LES VAMPIRES (1957) de Riccardo Freda (par Trapard)
Pour contextualiser un peu ce film et le travail de son réalisateur, Riccardo Freda : l’Italie, en ruine, au sortir de la guerre, hissait une industrie cinématographique de Gauche et populaire, le « Néo-Réalisme », et ceci grâce à une poignée de réalisateurs aux films d’une grande finesse : Roberto Rossellini (ROME, VILLE OUVERTE, 1945, PAÏSA, 1946, et ALLEMAGNE, ANNÉE ZÉRO, 1948) – Vittorio De Sica (SCIUSCIÀ, 1946, LE VOLEUR DE BICYCLETTE, 1948) – Giuseppe De Santis (RIZ AMER, 1949) – et bien sûr, Luchino Visconti (LA TERRE TREMBLE, 1948). Dans les années 50, puis 60, ce cinéma d’après-guerre est devenu l’univers naturaliste tentaculaire et intellectuel d’un cinéma d’auteur italien que nous connaissons tous, plus ou moins, grâce aux films de Michelangelo Antonioni, Federico Fellini, Paolo et Vittorio Taviani, Ermanno Olmi, Francesco Rosi, et j’en passe, tellement le nombre de chef-d’œuvres est conséquent… Un cinéma intellectuel encouragé par une politique de Gauche, particulièrement au début des années 60, d’où les clivages cinématographiques qui ont longtemps existé en Italie (et aussi en France), surtout avec l’alternance régulière du parti social-démocrate et du parti démocrate-chrétien, au pouvoir.
Riccardo Freda, quand à lui, est l’un des premiers réalisateurs à avoir été en marge, dès les années 40, d’un cinéma néo-réaliste ou intellectuel d’après-guerre, tournant plutôt des adaptations d’œuvres littéraires historiques et à costumes, des films de capes et d’épées, ainsi que ce magnifique film gothico-policier que sont LES VAMPIRES, en 1957. Freda a aussi ouvert la voie à d’autres réalisateurs de « films de genres ». LES VAMPIRES est surtout le premier film d’horreur italien d’après-guerre, Mussolini ayant interdit le genre en Italie, l’interdiction n’ayant finalement été levée que très longtemps après la guerre.
L’intrigue : Un mystérieux tueur en série s’en prend à des jeunes femmes à Paris, mais chose étonnante : toutes les victimes semblent présenter le même groupe sanguin…
Riccardo Freda allait aussi lancer un véritable sous-genre transalpin, avec ce film de scientifique transfusant et assassinant des humains pour tenter de guérir un être cher qui dépérit, un sous-genre qui débordera même hors d’Italie, avec des dérivés anglais (LE CIRQUE DES HORREURS, 1960, de Sidney Hayers), français (LES YEUX SANS VISAGE, 1960, George Franju), ou espagnol (L’HORRIBLE DOCTEUR ORLOFF, 1962, Jesùs Franco)…
LES VAMPIRES est un mélange d’influences puisqu’il s’imbrique au sein d’un cinéma néo-réaliste italien filmé en extérieur, mais il se teint peu à peu d’un univers gothique renforcé par un magnifique décor poussiéreux de laboratoires, de caves, de greniers, en studios, la présence de Mario Bava derrière la caméra se laissant beaucoup ressentir. Ayant tourné presque la moitié des scènes de ce film comme de celles de nombreuses autres œuvres d’autres réalisateurs en Italie, Bava décidera bientôt de signer ses propres réalisations.
LES VAMPIRES est donc aussi un très beau film intriguant qui dilue à merveille les styles de réalisations de deux réalisateurs de talent : la vivacité d’un Freda et le lyrisme d’un Bava, et ceci en attendant les superbes CALTIKI, LE MONSTRE IMMORTEL (1959) de Freda et LE MASQUE DU DÉMON (1960) de Bava. La suite du cinéma d’horreur et bis, en Italie, vous la connaissez.
- Trapard -
Une étude intéressante. On apprend des choses.
Personnellement je reproche à ce film de manquer de force et d’ambiance. Les aspects gothiques sont insuffisants.
Comme je concluais mon article sur CALTIKI, LE MONSTRE IMMORTEL, le voici en version anglaise :
https://www.youtube.com/watch?v=NqorUZAuX4U