METROPOLIS (1927) de Fritz Lang
METROPOLIS est aujourd’hui un véritable film culte, monstre de la science-fiction cinématographique classique et moderne à la fois, mais c’est aussi un véritable démon à deux têtes.
D’un côté, le film tourné en 1925, après un récent voyage du réalisateur Fritz Lang (« Le film est né de ma première vue avec les gratte-ciel de New-York en octobre 1924. Les immeubles semblaient être comme un voile vertical, scintillant et très léger, comme un décor luxueux, suspendu dans un ciel sombre pour éblouir, distraire et hypnotiser »), et alors que la crise mondiale approche, et que l’Europe se cherche politiquement dans l’entre-deux-guerres, et particulièrement l’Allemagne lors de la République de Weimar, Lang et sa femme et co-scénariste, Thea von Harbou, éludait le sujet actuel de la lutte des classes pour un scénario qui favorisait la réconciliation des classes. Celles-là mêmes qui se réuniront, six ans après la sortie en salles de METROPOLIS, autours d’un seul leader politique : Adolf Hitler. D’un côté, le film allait doucement dans le sens d’une réunification de l’Allemagne comme la promulguait le parti national-socialiste, dont Thea von Harbou était une sympathisante. Et de l’autre, et comme il faut toujours un coupable dans toute crise politico-économique, le scénario de METROPOLIS semble dénoncer un certain capitalisme exploiteur américain tel que René Clair le décrira lui-aussi, en France, avec À NOUS LA LIBERTÉ ! (1931) et Charles Chaplin, lui-même, avec LES TEMPS MODERNES (en 1930, donc dix ans avant de dénoncer la dictature nazi dans LE DICTATEUR).
L’intrigue : En 2026, Metropolis est une mégapole divisée entre une ville haute, où vivent les familles intellectuelles dirigeantes, et une ville basse, où les travailleurs font fonctionner la ville et sont opprimés par la classe dirigeante. Une femme de la ville basse, Maria (Brigitte Helm) essaie de promouvoir l’entente entre les classes, et emmène clandestinement des enfants d’ouvriers visiter la ville haute ; le groupe se fait repousser par les forces de l’ordre, mais Freder (Gustav Frölich), le fils du dirigeant de Metropolis, tombe amoureux d’elle. En descendant dans la ville basse pour la retrouver, il rencontre un ouvrier épuisé à son poste de travail, le rythme imposé par les machines étant trop élevé, une réaction en chaîne s ’ensuit et un violente explosion se produit sur la « machine M », tuant des dizaines de travailleurs et qui semble se transformer en Moloch, une divinité monstrueuse qui dévore les ouvriers. Freder se rend chez son père pour le mettre au courant des conditions pénibles dans lesquelles travaillent les ouvriers et lui demande d’améliorer cela…
La seconde tête, ou le second socle de METROPOLIS, est le graphisme inhérent à toutes les réalisations allemandes de Fritz Lang des TROIS LUMIÈRES (1921) aux NIBELUNGEN (1924), en passant même par M LE MAUDIT (1931). Plus encore que n’importe lequel des réalisateurs de l’Expressionnisme allemand, de Murnau (NOSFERATU, 1922), Robert Wiene (LE CABINET DU DOCTEUR CALIGARI, 1919), Paul Wegener (LE GOLEM, 1920), Paul Leni (LE CABINET DES FIGURES DE CIRE, 1924), Fritz Lang était un réalisateur de la Symétrie. Élaborant toujours des visuels et des cadrages impressionnants, c’est toujours de cette symétrie graphique que jaillit un élément discordant, qu’il soit positif (Siegfried dans les NIBELUNGEN, Freder et Maria dans METROPOLIS) ou victime noyée dans une symétrie trop parfaite (l’ambigüité de l’assassin de M LE MAUDIT). De par ses origines juives, Fritz Lang hésitait peut-être déjà entre son amour et son pays, qui se « refermait » politiquement et identitairement, peu à peu sur lui, la symétrie dans l’art, surtout de manière si méthodique et si appliquée de la part de Friz Lang, surtout lorsqu’on sait avec quelle tyrannie il se comportait durant le tournage, pourrait presque rappeler justement une certaine quête de stabilité et de symétrie que l’artiste était en train de perdre.
METROPOLIS peut donc se regarder comme deux films : celui qu’on nous narre à l’aide d’un scénario futuriste, et celui que notre regard peut déchiffrer. Un peu comme l’ambivalence du couple Lang-von Harbou finalement, dont Freder et Maria sont peut-être comme la symbolique d’une quête désespérée d’union mais que la société voudrait séparer, METROPOLIS étant un film ultra-rythmé et tourmenté, comme un tourbillon au sein duquel s’affichent des icônes antagonistes de Paix et de Division qui sont souvent comme des jeux de miroirs, comme la vérité et le mensonge, la stabilité et le mouvement, la Guerre ou la Crise. METROPOLIS est aussi un film merveilleux dont il y aurait trop à en dire, et dont chaque spectateur pourrait lui-même amener une nouvelle pierre à l’édifice pour en parler, tellement le monument reste sublime et ancré historiquement avec les années.
- Trapard -
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cultissime!
L’AMOUR EN L’AN 2000 (1930) de David Butler est la réponse américaine et humoristique à METROPOLIS (1927).
En 1980 des savants réveillent de son coma un homme frappé par un éclair en 1930 alors qu’il jouait au golf. Celui-ci découvre alors un monde totalement différent avec télévision, téléphone, portes automatiques ou l’on se déplace en avion personnel dans des cités gigantesques, New-York en l’occurrence. Dans cette nouvelle société, les individus sont appelés par des matricules. Le ressuscité est rebaptisé Single O. La Justice intervient partout y compris dans la vie privée des citoyens, par exemple, pour décider entre deux rivaux lequel épousera la jeune femme convoitée. C’est celui qui accomplira un exploit décrètent les juges…
J-21 a ainsi quatre mois pour accomplir sa performance qui lui donnera le droit d’épouser LN-18. Un savant lui propose une expédition sur Mars. J-21 part accompagné d’un de ses amis et de Single O comme passager clandestin. Là-bas sur une planète Mars ou poussent des champs de blé, les trois aventuriers découvrent d’étranges créatures martiennes, vêtues de métal et au comportement incompréhensible. Car chaque Martien a son double, un jumeau parfait mais l’un est bon et l’autre méchant. Les trois terriens reviennent sains et sauf de Mars et J-21 peut épouser celle qu’il aime ayant prouvé « ses mérites ».
(Marsmovie)
On pourra même y croiser l’ancêtre du chien robot du Docteur Who comme l’a découvert et le mentionne Erwelyn sur son blog, tout en bas de page :
http://erwelyn.over-blog.com/article-l-amour-en-l-an-2000-just-imagine-1930-david-butler-120807887.html
À toi l’honneur Morbius si tu veux en faire un robot-craignos, le film est en VO et en version complète :
https://www.youtube.com/watch?v=eldqx1MChyc