ORLAC, et plus précisément Stephen Orlac, est un pianiste victime d’un accident de chemin de fer, qui le blesse gravement à la tête et le prive de ses mains. Le docteur Cerral lui greffe alors celles d’un assassin fraîchement guillotiné. Dès lors, Orlac se demande s’il n’a pas hérité de penchants criminels lorsqu’il se rend compte qu’il ne contrôle plus ses mains. C’est la trame du roman de Maurice Renard « Les Mains d’Orlac » qui fut publié en 1921.
Trois ans après la sortie du livre de Maurice Renard, le cinéma s’emparait déjà du sujet, et c’est Robert Wiene, le réalisateur du CABINET DU DOCTEUR CALIGARI (1919), qui sera le premier a en tourner une version avec LES MAINS D’ORLAC (Orlacs Hände), en 1924 et avec Conrad Veidt dans le rôle-titre.
La version la plus connue, et qui est aussi une des plus fascinantes, est celle de la Metro-Goldwyn- Mayer, LES MAINS D’ORLAC (Mad Love) tournée par Karl Freund en 1935. Les scénaristes en détourneront le personnage originel du médecin Cellar pour en créer celui de Gogol, un médecin romantique et amoureux jaloux et psychotique de la femme d’Orlac : Fou d’admiration pour l’actrice Yvonne Orlac, qu’il vient voir chaque soir sur scène au théâtre, Gogol apprend que celle-ci est mariée au grand pianiste Stephen Orlac, et elle repousse ses avances. Une nuit, le train de Stephen déraille. Le pianiste doit être amputé des deux mains. Yvonne décide d’appeler le docteur Gogol pour réaliser l’impossible : lui seul peut sauver les mains de son mari. Gogol va alors amputer les deux mains de Stephen pour les remplacer par celles d’un grand criminel venant d’être exécuté. L’opération est un succès, mais le jeune couple ignore tout des procédés utilisés par le médecin. Les mois s’écoulent, Gogol est de plus en plus attiré par Yvonne dont il possède une reproduction en cire dans son appartement, tandis que les mains de Stephen commencent à agir curieusement, comme guidées par l’instinct de meurtre…
Qui mieux que Colin Clive pouvait interpréter le pianiste Orlac, de par son corps longiligne, très mince, ses membres et ses mains semblant démesurées, il est idéal dans le rôle du pianiste dont les mains ne semblent plus lui appartenir. Et ceci, juste après son double rôle du scientifique et baron Frankenstein se contorsionnant hystériquement face à sa créature dans FRANKENSTEIN (1931), puis LA FIANCÉE DE FRANKENSTEIN (1935).
Et tandis que la jeune et jolie Frances Drake interprète Yvonne Orlac, c’est l’acteur allemand Peter Lorre qui entre dans la peau du Docteur Gogol. Ayant fui l’Allemagne nazi, quelques années après le réalisateur Karl Freund, Peter Lorre est un immense comédien lorsqu’il s’agit d’interpréter des personnages tourmentés, et cela ne semble qu’évident que Freund ait fait appel à lui pour exagérer l’univers expressionniste de son film. Rappelez-vous, en 1931, Peter Lorre était déjà M. LE MAUDIT, sous la houlette de Fritz Lang. « M » comme Meurtres : un assassin d’enfants psychotique, mais un monstre qui semblait finalement si infantile, et si perdu et traqué face à un autre monstre tentaculaire, plus dangereux encore : l’Allemagne en colère s’infiltrant peu à peu dans toutes les classes sociales, prêtes à lyncher n’importe quel innocent pour assouvir cette soif de colère, et évoluant tout naturellement vers le régime national-socialiste des années 30. Dans ce même genre de personnage psychotique, Peter Lorre a aussi été le solitaire, Hilary Cummins, dans le magnifique film de Robert Florey, de 1945, LA BÊTE AUX CINQ DOIGTS (The Beast with Five Fingers)…
Pour revenir aux MAINS D’ORLAC, le roman sera encore adapté à l’écran, en France, par Edmond T. Gréville, en 1961, et aux Etats-Unis, en 1962, par Newton Arnold avec HANDS OF A STRANGER.
Personnellement, j’affectionne particulièrement une adaptation assez méconnue mais indirectement inspirée de Maurice Renard, puisque le film (BODY PARTS, 1991, d’Eric Red) est tiré d’un roman de Pierre Louis Boileau et de Thomas Narcejac, paru en 1965, et qui reprend une trame presque similaire avec « … Et mon tout est un homme » : Quand Bill Chrushank perd un bras suite à un accident de voiture, il se voit proposer de s’en faire greffer un. Sauf que, comme pour deux autres patients greffés, le donneur est un criminel venant d’être exécuté. Rapidement, Bill se rend compte que son nouveau bras est habité par une force qu’il ne peut contrôler. Petit à petit, il remonte jusqu’aux autres greffés…
Plusieurs Orlac d’un seul coup ici, mais la même histoire anxiogène, dans le fond : de quels passés peuvent être chargés des « donneurs » ou l’angoisse de se faire greffer un élément physique étranger…Orlac, est un monstre sacré du cinéma Fantastique, somme toute très ordinaire qui hante encore nos vidéothèques ou DVDthèques dédiés à des classiques comme MAD LOVE, mais sûrement aussi nos propres anxiétés d’éventuels futurs accidentés, même si le roman de Renard date déjà de 1921, et celui de Boileau-Narcejac, de 1965…
- Trapard -
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Mad Love, voici bien un film dont on pourrait faire un super remake. Peter Lorre harnaché de son corset, fou comme un lapin, un grand moment de terreur cinématographique…
Mais quel acteur serait à la hauteur de Peter Lorre sans faire des tonnes de grimaces ?
La version franco-anglaise des MAINS D’ORLAC d’Edmond T. Gréville de 1961, est très bonne.
Mel Ferrer y affronte Christopher Lee dans un univers très sixties et rien que pour ça, le film vaut le coup d’oeil !
http://www.imdb.com/title/tt0054963/?ref_=fn_al_tt_3