L’ÉTUDIANT DE PRAGUE (1913) (par Trapard)
La fin des années 1900 et le début des années 1910 étant une période faste en adaptations cinématographiques littéraires, et particulièrement en Europe, les comédiens étant généralement issus du théâtre, et les cadrages étant souvent peu inventifs, L’ÉTUDIANT DE PRAGUE (Der Student von Prag) et une poignées de films rares, sortent un peu du contexte que je viens de décrire. Sur fond de romantisme allemand et dosant un habile mélange d’adaptations d’E. A. Poe (William Wilson), de J.W. Goethe (Faust), d’Adelbert von Chamisso (L’Étrange Histoire de Peter Schlemihl) ou même d’E. T. A . Hoffmann et Alfred de Musset, L’ÉTUDIANT DE PRAGUE dilue une ambiance culturelle de bourgeoisie allemande du début du XVIIè siècle, dite de Biedermaier, dans laquelle l’étrange s’insinue sournoisement dans une normalité cessant très vite d’être rassurante.
L’intrigue : Un étudiant sans le sou sauve une jolie comtesse de la noyade et devient très vite obsédé par elle. Un vieux sorcier errant propose alors un pacte avec le jeune homme pour lui donner richesse et tout ce qu’il désire…
L’ÉTUDIANT DE PRAGUE est l’un des premiers films fantastiques du cinéma allemand, bien avant la naissance de l’Expressionnisme, et il inspirera sûrement Friedrich Wilhelm Murnau pour le romantisme expressif et profondément sombre de son NOSFERATU (1922).
Le thème du pacte avec le diable étant un sujet religieux, le début de ce vingtième siècle en Allemagne, et au niveau de l’art cinématographique, étant très influencé par une nouvelle science venue de Vienne, en Autriche, et proposée par M. Sigmund Freud, ce film prenait alors déjà des consonances psychanalytiques sur le thème du dédoublement de la personnalité.
Certains cadrages de cette toute première version de L’ÉTUDIANT DE PRAGUE sont dignes de peintures gothiques, lors de certains passages filmés de nuit, dans des décors mystérieux. Le réalisateur danois Stellan Rye est généralement considéré comme l’auteur de ce film, mais d’autres sources indiquent que l’acteur Paul Wegener, futur réalisateur de deux versions du GOLEM en aurait réalisé la majeur partie du tournage. L’écrivain allemand de récits macabres et érotiques, et co-scénariste du film, Hanns Heinz Ewers, aurait peut-être, lui aussi, dirigé certaines scènes.
Néanmoins, cette première version de L’ÉTUDIANT DE PRAGUE produite en 1913 par la Deutsche Bioscop Gesellschaft (qui fusionnera en 1922 avec la future Decla-Film, d’Erich Pommer, producteur d’un grand nombre de films expressionnistes, de Fritz Lang ou de Josef von Sternberg) engendra deux autres versions comme celle de Henrik Galeen en 1926 (avec Conrad Veidt et Werner Krauss), et celle d’Artur Robison en 1935, deux réalisateurs expressionnistes de talent.
L’ÉTUDIANT DE PRAGUE, finalement très éloigné de nous dans le temps, mais aussi de par sa valeur de classique du fantastique, de l’horreur, voir du romantisme allemand, viendra désormais intégrer les vieux recoins du GRENIER DU CINÉ FANTASTIQUE de ce blog de l’imaginaire dont vous parcourez les liens à ce moment précis.
- Trapard -
Autres films présentés dans la catégorie Le Grenier du Ciné Fantastique :
La Charrette Fantôme / La Chute de la Maison Usher / Les Contes de la Lune vague après la Pluie / Frankenstein (1910) / Le Cabinet du Docteur Caligari / La Monstrueuse Parade / Le Fantôme de l’Opéra / Double Assassinat dans la Rue Morgue / Docteur X / White Zombie / The Devil Bat / La Féline (1942) / Les Visiteurs du Soir / La Main du Diable / Le Récupérateur de Cadavres / La Beauté du Diable / Un Hurlement dans la Nuit / The Mad Monster / La Tour de Nesle
Bonne continuation à ton blog !
Isa
Je ne savais pas que le co-scénariste (et co-réalisateur) de ce film, Hanns Heinz Ewers, était encore édité en France, et je suis tombé aujourd’hui par hasard dans une librairie sur « Vampir : Roman tout en couleurs et en lambeaux » (1920).
http://www.amazon.fr/Vampir-Roman-tout-couleurs-lambeaux/dp/2825123498
Hanns Heinz Ewers :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hanns_Heinz_Ewers
Pour ce qui est d’une des influences littéraires de cet ÉTUDIANT DE PRAGUE, le roman d’Adelbert von Chamisso, « L’étrange histoire de Peter Schlemihl ou l’homme qui a vendu son ombre » est aussi trouvable en livre de poche.
http://www.amazon.fr/LEtrange-histoire-Schlemihl-Adelbert-Chamisso/dp/2253136506
Personnellement j’en ai vu une très bonne adaptation télévisée pour l’émission de l’ORTF, LE THÉÂTRE DE LA JEUNESSE, adaptée par Albert Husson et réalisée par Marcel Cravenne : L’HOMME QUI A PERDU SON OMBRE (1966).