WHITE ZOMBIE (1932) de Victor Halperin (par Trapard)
WHITE ZOMBIE est d’abord le premier film de zombies recensé par l’Histoire du cinéma. Il est ensuite une petite histoire de famille, puisque ce sont les deux réalisateurs et frères, Halperin (Edward et Victor), qui ont produit ce petit film indépendant (bien qu’une majorité des scènes furent tournées dans les studios de la Universal), un film aujourd’hui culte, et que Victor Halperin réalisa lui-même. Béla Lugosi y tient même la tête d’affiche, affublé d’une longue barbiche et d’un vaste manteau sombre, dans un de ces rôles inquiétants qui lui sont rattachés à jamais (et qu’on en oublierait presque qu’il a aussi tourné des comédies). L’intrigue : Un jeune couple en voyage à Haïti, Neil et Madeleine, est invité par une connaissance, Charles Beaumont, à venir dans sa plantation pour leur mariage. Mais Beaumont est amoureux de Madeleine et espère pouvoir la persuader de l’épouser lui plutôt que Neil. Repoussé, il s’adresse alors, à un maître vaudou blanc, Legendre (Béla Lugosi), pour qu’il fasse d’elle un zombie de manière temporaire…
WHITE ZOMBIE n’est pas toujours très réussi dans sa réalisation, mais il possède un charme macabre indéniablement poétique, lors des diverses scènes d’errances des esclaves zombifiés au milieu des brumes parsemant les décors de paysages nocturnes haïtiens ou lors de scènes se déroulant en bord de mer, au pied d’un château et devant une immense matte-painting. Et certaines scènes, comme celles où Madeleine en transe joue du piano, annoncent aussi et en quelque sorte le magnifique film poétique de Jacques Tourneur, VAUDOU (1943).
WHITE ZOMBIE engendra un petit succès, bien qu’il ait été plutôt public que critique, puisque les frères Halperin récidiveront, en 1936, avec LA RÉVOLTE DES ZOMBIES (Revolt of the Zombies), mais sans Lugosi, cette fois-ci. Mais avec l’acteur William Crowell interprétant le méchant prêtre asiatique Tsiang. Du coup, au lieu de zombies haïtiens, c’est en Asie du Sud, et dans les profondeurs du Cambodge français, à Angkor, qu’au milieu de la première guerre mondiale, des troupes américaines affrontent la secte de Tsiang, détenant le secret ancestral de la zombification, et créant ainsi de redoutables machines à tuer. On se rapproche donc, avec ce film, des régions cinématographiques et littéraires très nébuleuses du néfaste et machiavélique Docteur Fu Manchu, ce grand gourou du Péril Jaune et ennemi juré des Empires coloniaux de l’Asie…
La même année, Boris Karloff tournera lui aussi une variante du « film de zombie » avec le sympathique LE MORT QUI MARCHE (The Walking Dead) sous la direction de Michael Curtiz. Un film de la Warner Bros. Pictures dans lequel Karloff est condamné à tort pour meurtre, et après son exécution, un scientifique lui applique un nouveau traitement, de son invention, pour le ramener du trépas vers la vie…
En parcourant un serial de SF, datant de 1935, THE LOST CITY, j’ai même eu le plaisir de découvrir un étrange épisode intitulé THE LIVING-DEAD MEN, dans lequel un savant fou aux faux airs de Vincent Price zombifie scientifiquement, dans son immense laboratoire, toute une tribu africaine qu’il garde enfermée dans des geôles et dont il commande chaque faits et gestes. Mais sur ce même thème, Fritz Lang, en pleine montée du nazisme en Allemagne, n’annonçait-il pas lui aussi et en quelque sorte, une zombification (mais plus sciemment politisée), lorsque le Docteur Mabuse exerçait ses pouvoirs d’hypnose et de suggestion sur ses sujets, dans les versions de 1922 et surtout dans celle de 1933 ?
Pour en revenir au « film de zombies » pur et dur, j’ouvrirai une parenthèse avec LE ROI DES ZOMBIES (King of the Zombies), une comédie horrifique tournée en 1941 par Jean Yarbrough, et interprétée par Mantan Moreland, un comédien afro-américain qui eut sa période de gloire dans de petites productions d’horreur ou d’aventures des années 40, en interprétant des personnages assez couards et aux accents du Bronx très prononcés (alors qu’il était originaire de la Louisiane). Un comédien d’une certaine blaxploitation des 40′s, un peu désuète, mais que l’Oscar attribué en 1939 à l’actrice Hattie McDaniel, incarnant Mamma dans AUTANT EN EMPORTE LE VENT, a sûrement accéléré. Mais aujourd’hui, Mantan Moreland, est presque un comédien culte, avec les années, pour les amateurs de cinéma bis, et personnellement je considère que, malgré l’ineptie de ses rôles, Mantan Moreland était un très bon comédien comique, qui me fait beaucoup rire. On le voit affronter, avec son grand regard épouvanté, dans LE ROI DES ZOMBIES, des hordes de zombie caribéens puisque son avion s’écrase sur une petite île, et entouré de ses trois camarades survivants, il est accueilli par le Dr. Sangre, un scientifique nazi qui pratique la sorcellerie vaudou pour réveiller les morts et les pousser à l’esclavage. C’est donc ici un début de brèche qui s’ouvre sur le futur sous-genre du « film de zombies nazis » mais c’est aussi un retour au « film de zombie vaudou » et, si je mets de côté le sympathique nanar d’Edward L. Cahn, ZOMBIES OF MORA TAU (1957), c’est George Andrew Romero qui nous guidera (avec LA NUIT DES MORTSVIVANTS), dès 1968, jusqu’à l’actuel zombie « moderne » tel qu’on le connaît. Sans oublier sa déclinaison récente, avec les « Infectés ». Seul L’EMPRISE DES TÉNÈBRES (1988), de Wes Craven, nous proposera un retour vers les origines haïtiennes et vaudou qui étaient le point de départ de WHITE ZOMBIE. Lucio Fulci, et quelques cinéastes du bis italien, situant pourtant l’action de leurs « films de Zombies » sur de petites îles caribéennes souvent imaginaires, dans leurs films des 70′s jusqu’aux 80′s…
Mais pour terminer sur WHITE ZOMBIE, et bien qu’il soit le premier film de morts-vivants, il est aussi un film à voir ou à revoir de temps à autres, pour son univers horrifique, un peu décalé. Un film aussi dans lequel Béla Lugosi interprète un de ses rôles les plus cultes de sa carrière dans le cinéma d’horreur des 30′s. Et voir Béla Lugosi en sorcier vaudou, tout européen qu’il soit, cela vaut tout de même son pesant de morsure cinématographique sur Haïti d’un autre temps !
- Trapard -
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Super ! Merci.
En ce moment ça va fort les films de zombies, du pire au meilleur.
Pour qui voudrait voir (en entier et en v.o.)
-WHITE ZOMBIE (1932) :
http://www.dailymotion.com/video/x1pf2cu_white-zombie-1932_shortfilms
-LA RÉVOLTE DES ZOMBIES (1937) :
http://www.dailymotion.com/video/x1p8bha_revolt-of-the-zombies-1936_shortfilms
-LE ROI DES ZOMBIES (1941) :
http://www.dailymotion.com/video/x1p5ypk_king-of-the-zombies-1941_shortfilms
-REVENGE OF THE ZOMBIES (1943) sorte de suite hilarante de VAUDOU (1943) :
http://www.dailymotion.com/video/x1p6whc_revenge-of-the-zombies-1943_shortfilms
Un blog interactif sur l’évolution des zombies depuis…la nuit des temps :
http://dtc-wsuv.org/dking/narrative/index.html