BERNARD QUATERMASS ET LA FAMILLE DELAMBRE : DEUX LÉGENDES DU CINÉMA DE SCIENCE-FICTION
QUATERMASS
Le professeur Bernard QUATERMASS est un physicien créé par l’écrivain et scénariste anglais Nigel Kneale pour une mini-série TV en 6 épisodes, pour la BBC, THE QUATERMASS EXPERIMENT (1953). À la tête d’un programme spatial britannique baptisé le « British Experimental Rocket Group », on le voit régulièrement confronté à de sinistres forces extraterrestres menaçant de détruire la Terre.
Le succès fut tel, en Angleterre, que la BBC relancera en 1955 et en 1958 deux nouvelles mini-séries de 6 épisodes chacune, QUATERMASS 2 et QUATERMASS AND THE PIT. Ce sont les comédiens Reginald Tate (1953), John Robinson (1955) et André Morell (1958) qui se succèderont dans le rôle de QUATERMASS à la télévision.
À l’instar du DOCTEUR WHO, c’est surtout grâce au cinéma, et à la maison de production HAMMER FILMS, que le public français a découvert notre cher physicien dans des intrigues inquiétantes et fascinantes, sous les traits de l’excellent comédien irlandais, Brian Donlevy. On le voit mener son enquête et traquant une créature extraterrestre monstrueuse arrivée à bord d’une fusée spatiale de retour sur Terre dans LE MONSTRE (The Quatermass Xperiment), réalisé par Val Guest. Val Guest et Brian Donlevy seront d’ailleurs, de nouveau, de l’aventure pour une suite, LA MARQUE (Quatermass 2) sortie en 1957, et dans laquelle, toujours accompagné de son complice l’inspecteur Lomax, Quatermass se retrouve coincé au milieu d’un complot politique camouflant une nouvelle invasion extraterrestre.
La Hammer Films produira une nouvelle enquête de Bernard Quatermass, en 1967, LES MONSTRES DE L’ESPACE (Quatermass and the Pit), réalisée cette fois-ci par Roy Ward Baker, et Andrew Keir y endosse le rôle du physicien, traquant l’envahisseur dans les tunnels du métro londonien.
Loin d’être démodé, le professeur Quatermass est régulièrement le héros d’émissions radiophoniques et de romans de science-fiction, et ses aventures ont même été réactualisées par les télévisions britanniques, Thames Television, en 1979, jusqu’à dernièrement, en 2005, par la BBC Four, au moment même où la BBC One rajeunissait le DOCTEUR WHO dans la série qui est largement diffusée outre-Manche.
Moins traqué, mais plus pragmatique et tout aussi obstiné que le David Vincent des ENVAHISSEURS, le professeur Bernard QUATERMASS est un véritable personnage culte de la science-fiction classique.
LES DELAMBRE
La famille Delambre est issue de l’esprit de l’écrivain franco-anglais George Langelaan, auteur de la nouvelle « The Fly » qui deviendra, en 1958, la fameuse adaptation cinématographique de la 20th Century Fox qu’est LA MOUCHE NOIRE (The Fly). À part quelques variantes, cette famille au nom à la consonance française, et originaire de Montréal, au Québec, gardera sa place de choix dans le film de Kurt Neumann.
André (Al Hedsison), frère cadet de François Delambre (Vincent Price), est marié à Hélène Delambre (Patricia Owens), avec laquelle il a eu un fils, Philippe (Charles Herbert). Il est scientifique et entreprend, dans le laboratoire familial, le projet fou d’inventer un prototype de ce que pourrait être la téléportation. Tout le monde connaît la suite : une mouche pénètre accidentellement dans l’un des télépodes (ou bipodes de téléportation), au moment où André Delambre s’utilise lui-même, en cachette, comme cobaye pour son expérience. Une expérience qui transformera malheureusement André en un croisement d’homme-mouche et qui anéantira la famille Delambre…
Hélène Delambre tuera son homme-mouche de mari avant de feindre la folie pour protéger l’honneur familial, mais un dénouement culte à la fin de LA MOUCHE NOIRE nous laisse imaginer le sort des survivants des Delambre…
Mais seuls François Delambre (toujours Vincent Price) et son neveu, Philippe, devenu un adulte (Brett Halsey), seront les héros du RETOUR DE LA MOUCHE (Return of the Fly) après que l’intro nous annonce le suicide d’Hélène, traumatisée. Réalisé par Edward Bernds pour Asssociated Producers et sorti en 1959, cette suite nous replonge dans l’univers de la téléportation, et devinez qui reprend le flambeau (ou l’éprouvette) d’André Delambre ? Philippe !
Traumatisé par la mort de ses parents, Philippe décide de reprendre les expériences de son père, malgré le savant – le savon, pardon – que lui passe Tonton François, qui ne désire pas être, encore une fois, spectateur d’un nouveau drame familial. Mais Savant Fou, c’est dans les gênes, on le sait, et il suffit de revoir la saga des FRANKENSTEIN de la Universal Pictures pour s’en persuader… Et LE RETOUR DE LA MOUCHE est presque un alibi pour les transformations animalières les plus fantaisistes, que ça en est presque étonnant que les scénaristes n’aient pas introduit l’arche de Noé au grand complet dans les télépodes pour nous épater, ô pauvres spectateurs que nous sommes…
Mais la saga et la malédiction de la famille DELAMBRE ne s’arrête décidément pas là, puisque dans LA MALÉDICTION DE LA MOUCHE (Curse of the Fly), production anglaise réalisée par Don Sharp en 1965, Henri Delambre continue les expériences de son père Philippe et de son grand-père André. Quand je vous disais que c’était dans les gênes ! Et là où je peux boucler mon article grâce à un lien providentiel avec le début de celui-ci, c’est qu’Henri Delambre est interprété par Brian Donlevy, notre vieux professeur Bernard Quatermass, recyclé en savant fou et névrosé. Henri Delambre est aussi assisté de ses deux fils, Martin et Albert Delambre (George Baker et Michael Graham), les arrière-petits enfants de notre savant originel de LA MOUCHE NOIRE.
Et le plus étonnant dans ce film anglais de 1965, qui glisse légèrement vers un psychédélisme qui commence à pointer le bout de son nez cette année-là en Angleterre comme aux USA, dans la musique rock, comme au cinéma, c’est que l’on retrouve, menant son enquête, un certain inspecteur Charas retraité qui, si vous vous en souvenez, était déjà le policier attaché à l’affaire Delambre dans LA MOUCHE NOIRE… mais trois générations de Delambre plus tôt ! Il est presque comme l’homme de loi qui a ouvert judiciairement l’« affaire Delambre » (interprété alors par Herbert Marshall) et il est celui qui la bouclera définitivement (sous les traits de Charles Carson), même si, trop âgé, il est finalement relayé par le jeune Inspecteur Ronet (Jeremy Wilkins). On aurait même pu attendre une nouvelle génération Delambre, puisque le générique de LA MALÉDICTION DE LA MOUCHE se conclut, avec humour, par les mots « Is this the End ? ».
Je ne reviendrai pas sur les deux autres adaptations de la nouvelle de George Langelaan, réalisées par David Cronenberg et Chris Walas, en 1986 et 1989, et mettant en scène la famille BRUNDLE, Seth et Martin, père et fils. Mais je me limiterai aux Delambre qui, comme le fameux professeur Quatermass, sont deux figures exceptionnelles d’un cinéma de science-fiction, un cinéma qui hésitait encore entre un classicisme et un modernisme, mais qui fait néanmoins encore partie des films de chevet de plusieurs générations de cinéphiles du Fantastique et de la SF.
- Trapard -
C’est le choc des cultures : la Sci-Fi UK contre la Sci-Fi US
Dans cette logique de la Sci-Fi UK contre la Sci-Fi US :
J’ai toujours trouvé une vague similitude entre les scénarios de la première série TV avec Bernard Quatermass, THE QUATERMASS EXPERIMENT (1953) et donc aussi avec son remake LE MONSTRE, réalisé par Val Guest…avec le film de science-fiction horrifique LE MONSTRE QUI VIENT DE L’ESPACE (1977, The Incredible Melting Man) de William Sachs et qui ressemble à une version plus trash de cette aventure de Quatermass.