LES AVENTURES FANTASTIQUES DU BARON DE MÜNCHHAUSEN (1943) de Josef von Baky
L’année 1943, c’est bien entendu l’apogée du régime national-socialiste en Allemagne. C’est l’occupation de la France et de l’industrie cinématographique hexagonale par le Reich (nous en parlions sur le blog, au sujet des VISITEURS DU SOIR, 1942, et de LA MAIN DU DIABLE, 1943). Josef Goebbels, alors Ministre de la Propagande (autrement dit, de la Culture sous le régime Nazi), ordonna la réalisation d’un grand film fantastique allemand (et donc atemporel pour éviter d’aborder les problèmes politiques immédiats, tout en évoquant des images visuelles merveilleuses d’une Allemagne historique et glorieuse), ceci pour fêter dignement la vingt-cinquième année d’existence de l’Universum Film AG. Cette maison de production créée en 1917, et plus connue pour nous sous l’abréviation de UFA, est devenue imposante en fusionnant avec la Decla-Films d’Erich Pommer, en 1915, celle-ci initiatrice du mouvement Expressionniste. L’UFA fut donc mise en place, au sein de la République de Weimar, dans un but de propagande politique et militaire. Elle produit d’abord certains des meilleurs films allemands de l’époque, comme ceux de Fritz Lang (DOCTEUR MABUSE, LE JOUEUR, 1922, LES NIBELUNGEN, 1924, METROPOLIS, 1927, UNE FEMME SUR LA LUNE, 1929), de Josef von Sternberg (L’ANGE BLEU, 1930), et même danois comme MICHAËL (1924) de Carl Theodor Dreyer, avant de devenir un organisme d’État sous le régime national-socialiste. Sa filiale française était la Continental-Films qui produisit notamment LA MAIN DU DIABLE de Maurice Tourneur en 1943.
Désirant un grand film fantastique allemand, surpassant LE MAGICIEN D’OZ (1939) de l’Américain Victor Fleming, Josef Goebbels lança en chantier la création d’une superbe fresque qui serait tournée dans le tout récent Technicolor (dont nous parlions dernièrement sur le blog, au sujet du DOCTEUR CYCLOPE, de 1940, d’Ernest B. Schoedsack) et basée sur les exploits fabuleux de Karl Friedrich Hieronymus, baron de Münchhausen, dont la littérature allemande (et surtout, l’écrivain Carl Leberecht Immermann, dont le scénario du film est librement adapté de son roman, Münchhausen : une histoire en arabesque, 1838-1839) fit de lui un affabulateur notoire aux exploits merveilleux.
Le scénario des AVENTURES FANTASTIQUES DU BARON DE MÜNCHHAUSEN a été écrit par le poète et écrivain Erich Kästner, qui contrairement à ses collègues écrivains en opposition au régime nazi n’a pas émigré lors de l’arrivée au pouvoir du Parti national-socialiste, le 30 janvier 1933. Néanmoins, Kästner a été plusieurs fois arrêté par la Gestapo et fut exclu de l’Union des écrivains allemands, ses œuvres ayant été considérées comme « non conformes à l’esprit allemand ». Exclu de la « Chambre des écrivains du Reich » (Reichsschrifttumskammer) en raison de son attitude culturelle « bolchéviste dans ses écrits d’avant 1933 », cette sanction équivalant alors à une interdiction de publication dans le Reich allemand, Kästner réussit à obtenir une autorisation spéciale, grâce au réalisateur Fritz Hippler, proche de Goebbels, et put écrire le scénario sous le pseudonyme de Berthold Bürger (Bürger signifiant Citoyen en Allemand). Écrit par Kästner, le film ne présente finalement aucun caractère de propagande nazi et même, au contraire, on trouvait alors, dans certains dialogues, des déclarations d’un libéralisme et d’une tolérance étonnants, qui ont d’ailleurs été coupés avant la sortie du film en salles.
Le réalisateur, Josef von Báky, tourna finalement un beau film fantastique amusant et très visuel (on est, bien entendu, très loin de l’adaptation plus récente que Terry Gilliam a tiré des aventures de Münchhausen), avec des décors grandioses, des costumes incroyables et des effets spéciaux réussis.
LES AVENTURES FANTASTIQUES DU BARON DE MÜNCHHAUSEN est sorti en Allemagne en mars 1943, et cette date coïncide avec le tout récent discours de Goebbels, le 18 Février 1943, au Palais des Sports de Berlin, où celui-ci exhorta le peuple allemand à poursuivre la guerre, même si elle serait longue et difficile, face à la présence de l’armée soviétique omniprésente. Il se trouve que l’Allemagne démoralisée, qui commençait à comprendre que la guerre ne pouvait pas se terminer avec une victoire allemande, beaucoup de spectateurs sont allés voir LES AVENTURES FANTASTIQUES DU BARON DE MÜNCHHAUSEN qui eut un succès retentissant cette année-là, et l’UFA doubla quasiment ses bénéfices en quelques mois.
- Trapard -
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