LA TOUR DE NESLE (1955) d’Abel Gance (par Trapard)
LA TOUR DE NESLE, c’est d’abord une légende du XVe siècle selon laquelle une reine de France se serait livrée dans la Tour (en face de l’actuel musée du Louvre parisien) à la débauche, avant de faire jeter ses amants à la Seine, cousus dans un sac. Un professeur d’université nommé Buridan serait parvenu à s’échapper à son funeste sort, après avoir été repêché par ses élèves.
C’est aussi une comptine que certains ont peut-être entendu lorsqu’ils étaient enfants : « La tour, prends garde, La tour, prends garde, De te laisser abattre, Nous n’avons garde, Nous n’avons garde, De nous laisser abattre, J’irai me plaindre, J’irai me plaindre, Au Duc de Bourbon, Allez vous plaindre, Allez vous plaindre, Au Duc des cornichons, Mon Duc, mon Prince, Mon Duc, mon Prince, Je tombe à vos genoux, Mon capitaine, Mon colonel, Que me demandez-vous ? Votre cher fils, Votre cher fils, Pour abattre la tour, Allez mon fils, Allez mon fils, Pour abattre la tour… »
En 1832, Frédéric Gaillardet et Alexandre Dumas publièrent La Tour de Nesle, un drame historique en cinq actes qui met en scène Marguerite de Bourgogne, Buridan et les frères d’Aulnay. C’est cette pièce qui sert d’intrigue au film d’Abel Gance, qui est loin d’être la première adaptation après celles d’Albert Capellani (1909), Pierre Marodon (1924), Gaston Roudès (1937) et celle d’Émile Couzinet (1952). Celle d’Abel Gance est la plus célèbre.
Réalisateur français d’immenses fresques historiques comme NAPOLÉON (1927) ou AUSTERLITZ (1960), ou même des deux versions pacifistes de J’ACCUSE ! (1919 et 1938), comme d’adaptations littéraires plus légères avec LE CAPITAINE FRACASSE (1943) ou cette TOUR DE NESLE (1955), Abel Gance est surtout l’un des pionniers du cinéma français au sein d’une Avant-Garde cinématographique française née dans les années 1910.
Parfois un peu trop franchouillarde dans le ton, LA TOUR DE NESLE est surtout un petit classique franco-italien produit par Fernand Rivers, entre film d’épouvante avec une touche d’érotisme, film de cape et d’épée et documentaire historique, toujours bien rythmé et souvent intriguant.
Entre la légèreté d’un FANFAN LA TULIPE (1952) de Christian-Jaque, avec Gérard Philipe et Gina Lollobrigida, ou du CAPITAN (1962) d’André Hunebelle, avec Bourvil et Jean Marais, et le cinéma cultivé et très méticuleux de Sacha Guitry (SI VERSAILLES M’ÉTAIT CONTÉ, 1953, et NAPOLÉON, 1955), le film d’Abel Gance louvoie entre humour, suspense et s’applique à retracer méticuleusement les décors et moeurs du XVe siècle.
Pierre Brasseur, quinquagénaire et cabotin, interprète le capitaine Jehan Buridan. Il y côtoie la belle ex-miss Italie, Silvana Pampanini qui se glisse, le temps du film, dans la peau de la scandaleuse et troublante Reine Marguerite de Bourgogne.
Tourné alors qu’Abel Gance était âgé de 66 ans, LA TOUR DE NESLE me laisse un peu mitigé, non pas sur la sincérité de la démarche, et malgré quelques bons passages, mais sur l’irrégularité de la qualité d’un film qui a plutôt mal vieilli, au même titre que certains peplums italiens. Le film n’en reste pas moins une belle reconstitution d’une affaire historique légendaire.
- Trapard -
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Même si le fantastique n’y est pas, je considère LA TOUR DE NESLE comme un film quasiment gothique, tellement on y trouve des scènes proches de l’atmosphère de ce genre. De ce point de vue c’est une grande réussite.
Merci Trapard pour cet article sur ce film trop oublié, comparé aux films de « cape & d’épée » français qui passent bien plus souvent.