LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES (1945) de Robert Wise (par Trapard)
LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES (The body snatcher) est une de ces très bonnes séries B fantastiques, dites « films noirs », que Val Lewton produisait au nom de la RKO comme LA FÉLINE (dont nous parlions dernièrement sur Les Échos Altaïr), et qui étaient destinés à alimenter des doubles programmes d’exploitation en salles.
C’est à Robert Wise, déjà réalisateur de LA MALÉDICTION DES HOMMES-CHATS (1943) pour la même RKO, que l’on doit ce petit bijou gothique sans prétentions, mais ô combien fascinant, lorsqu’il s’agit de traiter de la noirceur humaine.
En pleine période victorienne, John Gray (Boris Karloff), un fossoyeur très malsain, fournit, sans aucun regret ni honte, en cadavres frais, le Dr Toddy MacFarlane (Henry Daniell) pour ses recherches. Lorsque Donald Fettes (Russell Wade), le jeune disciple du médecin, tente de dénoncer le trafic illégal, et qui prend des tournures meurtrières, il se voit malgré-lui entraîné dans le jeu manipulateur et sans concessions de John Gray…
Outre la présence de l’excellent comédien Henry Daniell, LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES nous offre aussi, et sûrement, l’un des meilleurs rôles de composition d’un être malsain, sournois et cupide par Boris Karloff. Dans les années 40, alors qu’il ne commençait à jouer que dans des films dont les budgets s’amoindrissaient nettement par rapport à ceux tournés lors de la décennie précédente, il se voyait, paradoxalement, offrir des rôles qui lui permettaient plus qu’auparavant d’exploiter la mesure de son talent d’excellent comédien. Même son rival, Béla Lugosi, interprétant un petit rôle dans LE RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES, nous offre aussi lors d’une rixe avec Karloff l’une des plus belles scènes d’anthologie du cinéma gothique.
Malgré le manque de gros moyens financiers, Robert Wise s’est néanmoins appliqué à réaliser un film très atmosphérique dans une approche gothique et psychologique tout en profondeur. Le sujet de L’IMPASSE AUX VIOLENCES produit quinze années plus tard, en 1960, par la firme britannique Triad Productions, rappelle beaucoup celui du film de Robert Wise. Le réalisateur anglais, John Gilling, s’étant sûrement immergé dans l’univers du RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES pour aborder son film sur les fossoyeurs assassins, William Burke et William Hare, que John Landis a aussi récemment remis au goût du jour avec son BURKE & HARE (CADAVRES À LA PELLE, en français).
Le John Gray du RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES est quant à lui un solitaire et meurtrier de sang froid, affichant un éternel sourire attentionné au coin des lèvres, et ce regard toujours de guingois, et attentif à sa survie, comme à alimenter sa bourse sans fin, et prêt à serrer une gorge si nécessaire. Un film noir que ce BODY SNATCHER, et qui reste un des classiques de la série B que la RKO nous permet encore de découvrir ou de revoir avec ce plaisir qu’un fantasticophile peut avoir en retrouvant les codes d’un cinéma gothique extrêmement bien exploités, agrémentés d’une intrigue encore fascinante.
- Trapard -
Autres films présentés dans la catégorie Le Grenier du Ciné Fantastique :
La Charrette Fantôme / La Chute de la Maison Usher / Les Contes de la Lune vague après la Pluie / Frankenstein (1910) / Le Cabinet du Docteur Caligari / La Monstrueuse Parade / Le Fantôme de l’Opéra / Double Assassinat dans la Rue Morgue / Docteur X / White Zombie / The Devil Bat / La Féline (1942) / Les Visiteurs du Soir / La Main du Diable
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Excellent film, nous sommes d’accord !
Et félicitations pour ton sympathique blog que je viens de découvrir.
Merci à Trapard pour son article, et merci à toi, Félix, pour tes compliments adressés au blog.
Je ne suis pas sûr du tout que John Gilling se soit inspiré de « The Body Snatcher » pour « L’impasse aux violences »… En effet, ce dernier film est un remake de « The Greed of William Hart », d’Oswald Mitchell (GB 1948), avec Tod Slaughter et Henry Oscar (rôles repris par Donald Pleasence et George Rose) et dont le scénariste et assistant-réalisateur n’était autre que… John Gilling. A la limite, ce pourrait donc être « The Greed of William Hart » qui se serait inspiré du film de Robert Wise, mais même ça je n’y crois pas, disons que tous ces films s’inspirent (assez vaguement en ce qui concerne le Robert Wise) d’une affaire criminelle archi-connue.
Par contre, « The Greed of William Hart » et « The Flesh and the Fiends » se ressemblent assez, même par le physique des acteurs, et les noms des personnages. La censure anglaise obligea les producteurs du film de 1948 à changer les noms, « Burke » devenant « Moore », « Hare » devenant « Hart », et le Dr. Knox devenant « Dr. Cox ». Mais le titre de tournage était bel et bien « The Crimes of Burke and Hare » et personne ne s’y trompa!
Merci beaucoup pour ces précisions extrêmement pointues.
Voilà qui devrait intéresser Monsieur Jean-Claude Michel s’il repasse sur les échos d’Altaîr :
http://muaddib-sci-fi.blogspot.com/2017/02/the-face-at-window.html