DOCTEUR X (1932) de Michael Curtiz (par Trapard)
Lancé par la First National Pictures (avant qu’elle ne devienne la Warner Bros.), et par les producteurs Hal B. Wallis et Darryl F. Zanuck, DOCTEUR X (Doctor X) est un agréable petit film d’épouvante du début des 30′s qui mêle mystère, humour, savant fou, et le tout dans un univers semi-gothique du début des années 30.
Tourné (en couleurs) par un expatrié allemand, en pleine montée du nazisme dans son pays, Michael Curtiz, c’est à Lionel Atwill et à Fray Way que reviennent les rôles principaux du film. L’intrigue : Un étrange meurtrier commet de nombreux assassinats sanglants à proximité du cabinet d’un certain docteur Xavier, lequel emploie quatre autres médecins aux pratiques bizarres. Un jeune journaliste de presse écrite s’intéresse à l’affaire…
Sans trop en dire, l’enquête nous mène doucement vers un univers macabre où la jeune Fray Way, incarnant la fille du professeur Xavier (d’où le X du titre, et non pas, celui des X-Men qui n’étaient pas encore nés en 1932…) ajoute une touche de fraîcheur « teen » au film. Elle tournera de nouveau sous la houlette de Curtiz, l’année suivante, et toujours aux côtés de Lionel Atwill, dans MASQUES DE CIRE (Mystery of Wax Museum), alternant avec une carrière glorieuse pour la RKO dans LES CHASSES DU COMTE ZAROFF (1932, The Most Dangerous Game) mais surtout, en incarnant la fiancée de KING KONG (1933).
Bien que souvent bavard, DOCTEUR X n’en reste pas moins un très beau film graphique des 30s, Michael Curtiz, en bon contemporain de Fritz Lang qu’il était, aimant jouer avec les jeux d’ombres et les éclairages inquiétants. Et c’est sans omettre l’univers scientifique des studios hollywoodiens, fait d’éprouvettes et des produits chimiques fumants ou en ébullition, que FRANKENSTEIN de la Universal Pictures avait popularisé l’année précédente, histoire de savant fou oblige ! Le MASQUES DE CIRE de Curtiz de 1933 n’échappera pas à la règle, avec la cire bouillante des statues de figures historiques camouflant des cadavres, en prime. Personnellement, je conseille fortement ce dernier film à ceux qui ne l’auraient jamais vu, car il est, pour moi, l’aboutissement de DOCTEUR X et du travail de Michael Curtiz vers un univers gothique plus abouti encore. Mais Michael Curtiz est aussi le grand réalisateur de westerns, sur lequel il est difficile de faire l’impasse, en tant que fan du genre.
La First National Pictures créera une suite aux méfaits du Professeur Xavier, en 1939, avec THE RETURN OF DOCTOR X, réalisée par Vincent Sherman, mais sans Lionel Atwill qui s’est trouvé un digne remplaçant sous les traits d’Humphrey Bogart (si, si !). Humphrey Bogart a donc interprété un savant fou, bien avant tous les personnages magnifiques qu’on lui connaît, et ceci à une époque où je considère qu’il ne trimballait sa belle gueule que dans des rôles mineurs de sous-James Cagney. Humour, mystère, assassinats et enquêtes journalistiques sont de nouveau au programme de cette séquelle en noir et blanc du DOCTEUR X, et cette fois-ci et Bogart y arbore une belle coupe de cheveux striée d’une mèche blanche, presque digne de celle d’Elsa Lanchester dans LA FIANCÉÉ DE FRANKENSTEIN tourné quatre ans plus tôt, et une grande paire de lunettes rondes. Moins machiavélique que le Docteur Denfert des AUSTIN POWERS ou que le Docteur Gang d’INSPECTEUR GADGET qui ne se déplacent jamais sans leurs chats persans capricieux, Bogart en Professeur Xavier incarnerait plutôt un scientifique névrosé et un peu paumé, errant avec un lapin blanc dans les bras.
DOCTEUR X et LE RETOUR DU DOCTEUR X, deux films qui n’ont pas trop laissé de traces indélébiles dans l’Histoire du cinéma d’horreur, mais qui sont néanmoins à découvrir ou à redécouvrir pour les fans de Savants Mabouls en tout genre.
- Trapard -
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C’est en lisant cet article (au demeurant très intéressant !) que j’ai réalisé que ce Professeur X (Xavier) à son homonyme dans le film de Roger Corman titré « X » (titre français : L’horrible cas du docteur X). Dans ce film de 1963, il y a aussi un Dr Xavier (interprété par Ray Milland) Plus ça va, plus je constate que Corman à passé sa carrière à copier ce qui existait. Mais il le fait si bien…
Merci de nous redonner envie de regarder à nouveau ce superbe cinéma d’avant ! Moi je trouve ça génial.
Ah, tiens, en effet, je n’avais pas pensé au film avec Ray Milland que je ne connaissais d’ailleurs que sous le titre anglais « The Man with the X-Ray Eyes ». Mais il est très différent et je ne suis pas certain que l’on peut se limiter au seul Corman pour parler de ce gouffre d’inter-influences que sont le cinéma fantastique et le cinéma d’horreur. D’ailleurs, même le cinéma d’auteur qui se veut un genre à part et hors cadre d’un cinéma d’exploitation, ne fait que puiser, renouveler, réinterpréter le cinéma de genres.
Les autres arts font de même, non ?
Certes, certes. Mais c’est la reprise du nom « Xavier » pour ce deuxième « mad doctor » que j’ai trouvé très proche de l’original. En même temps, des noms propres qui commencent pas « X », il n’y en a pas beaucoup. Xénophon, Xerxès…
Les deux films sont en effet très différents.
Le Professeur Xavier des X-Men est sûrement le seul des 3 qui reste encore d’actualité, rien qu’avec les continuelles rééditions des Marvel comics et les adaptations de la 20th Century Fox.
S’il est vrai que Michael Curtiz a tourné ce film en couleurs (tout comme « Masques de cire », avec également Lionel Atwill et Fay Wray, par la suite), il l’a aussi tourné en noir et blanc simultanément, chaque scène ayant été jouée et filmée deux fois, et avec un directeur de la photo différent pour chaque version. Ce qui n’est pas le cas de « Masques de cire » (Mystery of the Wax Museum) qui lui n’a été fait qu’en couleurs, bien qu’il en ait circulé des copies noir et blanc. Si vous ajoutez à ça qu’il a AUSSI existé des copies noir et blanc de la version couleurs de « Doctor X » (l’une d’elles a même été présentée à la télé en France voici quelques années), avouez que ça devient compliqué!..
Mais c’est facile à voir en lisant le générique.
Pour la version n&b: Directeur de la photo, Richard Towers
Version Technicolor: Directeur de la photo, Ray Rennahan
Pour revenir sur le jeu mais surtout sur la forte personnalité de Fay Wray dans DOCTEUR X en 1932 et dans KING KONG et MASQUES DE CIRE en 1933, elle semble à elle seule (ou presque) préfigurer ce que sera à partir de 1934, la Femme dans les « Screwball comedies ».
Wikipedia :
La screwball comedy ou comédie loufoque est un sous-genre de la comédie hollywoodienne. Elle tire son nom de l’argot américain dans lequel screwball désigne un individu au comportement étrange voire excentrique. Le terme est lui-même dérivé du jargon du baseball dans lequel la screwball, c’est-à-dire la balle tire-bouchon, ou balle « vissée », est une balle lancée de telle manière que sa trajectoire soit imprévisible.
Bien qu’aucune définition ne fasse réellement autorité, on considère généralement que ses caractéristiques principales sont la combinaison d’humour slapstick et de dialogues vifs, autour d’une intrigue centrée sur des questions de mœurs, notamment les thèmes de la rupture, du divorce ou du remariage.
La comédie loufoque mêle donc des éléments de la comédie de situation, de la comédie romantique et de la farce.
Les limites temporelles d’une comédie loufoque sont, à l’image de la définition du genre, difficiles à tracer. Le film de Frank Capra New York-Miami, en 1934, est généralement considéré comme son premier représentant significatif et, si son âge d’or se termine avant le milieu des années 1940, des éléments du genre continuent d’apparaître, parfois sous la forme d’hommages ou de citations, dans des films contemporains. Pour expliquer son déclin, on avance notamment le fait que l’irruption de la Seconde Guerre mondiale et la fin de la Grande Dépression minèrent les codes thématiques qui faisaient la colonne vertébrale du genre, à savoir un exutoire à la misère. Par ailleurs, après la guerre, les personnages féminins du cinéma américain sont devenus un peu plus effacés, or la forte personnalité des femmes est l’ingrédient le plus notable du genre.
Les comédies romantiques actuelles découlent des modèles mis en place par ces comédies loufoques mais dans une perspective nettement plus conformiste, notamment quant à la place de la femme dans la société ou dans le couple.
Éléments de définition :
-des personnages féminins libres et aux personnalités fortes
-situation ridicule, farce.
-vivacité des réparties. Empruntant à d’autres genres antérieurs (films de gangster, journalisme ou comédies romantiques…), la comédie loufoque porte à son apogée la virtuosité des dialogues qui deviendront une de ses marques de fabrique.
-snobisme de classe inversé : convention implicite ou explicite que les gens modestes ont des valeurs supérieures à celles des gens prospères. Les possédants finissent généralement par adopter les valeurs et les attitudes populaires et révéler ainsi la noblesse de leurs sentiments.
-élément romantique. La comédie loufoque met souvent en scène un couple de protagonistes destiné à se compléter mais rencontrant des difficultés à vivre ensemble ou à s’avouer leurs sentiments.
-divorce et remariage. Quelques érudits pointent cet aspect comme étant une évolution dans le code éthique américain vers une plus grande facilité pour le divorce mais avec la réassurance que le mariage reste finalement la meilleure façon de vivre.
-les intrigues tournent souvent autour de la vie d’un riche oisif, entrant en conflit avec un personnage contraint d’avoir une occupation rémunérée.