DOUBLE ASSASSINAT DANS LA RUE MORGUE (1932) de Robert Florey (par Trapard)
DOUBLE ASSASSINAT DANS LA RUE MORGUE est l’une de ces adaptations des écrits d’Edgar Allan Poe, avec LE CHAT NOIR (1934) que Carl Laemmle de la Universal a produit pour alimenter la veine cinématographique horrifique fleurissante dans les années 30. Le réalisateur Robert Florey, qui dût se retirer du tournage de FRANKENSTEIN (1931), laissant la place à James Whale, tourna l’année suivante ce petit bijou un peu désuet, mais non dénué d’un certain charme. Le charme d’un Paris de pacotille de 1845, d’avant la Commune dans lequel Bela Lugosi promène son air inquiétant, ses sourcils broussailleux, son accent hongrois exagéré, et le singe meurtrier du texte original d’Edgar Poe.
L’adaptation du conte de Poe est très libre, bien entendu, les textes de cet auteur étant si « intériorisés » qu’ils en sont très difficilement adaptables dans le cadre d’histoires scénarisées : Pierre Dupin, jeune étudiant en médecine, apprend que, dans la même semaine, trois femmes ont été retrouvées dans la Seine. Toutes semblent s’être suicidées. En examinant les corps, il remarque des petites entailles sur le bras des victimes et découvre finalement que la série de crimes est perpétrée par le Dr Mirakle (Bela Lugosi), un savant cherchant à démontrer le lien de parenté entre l’homme et le singe.
L’année de la sortie de DOUBLE ASSASSINAT DANS LA RUE MORGUE (1932) a été une période importante pour les « films de singes » puisque la Metro-Goldwyn-Mayer sortait le premier TARZAN, dont le succès annonçait déjà une longue série d’adaptations, très libres aussi, des écrits d’Edgar Rice Burroughs. Tandis que la RKO nous présentait un tout autre genre de singe, le roi de tous : KING KONG… Et sans oublier L’ÎLE DU DOCTEUR MOREAU lancée par la Paramount. Par la suite, et jusque dans les années 60, les « films de singes » n’en finiront plus d’être tournés, petites comme grandes maisons de production s’accrochant aux branches, si je puis dire, du succès de l’anxiété des mégapoles américaines et européennes, face à un inconnu : celui, très abstrait, des pays coloniaux peuplés d’espèces animales aux modes de vie encore peu médiatisés. La télévision et les divers documentaires et reportages animaliers et ethnologiques des années 60, mais surtout des 70, relativiseront ces lacunes par la suite.
En exemple de « films de jungle » (un genre qu’on renommera plus tard et plus simplement, « films d’aventures » avec Indiana Jones & Co) : PERDUS DANS LA JUNGLE (1934, avec Clyde Beatty), THE LOST CITY (1935, un serial de SF méconnu qui flirte, en même temps, avec Flash Gordon et avec le pur « film de Jungle », et le film de zombies ou de Frankenstein…), DARK JUNGLE (1936), LAW OF THE JUNGLE (1941, de Jean Yarbrough, et là, on commence à toucher le fond…), THE WHITE PONGO (1945, de Sam Newfield, et ici, on est presque au fond…) ou THE WHITE GORILLA (1945, ça y est, on a touché le fond !!!).
Jusqu’aux divers sérials des années 40 de JIM LA JUNGLE, NABONGA (avec Buster Crabbe), jusqu’à JUNGLE GIRL (avec Frances Gifford dans le rôle de la belle Nyoka, la fille de la jungle), et aux bandes dessinées du genre qui sont des sources inépuisables sur le sujet de la « junglerie »… Mais, ici, je m’enfonce beaucoup trop dans la jungle du bis hollywoodien et je m’éloigne un peu de DOUBLE ASSASSINAT DANS LA RUE MORGUE, qui remporta un réel succès à sa sortie malgré son acteur costumé en singe (alterné au montage avec un vrai singe). Par la suite, Lugosi deviendra lui-même un habitué des « films de singes », à la limite de l’auto-parodie, avec, par exemple, LE GORILLE (1939, avec les comiques The Ritz Brothers), L’HOMME SINGE (1943) et surtout BELA LUGOSI MEETS A BROOKLYN GORILLA (1951), deux gros nanars tournés par William Beaudine…
- « Boris Karloff a aussi joué dans un « film de singe » avec THE APE (1940) ! » me lancera, Morbius.
-« Ah oui, j’allais l’oublier celui-là !»
D’ailleurs, heureusement que Morbius est intervenu car je ne trouvais plus de fin à mes énumérations. Alors pour conclure avec DOUBLE ASSASSINAT DANS LA RUE MORGUE, il possède ce charme des décors hollywoodiens des 30′s, mêlant l’univers des banlieues oisives de Paris retranscrites par les peintures de Renoir, à une enquête policière mêlant humour et meurtres. Roy Del Ruth en tournera aussi une sympathique version avec LE FANTÔME DE LA RUE MORGUE en 1954, interprétée par Karl Malden.
- Trapard -
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Un film superbe, trop peu connu.