I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE
Année : 1958
Réalisateur : Gene Fowler Jr.
Scénario : Louis Vittes
Production : Gene Fowler Jr. (Paramount Pictures)
Musique : ?
Pays : USA
Durée : 78 min
Interprètes : Tom Tryon, Gloria Talbott, Peter Baldwin, Robert Ivers, Chuck Wassil, Ty Hardin…
Pour le Drive-in de ce samedi, voici une série B de science-fiction de la fin des 50′s, plus intéressante que son titre le laisserait supposer.
L’intrigue : Fraîchement mariés, Marge et Bill Farrell voient leur couple très vite vaciller : Bill semble s’éloigner de l’affection que lui porte sa femme et se comporter de manière étrange. Inquiète, Marge se rend vite compte que Bill n’est pas le seul homme de la ville à se comporter différemment depuis peu…
L’intrigue de I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE rappelle évidemment le scénario paranoïaque de L’INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES, sorti la même année, en pleine Guerre Froide, et dont nous abordions déjà le sujet dans notre rubrique des Monstres Sacrés.
Le chroniqueur allemand du cinéma dans ses évolutions sociales, George Seeßlen, ira même plus loin dans cette analyse en décrivant I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE comme un des premiers films qui montre l’angoisse du mariage à travers le décès d’un des deux partenaires.
Le fameux couple du film est interprété par la belle Gloria Talbott, actrice de télévision qui fit une courte carrière dans le cinéma bis avec LA FILLE DU DOCTEUR JEKYLL (1957) d’Edgar G. Ulmer, et qui a aussi tourné pour Bert I. Gordon dont mon lecteur favori, Jean Beauvoir, est un inconditionnel. Bill est joué par Tom Tryon, qui fit une courte carrière de comédien de westerns et de films fantastiques avant de devenir un auteur renommé de romans de science-fiction.
Pour ce qui est du réalisateur, Gene Fowler Jr., je ne connais malheureusement que ses deux films les plus célèbres, I WAS A TEENAGE WEREWOLF (1958) et I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE (1958), le reste de sa carrière étant considéré comme très mineur par les Historiens du cinéma, il est, par conséquent, très difficile de lui trouver une filmographie exhaustive, ainsi que ses films sur le net ou même en DVD. Ce qui est plutôt dommage, vu la qualité de I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE qui a récemment été édité par L’Atelier 13.
- Trapard -
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Je suis, avant tout, un inconditionnel des chroniques de Trapard…
En ce qui concerne les interprétations à donner aux films de ce type (Trapard fait ici allusion à ceux de George Seeßlen), personnellement je ne souscris pas. Je me souviens avoir acheté, dans les années 90, un des rares ouvrages alors disponibles sur Mario Bava (de nos jours on en trouve plus facilement). Il s’agisait du « Mario Bava » de Jean-Louis Leutrat. Quelle ne fut pas ma déception de ne lire, sous la plume de cet « auteur », qu’une suite d’interprétation psychanalytique des supposées intentions inconscientes de Bava derrière chacune des scènes de ses films. Rididule ! Sans doute ce monsieur était-il dans la tête de Bava pour savoir mieux que lui ce qu’il faisait.
Le cinéma fantastique et d’épouvante est d’abord et avant tout conçu pour susciter au spectateur les émotions véhiculées par les images et l’action, au 1er degré : l’enchantement, la peur, la fascination, etc. Ce cinéma n’a pas pour intention de nous délivrer un message philosophique ou métaphysique. Il existe d’autres moyens plus efficaces pour cela, comme lire les œuvres complètes de Jacques Lacan ou Martin Heidegger (bon courage).
Certains réalisateurs, sans doute flattés de se retrouver ainsi considérés comme des intellectuels, en rajoutent une couche. C’est le cas de Roger Corman, qui, dans les commentaires audio de ses DVD, essaie de nous faire croire en un message freudien dans ses films. Le même Roger Corman qui, dans ces mêmes commentaires, nous annonce sans sourciller qu’il est à l’origine du renouveau gothique des années 60 (avec sa série des Edgar Poe) et que la Hammer Film l’a copié… La réalité est que Corman (dont j’adore la série gothique) est un gars qui n’a fait ce cinéma que pour se faire de l’argent (voilà la vraie psychologie des profondeurs) et pour ce faire, qui n’a eu de cesse de suivre les modes (sci-fi dans les années 50, gothique dès que les films de la Hammer ont marché aux USA, puis bickers, et autres dès que le gothique est retombé).
D’autres réalisateurs sont plus honnêtes, comme Russ Meyer chez qui certains commentateurs cherchent un sens profond, caché, une mystique destinée aux initiés (c’est le syndrome rabelaisien de la substantifique moelle), Russ Meyer donc qui dira tout de go : mes films sont fait pour s’éclater (ou quelque chose dans ce genre).
Bref, I married a monster from outer space, voilà bien le genre de film qui m’éclate, au 1er degré. Un beau voyage dans l’Amérique triomphante et naïve des années 50, un gros délire que l’on regarde avec son cerveau reptilien, le sourire aux lèvres.
Merci Trapard, je rajoute cette bande à ma liste des films à voir.
Pas si reptilien, tu verras, si tu as l’occasion de le trouver, que ce film est moins basique qu’un nanar de seconde zone, ou qu’un film de Roger Corman des 50′s, puisque tu parles de lui.
Éventuellement, je te prêterai la version que je possède en V.O.
Sinon, en rapport à ton « blocage » récurrent sur la profondeur d’une création, je suis sûr qu’il y a un juste milieu entre les notions très simples, souvent sociales que je rapporte, et les auteurs que tu cites à chaque fois, comme ici, Jacques Lacan ou Martin Heidegger. En plus, j’apprécie assez ce que j’ai lu de Lacan, et certains de ses écrits ne sont pas si loin de mon propos finalement.
Ce que je pense, c’est qu’un artiste, qu’il se veuille profond ou pas, est toujours « coincé », voire prisonnier malgré lui, des mœurs politico-sociales de son époque. Il peut mettre en avant des valeurs qui le dépassent sur le moment. Personnellement, ça m’est déjà arrivé, en revoyant mon travail aussi insignifiant soit-il, avec le simple recul des années, et en le recontextualisant, de mieux cerner mon propos. Mais c’est un propos que je date au carbone 14, pour caricaturer, au même titre que l’ambiance politique ou sociale (qui a agit sur mon émotion du moment) de cette même époque.
Tout ceci, n’a pour moi, finalement, rien à voir avec une quelconque prétention d’artiste, c’est juste un reflet d’un moment, d’une époque, et plus ou moins, d’une personne (ou d’une poignée de personnes).
Après, c’est certain que le cinéma de genre, la littérature de genre, ou même la musique de genre, sont des créations qui se décontextualisent, ou pour être plus précis, qui possèdent une double contextualisation : celle qui est liée à des codes du genre, et à des trafiques d’influences. Et celle qui est liée aux mœurs, modes, et même à l’évolution sociale, voire économique de l’époque de leur création. Je pense que l’une ne peut aller sans l’autre, malgré tous les attachements émotionnels qu’on peut porter à un genre ou à un autre.
Enfin, je ne connais pas le bouquin de Jean-Louis Leutrat, que tu me cites très régulièrement, mais personnellement, je distingue bien « contextualisation » d’un œuvre et « psychanalyse » d’un auteur, ce qui n’a rien à voir. Même si la contextualisation peut parfois faire écho à la psychanalyse. C’est surtout sur ce point que je rejoins Lacan, étant, moi-même, un « enfant de la télé » de la fin du XXième siècle.
Et l’œuvre de Jacques Lacan se contextualisera autant (géographiquement, socialement, historiquement et humainement) que celle de Sigmund Freud, ou, je suppose, que celle de Heidegger, ou finalement, celle d’un sociologue qui nous est plus contemporain.
Et pour terminer sur Roger Corman qui, même s’il n’ « est un gars qui n’a fait ce cinéma que pour se faire de l’argent » avait sûrement plus de velléités artistiques que ton commentaire laisse le supposer. Pour moi, il n’y a pas de noir ou de blanc, il n’y a que des nuances de gris. Mais bref, ce ne sont que des articles qui ne sont que mes rêvasseries sur le cinéma, pour essayer de donner envie de s’y intéresser.
Et je suis même parfois étonné de te faire découvrir des films de cette époque
Et pour conclure sur Russ Meyer, et même s’il dit to de go « mes films sont fait pour s’éclater ». C’est une phrase qu’il a dite a un moment précis. Sûrement à la fin de sa carrière, puisqu’on voit très bien la différence de qualité et d’application entre ses premiers films et ses derniers.
À l’école, un prof avait averti ma classe, qu’une personne, lors d’une interview ou d’un quelconque entretient public ne dira ce qu’il veut nous dire. Pour moi, cette expérience s’est confirmée, dans les deux sens, tout le long de ma vie, puisqu’il m’est arrivé d’être interviewé et de connaître assez bien des pesonnes qui l’ont aussi été.
On prononce une parole, sur une pensée qui cristallise un instant et une volonté de faire passer un message. Le lendemain, on peut dire son contraire, puisque le but d’une interview est de vendre un produit ou une parole.
En gros, je crois qu’il n’existe que très peu de règles figées.
Je réponds à tout cela sans viser particulièrement ton analyse, cher Trapard, qui est fort pertinente, et qui accorde au cinéma de genre un statut particulier. Merci. La manière dont tu décris ta démarche personnelle est tout à fait acceptable, et mes propos (ainsi que les lignes qui suivent) te concernent d’autant moins que tu n’es pas un commentateur comme les autres, mais un réalisateur. Tu es donc autorisé à aborder ta création artistique comme tu l’entends. Mon agacement porte surtout sur un certain journalisme critique qui n’aime manifestement pas le cinéma de genre, et qui se sent obligé d’en travestir la vraie nature.
Mon premier commentaire n’est pas une critique de l’œuvre de Lacan. Au contraire, j’invite ceux qui souhaitent plonger dans les méandres de l’âme humaine à lire Lacan ou autre, au lieu de regarder La nuit des morts vivants (souvent considéré comme une allégorie de la société où je ne sais plus quelles conneries du même tonneau). Donc, les intellos, lisez des livres au lieu de chercher des réponses dans des nanars de série B ou Z.
Je vois cela comme le mauvais côté de notre France catholique : il est inconcevable que l’on puisse se faire plaisir au 1er degré. Il faut toujours que ce soit douloureux, complexe, accusateur, avec recherche de victimes. Il faut, sur n’importe quel sujet — la couleur des jarretières par exemple — convoquer les heures les plus sombres de l’histoire de France et du monde, trouver les coupables, battre sa coulpe, montrer la noirceur de toute chose, etc. Oui, le monde est noir. Oui, nous sommes tous des salops, OK ! Mais bon le cinéma bis, c’est justement fait pour trouver un petit moment de délivrance, d’oublie, de plaisir (oui, j’ai osé le mot sacrilège), avant de replonger dans le quotidien compliqué et douloureux. Alors, pourquoi vouloir à tout prix venir là aussi, là où il existe encore un petit espace de liberté mentale, plaquer à nouveau tous les maux du monde ?
Je terminerai par cette phrase connue dans le milieu de la peinture : « l’art n’a de but que lui-même ». Tout est dit.
Je viens de trouver I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE en version complète sur dailymotion :http://www.dailymotion.com/video/x2104tg_i-married-a-monster-from-outer-space_shortfilms
Finalement plus je regarde des films de l’époque de I MARRIED A MONSTER FROM OUTER SPACE, plus je me dis que le critique allemand n’avait pas tord. Les années 50 traitaient beaucoup du thème de l’angoisse du mariage. Rien que SEPT ANS DE RÉFLEXION avec Marilyn Monroe et sorti en 1955 ne parlait que de l’angoisse de l’engagement marital et du doute.
Puis je viens de tomber sur cette série B de 1963 :
http://rarelust.com/common-law-wife-1963/
L’affiche belge :
http://www.cinememorial.com/film_J%27AI_%C3%89POUS%C3%89_UN_MONSTRE_24219.html