés du fantôme de l’opéra, il y a aussi BLOODY BIRD (1987) de Michele Soavi.
Autre dérivé du FANTÔME DE L’OPÉRA : SANTO CONTRE L’ETRANGLEUR (1965, Santo contra El Estrangulador) de René Cardona. On y retrouve le tueur défiguré/masqué se faufilant dans les passages secrets d’un théâtre pour assassiner des chanteuses.
L’intrigue : Un assassin s’en prend aux artistes d’un théâtre de variétés. L’inspecteur Villegas appelle Santo à la rescousse…