TOUT SUR MAMMAIRE

Posté le 6 juin 2013

Dans le domaine des courts-métrages purement fantastiques ou inspirés par le fantastique, les Calédoniens ne sont pas en reste. Pour preuve cette catégorie qui leur sera désormais entièrement consacrée et où Trapard nous présentera régulièrement une œuvre de son choix. Suivez le guide !

TOUT SUR MAMMAIRE dans Court-métrage fantastique calédonien 13060608370115263611266085

TOUT SUR MAMMAIRE (2000) d’Ice-Tea

Beaucoup de Calédoniens utilisent le support vidéo pour traiter des sujets proches du Fantastique, ou utilisent carrément les codes du genre, mais beaucoup aussi sont ceux qui utilisent le langage audiovisuel pour traiter des sujets métaphoriques. Je me souviens de vieux courts-métrages réalisés par de jeunes Calédoniens qu’il m’a été donné de voir, comme, par exemple le court-métrage L’IGNORANCE (1999) du jeune Julien Peloille, dans lequel un enfant regarde son poste de télévision qui diffuse des paysages de Cézanne, de Renoir, et autres paysagistes, le tout dans un lieu cloisonné et aseptisé, comme si seuls les tableaux diffusés véhiculaient de la couleur, et donc du rêve. Puis on découvre ce même enfant devenir adolescent, puis adulte, mais toujours dans ce même lieu, devant ce même téléviseur, et ces même paysages peints, alors qu’une aura invisible semble se détacher peu à peu de lui et de son confinement. On voit enfin la caméra subjective s’éloigner pour vagabonder vers des paysages de plages nouméennes qui bordent notre environnement, et donc celui du personnage, finalement. Un peu comme si le rêve de cet homme n’a toujours été que la réalité et que ce qui lui a toujours semblé accessible n’était que des images fabriquées qu’on lui propose quotidiennement de regarder.

13060608384715263611266087 dans Nouvelle-CalédonieJe pense aussi au court-métrage, ÉLUSIVE (1996) de la jeune Laetitia Coccole, dans lequel un jeune homme se fait poursuivre sur la baie de la Moselle, près des quaies de la Marina, par une grosse boulette de papier froissé. Lorsque le jeune homme décide enfin d’affronter ses peurs, il déplie la boulette en question, debout sur le ponton d’arrimage d’un voilier, et il découvre, au sein du papier froissé, le message d’appel au secours d’une jeune fille désespérée qui ne donne finalement aucune directive pour la trouver. À ce moment on aperçoit le nom du voilier, « Élusive », qui était aussi le titre et la première image du film, et on se laisse à imaginer la nature joueuse de la très jeune réalisatrice, qui nous a (fait faire un tour) ou menés, nous spectateurs, comme le jeune homme, en bateau. D’ailleurs, ce principe du mensonge de l’image, qui était autrefois cher à Alfred Hitchcok, revient régulièrement dans les courts-métrages calédoniens. Je pense, par exemple, à PARCOURS CROISÉS (2004) de Fabien Cailleau, dans lequel ce procédé est utilisé avec humour, ou dans de courts films basés sur les codes des genres Fantastique et Horreur, sur lesquels nous reviendront, dans cette rubrique : DOUBLE PERSONNALITÉ (1988) de Jimmy Janet, PAUSE PIPI (2000) de julien Grumaud et Laurent Hennebelle, ou SEUL(E)S (2007) de Manuella Ginestre.

13060608421915263611266090 dans TrapardJe n’énumérerais pas tous les courts-métrages calédoniens dont le scénario prend sa source dans la Métaphore de l’Humain au sein de la société (MOLLASSE Y CONCIENSIA, 2000, de Vincent Lépine, ou même le court-métrage qu’Alexandre Nothis a tourné en 16 mm, en Californie, sur un mode narratif proche de David Lynch, PRE COGNITION REVERIE, 2000), mais c’est aussi cette logique métaphorique que vise, avant tout, TOUT SUR MAMMAIRE, le court-métrage de la bédessinatrice calédonienne Ice-Tea, autant caricaturiste que féministe à ses heures. Et ici, c’est plutôt de certaines femmes (et de certains hommes, aussi d’ailleurs) que Ice-tea se moque, ainsi que de tout une industrie médicinale, la chirurgie esthétique, basée sur le paraître et sur la déculpabilisation physiologique, au profit d’une quête du Beau qui varie en fonction des modes, et d’une industrie, remboursée par la CAFAT (la Sécurité Sociale Calédonienne) et les différentes mutuelles (de l’argent publique, d’ailleurs, redistribué via les subventions de magazines qui engendrent cette même quête de beauté et de paraître)…

L’intrigue : dans une salle d’opération, deux chirurgiens dissèquent au scalpel une poulet fermier cru, et après incisions ils lui placent deux petits citrons verts sous la peau, en guise de petits seins bien fermes. Le poulet fermier, heureux, est alors placé au four. Puis c’est une grosse tête de cochon à la truffe bien persillée qui arrive sur le billard de nos chirurgiens…

13060608442915263611266093Le film d’Ice-Tea prend bien sûr sa source dans le film de Pedro Almodóvar, TOUT SUR MA MÈRE, sorti l’année précédente, en 1999, et dont le personnage quinquagénaire, névrotique et déluré de Marisa Paredes pourrait en être une source. Bien que le film d’Ice-Tea, et son titre,  TOUT SUR MAMMAIRE, parlent déjà d’eux-mêmes. La vision de ce court-métrage ne donne pas forcément une impression de franche rigolade, mais à un certain degré, on imagine assez bien la réalisatrice et ses comédiens s’amuser. Le tout donne un court-métrage peu visible aujourd’hui, et peu diffusé, hors du cadre du Festival du cinéma de La Foa pour lequel il a été réalisé durant l’année 2000. Il me semble que le Festival en avait proposé une rediffusion en salles pour ses 10 ans d’existence, en 2009. Ce sera donc le film qui débutera cette rubrique consacrée au Fantastique calédonien sur Les Échos d’Altaïr.

- Trapard -

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