LA FELINE (1942)

Posté le 24 février 2013

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LA FÉLINE (1942) de Jacques Tourneur (par Trapard)

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Produit par la RKO, et notamment par Val Lewton, dans le cadre de la nouvelle unité de production de la firme spécialisée dans les films de série B, qui devaient compléter des double-programmes d’exploitations en salles. Frileux devant l’audace du sujet de LA FÉLINE (Cat People), les producteurs en chefs de la RKO avaient d’abord envisagé une distribution du film comme complément de programme du CITIZEN KANE (1941) d’Orson Welles qui fut un échec commercial. À l’inverse, LA FÉLINE qui fut envisagée comme un échec, remporta 4 millions de dollars alors que son budget ne dépassait pas les 135 000 dollars.

L’intrigue : Irena Dubrovna, jeune modéliste à New York, est hantée par la peur d’être la descendante d’une race de femmes-monstres qui se transforment en panthères dès qu’elles perdent leur virginité. Oliver Reed, un architecte naval, tombe amoureux d’elle et essaie de la convaincre que ses craintes sont sans fondement. Après le mariage, Irena est terrifiée à l’idée de consommer leur union et demande à Oliver d’être patient. L’aide du docteur Judd, un psychanalyste, reste sans effets : Irena va de plus en plus mal et Oliver cherche le réconfort chez Alice, une collègue de travail, mais cette dernière est menacée deux fois par une bête inconnue…

13022407044915263610898574 dans Le grenier du ciné fantastique

Le générique du film crédite DeWitt Bodeen pour l’écriture du scénario mais celui-ci fut rédigé avec la collaboration du réalisateur Jacques Tourneur, le producteur Val Lewton, le compositeur de la musique, Roy Webb, et même avec la secrétaire de Val Lewton. Les scénaristes s’étant focalisés sur une écriture visuelle et par conséquent, dans la logique d’une économie de moyens, puisque l’horreur et les apparitions de la panthère sont surtout suggérées par la bande-sonore ou par des ombres et par certains effets de réalisation, ce qui accroit, au final, l’intensité du film. Tourneur a d’ailleurs inventé, pour le film, un procédé de réalisation appelé l’effet-bus qui sera la base de la réalisation d’un certain cinéma d’épouvante tel qu’on le connait aujourd’hui. L’effet en question consiste, à la fin d’une scène dans laquelle la tension est montée à son comble, à la faire retomber brusquement au moyen de l’irruption d’un élément extérieur, comme un chat qui traverse la pièce. Voici, en exemple, une scène du film : Alice, la collègue d’Oliver, est poursuivie par une présence menaçante, et traverse un parc de nuit, éclairé de loin en loin par un lampadaire. L’écran est rétréci par ces zones d’ombre, rapprochant le spectateur de l’action (et par l’envahissement de l’écran par l’obscurité de la salle de projection publique). Puis l’héroïne est toujours filmée marchant de la gauche de l’écran vers la droite. Elle accélère le pas progressivement, en se retournant vers la gauche de l’écran, d’où provient la menace. La tension monte progressivement. On entend des feulements, des bruits de pas… La scène se conclut par l’irruption d’un bus, de la droite de l’écran (donc allant dans le sens inverse de la marche de l’actrice), que l’on n’entend pas venir (rendant son irruption imprévisible et très brutale) ; le son du coup de frein est très proche d’un cri félin, et nous parvient avec retard, par rapport à l’image, ce qui contribue encore plus à faire sursauter le spectateur…

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Ce même procédé sera d’ailleurs repris l’année suivante par Lewton et Tourneur, pour L’HOMME LÉOPARD (The Leopard Man).

La Femme-Panthère de LA FÉLINE, aka Irena Dubrovna, est interprétée par la très belle actrice française, Simone Simon, qui facilita d’ailleurs l’obtention du poste de réalisateur au Français Jacques Tourneur, le fils de Maurice Tourneur (réalisateur, notamment, de LA MAIN DU DIABLE en 1943).

Cependant, la RKO fera plutôt appel au réalisateur, Robert Wise, deux années plus tard, pour LA MALÉDICTION DES HOMMES-CHATS (1944), très étrange suite de LA FÉLINE, mais néanmoins non dénuée d’une certaine poésie liée à l’Enfance.

13022407113815263610898577LA FÉLINE engendrera une multitude de dérivés sur le sujet, comme la belle Femme-Gorille de CAPTIVE WILD WOMAN sorti dès 1943 par la Universal (et réalisé par Edward Dmytryk). La Universal récupérera d’ailleurs les droits d’auteurs de LA FÉLINE, et le réalisateur, Paul Schrader, en tournera un remake éponyme en 1982. Bien entendu, quarante années plus tard, c’est une autre époque et d’autres moeurs, et là où le film de 1942 était presque osé en suggérant fortement la sexualité à travers le personnage incarné par Simone Simon, la Irena de 1982 interprétée par Nastassja Kinski avait déjà dépassé le cadre des non-dits de la génération précédente. De plus, en habitué des sujets de société tabous, le réalisateur Paul Schrader, allié du scénariste Allan Ormsby (auteur et réalisateur de la première version, et la plus malsaine, des péripéties du tueur nécrophile, Ed Gein, en 1974) ont fait évolué le remake vers un relation à la limite de l’inceste, entre la Femme-Panthère et son frère.

Pour en revenir au film original, c’est un beau parcours pour une simple série B encore bien référencée par les fantasticophiles actuels et dont son réalisateur écrivit la base d’un pan entier de l’Histoire de la réalisation cinématographique. C’est un petit classique culte du Cinéma d’Épouvante sur lequel LES ÉCHOS D’ALTAÏR se devaient de revenir.

- Trapard -

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3 commentaires pour « LA FELINE (1942) »

  1.  
    Trapard
    24 février, 2013 | 18:42
     

    Pourquoi ne pas remplacer la liste des « Autres articles écrits par Trapard » sous l’article et les autres articles de cette catégorie, par une liste de « Autres titres des Archives du ciné fantastique » ? Pour avoir un répertoire visible après la lecture de chaque nouvel article, en gros.

  2.  
    Jean Beauvoir
    25 février, 2013 | 11:29
     

    Je n’en reviens pas, le personnage de La féline se nomme Oliver Reed, comme le fameux acteur rendu célèbre par la Hammer Film (et qui joua dans Gladiator à la fin de sa carrière).
    La féline est donc sortie en salle avec Citizen Kane. Or Oliver Reed (l’acteur) à partagé l’affiche avec Orson Welles, dans un film déroutant de 1967, titré Qu’arrivera-t-il après (titre original bizarre : I’ll Never Forget What’s'isname). En plus, c’est Kent Smith qui joue le rôle d’Oliver Reed dans La féline, le fameux Kent Smith de la série TV Les envahisseurs. Enfin, tout ça n’a aucun sens…
    À ben oui, l’effet-bus. Je mets maintenant un nom sur ce lieu commun du cinéma. Le truc le plus éculé qui soit c’est les oiseaux : on peut citer des dizaines de films, certains tournés par les meilleurs réalisateurs, où l’effet-bus est produit par une volée d’oiseaux qui décolle d’un coup dans un bruissement d’ailes. Il faudrait faire un florilège de ces scènes et les mettre sur YouTube.
    Merci Trapard !

  3.  
    trapard
    23 octobre, 2016 | 16:02
     

    En fait, Oliver Reed n’est pas la Féline, mais son amoureux, et il est interprété par l’acteur Kent Smith. La Féline s’appelle (au civil) : Irena Dubrovna.

    Pour en revenir au scénario de LA FÉLINE, je ne sais pas si Stephen King s’en est inspiré pour écrire LA NUIT DÉCHIRÉE (1992, Sleepwalkers) avec les étranges « Félidés » qui ont plus d’un point commun…

    …Par contre, c’est beaucoup plus évident que le scénario de Robert Bloch pour le téléfilm inédit en France (pour « ABC movie of the week ») : THE CAT CREATURE (1973) de Curtis Harrington, trouve sa source dans LA FÉLINE.
    Kent Smith joue d’ailleurs un petit rôle dans ce sympathique téléfilm fantastique.

    http://www.imdb.com/title/tt0069855/

    Histoire : Une ancienne amulette représentant un chat est dérobée sur une momie. D’étranges meurtres ont lieu et tous ont pour point commun ce bijou maudit. La police, aidée par un universitaire, se lance dans une enquête qui révèlera un secret ancestral…

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