LE VOYAGE DANS LA LUNE (1902)

Posté le 26 novembre 2013

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LE VOYAGE DANS LA LUNE (1902)

de Georges Méliès

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Qui dit « Georges Méliès » dit « plonger aux fins fonds des entrailles du Grenier du Ciné SF », mais au moins tout le monde connait LE VOYAGE DANS LA LUNE.

Inspiré par une grande variété de sources, LE VOYAGE DANS LA LUNE narre l’expédition d’un groupe d’astronomes qui se rendent sur la lune à bord d’une fusée spatiale propulsée par un canon géant. Le groupe explore la surface de la lune, et échappe à un groupe de Sélénites, sortes d’extraterrestres lunaires mi-hommes, mi-insectes…

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Lorsqu’on a demandé en 1930, à Méliès, la source de ses inspirations pour son film, le réalisateur a crédité les romans de Jules Verne, « De la Terre à la Lune » et « Autour de la Lune ». Mais l’historien du cinéma, Georges Sadoul a suggéré que le roman « Les Premiers Hommes dans la Lune » d’H.G. Wells ait sûrement été adapté par Méliès, puisque une traduction en français venait juste d’être publiée, en 1902, quelques mois avant que Méliès commence à tourner son film. Sadoul a fait valoir que la première moitié du film (jusqu’au tir du projectile) est dérivé de Jules Verne et que la seconde moitié (les aventures des voyageurs sur et dans la lune) est dérivé de Wells. Les Sélénites étant des personnages issus de Wells, que l’on retrouve, d’ailleurs, en 1964, dans le film de Nathan Juran, LES PREMIERS HOMMES DANS LA LUNE (First Men in the Moon), ainsi que dans la série TV animée de Jean Image, LE SECRET DES SÉLÉNITES (1982). Wikipedia indique à leur sujet : Les Sélénites (ou Séléniens) sont les habitants de la Lune dont l’existence a été présumée à plusieurs reprises à travers les âges. Le terme vient du grec selênitês, dérivé du nom de la déesse Séléné (en grec : Σελήνη). Ils sont évoqués au IIè siècle par Lucien de Samosate dans « les Histoires Vraies »: « Une alliance est faite entre les Héliotes et leurs alliés, les Sélénites et leurs alliés, à condition que les Héliotes raseront la muraille d’interception et ne feront plus d’irruption dans la Lune ». On les retrouve par la suite dans plusieurs légendes, œuvres littéraires et cinématographiques.

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En plus de Jules Verne et H.G. Wells, l’historien du cinéma français, Thierry Lefebvre, a fait valoir que Méliès a été fortement influencé par l’opérette de Jacques Offenbach, « Le Voyage dans la Lune » (une parodie non autorisée des romans de Jules Verne) et par « Un Voyage dans l’attraction terrestre », une exposition de 1901 à Buffalo, New York. 

Méliès s’est attribué le rôle principal, comme dans la plupart de ces films, et dans LE VOYAGE DANS LA LUNE il est le professeur Barbenfouillis. Artiste prestidigitateur de cabaret, Méliès s’est entouré de certaines troupes pour son film, comme celle du Théâtre du Châtelet interprétant les étoiles dansantes aux visages souriants, ainsi que les acrobates des Folies Bergères qui jouent agilement les Sélénites, dans leurs mille et une pirouettes, finissant souvent en explosions. 

Pour ce qui est des effets spéciaux, Méliès a créé un pseudo-travelling où la caméra semble s’approcher de la lune, et du visage lunaire. Cet effet, déjà utilisé sur L’HOMME À LA TÊTE DE CAOUTCHOUC, son film précédent, a été accompli en plaçant un comédien sur une chaise roulante équipée de poulies de tractage et accrochée à un rail, et lorsque les poulies sont actionnées, l’acteur (couvert jusqu’au cou d’un voile noir) est tiré en direction de la caméra. 

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Bien que tout le monde connaisse la très belle version colorisée et restaurée de 2011, accompagnée d’une bande-son originale composée par le groupe Air, des copies du VOYAGE DANS LA LUNE ont été coloriés à de nombreuses reprises. De septembre à décembre 1902, une impression colorée à la main du film a été projeté au Théâtre Robert-Houdin, à Paris, par Méliès lui-même. Il a vendu plusieurs tirages noir et blanc du film pour une exploitation en Grande-Bretagne. Par contre, Méliès avait l’intention de sortir le film aux Etats-Unis afin d’en récolter des bénéfices, mais les agents de Thomas Edison qui avaient vu le film à Londres, ont soudoyé le réalisateur français qui a fait des copies pour Edison. 

Dans le monde entier, des copies contrefaites du VOYAGE DANS LA LUNE sont distribuées dès la sortie du film et rapportent à leurs auteurs d’importants revenus qui auraient dû revenir à la Star Film, la petite firme de Méliès. À cette époque, la propriété artistique était très peu respectée. Le film a fait sensation en Amérique et la firme d’Edison a amassé une petite fortune, sans aucun  bénéfice direct pour Georges Méliès qui a fait faillite en 1913. 

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En 2002, LE VOYAGE DANS LA LUNE est devenu un patrimoine mondial de l’UNESCO, et en 2010 la Lobster Films, la Fondation Groupama Gan pour le cinéma et la Fondation Technicolor pour le patrimoine du cinéma, engagent ensemble une restauration très coûteuse, d’environ 400 000 euros. 

Près d’un an de travail fut nécessaire pour ré-assembler les fragments des 13 375 images du film de 1902 et les restaurer une à une, comme le permettent les avancées du numérique aujourd’hui. Une copie originale appartenant à la famille Méliès et un contretype appartenant au CNC ont été utilisés pour cette restauration. Je vous conseille de revoir cette version pour un meilleur plaisir des yeux avec ce grand classique du cinéma de SF.

- Trapard -

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8 commentaires pour « LE VOYAGE DANS LA LUNE (1902) »

  1.  
    Trapard
    26 novembre, 2013 | 20:26
     

    Le film de Méliès est sorti seulement 5 ans après la parution de « Dracula » de Bram Stocker (1897). D’ailleurs, dans sa version de « Dracula », Coppola a fait le petit clin d’oeil historique en montrant l’une des premières projections du cinématographe à Londres (la scène avec le loup et Wynona Ryder).
    Wikipedia : « Généralement, on considère que le cinéma moderne découle des travaux réalisés en 1892 par les Français les frères Lumière, dont le spectacle n’arriva à Londres qu’à partir de 1896. Cependant, c’est bien à Londres, à Hyde Park, que les premières images en mouvements sur celuloïd ont été développées, et ce dès 1889, par William Friese-Greene, un inventeur britannique, qui fit breveter le procédé l’année suivante, en 1890. Le film est le premier cas connu de projection d’une image en mouvement. ».

  2.  
    erwelyn
    27 novembre, 2013 | 7:39
     

    A noter aussi que le film fut exporté aux Etats-Unis et fut projeté sous le titre : A trip to Mars. D’où une confusion dans certaines filmographies martiennes qui l’insèrent à tort.

  3.  
    Jean Beauvoir
    27 novembre, 2013 | 9:51
     

    Si ce film permet d’attribuer à la France les origines du cinéma de science-fiction, il faut en informer Arnaud Montebourg, afin qu’il puisse faire valoir ce Made In France dans le monde entier.

    Les premiers hommes dans la lune de Nathan Juran (First Men in the Moon, 1964) fut pour moi une grosse déception. Bien que d’origine autrichienne, Nathan Juran est plutôt identifié comme un réalisateur hollywoodien. Mais il séjourna en Europe au début des années 60, où il réalisa quelques films, dont cette version du roman de H.G. Wells. On pouvait s’attendre à un film de science-fiction de bonne facture, comme les Britanniques savaient le faire en plus de leurs excellents films gothiques. Or il s’agit d’une bouffonnerie où tout le monde surjoue à la manière du cinéma muet, notamment Lionel Jeffries, rapidement très irritant. Si l’objectif était de retrouver la magie du film de Méliès, c’est loupé. À éviter par les fans de la Sci-fi vintage.

    Merci pour les infos sur les sélénites. Je pensais que c’était une invention de H.G. Wells. Tu nous apprends aussi pas mal de faits intéressants sur le tournage et les effets spéciaux.

  4.  
    Trapard
    30 novembre, 2013 | 3:53
     

    @Erwelyn : oui tu as raison, et à ce sujet, le Grenier du Ciné SF, de mardi prochain, te sera dédié ;-)

  5.  
    Christophe
    18 février, 2014 | 18:04
     

    J’effectue parfois des interventions sur le cinéma français à l’école FLAM de Suzhou, en Chine, où j’habite. Et j’ai eu le plaisir d’y présenter l’œuvre et la vie de Méliès, et notamment le voyage dans la lune, que j’ai projeté, en me faisant un gros plaisir : lire le boniment !

    Très bon article cher ami, concis mais précis sur, en effet, la première œuvre de SF d’un cinéma balbutiant.

  6.  
    trapard
    19 février, 2014 | 0:17
     

    Merci Christophe.

  7.  
    erwelyn
    26 avril, 2014 | 1:54
     

    Ma critique retrouvée sur un ancien forum :
    L’histoire
    Le professeur Barbenfouillis (Georges Méliès, lui-même) et cinq autres savants, membres du club des astronomes, entreprennent une expédition qui doit les conduire sur la lune. Ils partent dans un obus tiré par un canon géant. Arrivés sains et saufs sur la Lune, ils assistent à un coucher de Terre et découvrent des champignons géants. ils y rencontrent aussi ses habitants : les Sélénites, échappent à leur Roi et reviennent sur la Terre grâce à leur obus resté en équilibre sur un bord de Lune. Tombés dans l’océan, ils sont repêchés par un navire. Ovations, décorations et défilé triomphale pour les six héros de cette aventure spatiale.

    Georges Méliès s’est inspiré du roman de Jules Verne De la Terre à la Lune et du roman de H.G. Wells Les Premiers Hommes dans la Lune

    La narration est linéaire, enchaînant des tableaux vivants (une trentaine), un style théâtrale courant dans les débuts du cinéma. Mais Georges Méliès fait preuve d’une très bonne maîtrise du scénario et de la technique de l’époque car ces tableaux renseignent suffisamment le spectateur pour qu’aucun intertitre n’ait été nécessaire. Le récit demeure à tout moment compréhensible.
    Les trucages sont pour la première fois employés à dessein artistique. Certains sont issus encore du théâtre (perspectives forcées, trappe …), d’autres sont purement cinématographiques : la surimpression durant le rêve des astronautes, la disparition subite des Selennites pendant les scènes de combat (le truc avait été découvert accidentellement par Méliès), maquqettes, caches, fondus enchaînés…
    Plusieurs mois de tournage sont nécessaires pour tourner ce film metteant en scène des décors peints et de nombreux figurants. Réalisé dans un atelier de Montreuil-sous-Bois, le film coûta 10 000 francs, somme énorme pour l’époque. Le décor était important mais aussi les costumes, notamment ceux des Sélénites, qui durent être exécutés par un fabricant de masques habitué à mouler le carton.
    En plus de mettre déjà en application certains codes simples universels du cinéma (par exemple, les personnages se déplacent de la gauche vers la droite de l’écran lorsqu’ils se dirigent vers la Lune, puis de la droite vers la gauche lorsqu’ils rentrent sur Terre), Méliès inaugure la féerie ; ce que l’on appellera plus tard le fantastique ou la science-fiction et il est le premier à adopter une démarche artistique dans l’application d’effets spéciaux.

    Cette féerie baroque donne dans le registre comique. Et de nombreuses scènes de danse dans la tradition du music-hall accompagnent l’ensemble. Dans un premier tableau, les scientifiques sont affublés de chapeaux pointus et de robes étoilées qui évoquent les personnages de Nostradamus ou de Merlin l’Enchanteur. Sur la rampe de lancement, des jeunes filles chichement vêtues (jouées par des danseuses du Châtelet) dansent et, en fanfare, allument la mèche du canon qui va propulser la fusée dans l’œil de la Lune. Quant à l’arrivée sur la Lune, c’est une débauche de découvertes, toutes plus extravagantes les unes que les autres jusqu’à l’entrée en lice des Selenites (interprêtés par des acrobates des Folies-Bergère), habitants de la Lune que les scientifiques combattent plutôt efficacement grâce à leur… parapluie.
    Le caractère outrancier des décors et des ressorts du scénario sert ainsi une forme de satire de la science conquérante. Les scientifiques sont des vieux messieurs farfelus, approximatifs (le schéma de l’expérience proposée, dessiné au tableau par le chef de l’expédition, est des plus dépouillés), orgueilleux et volontiers belliqueux. La dernière scène met singulièrement à mal l’arrogance scientifique représentée par une statue qui, pour illustrer l’aventure des pionniers, est constitutée d’un personnage grotesque écrasant littéralement l’astre lunaire sous son pied.
    Le Voyage dans la Lune fut abondamment plagié. Néanmoins, c’est encore le réalisateur lui-même qui s’y illustra le mieux jusqu’à ce que le genre féerique qu’il a créé tombe en désuétude. En effet, l’œuvre est étroitement liée à la personnalité de l’auteur illusioniste d’expérience. Les contemporains de Méliès ne possédaient pas la formation ni la compétence qui leur auraient permis d’enrichir voire d’égaler ses films sur ce terrain.

    Anecdote trouvée sur http://analysefilmique.free.fr : Ce film a été mal acceuilli par les forains qui ont eu une réaction plutôt négative durant le visionnage. C’était en effet eux qui, à l’époque, projettaient les films. On comprend donc leur rétissance à l’idée d’en diffuser un de plus de 15 min alors qu’ils avaient l’habitude de durées inférieures à 3 minutes. Un film plus long signifie aussi moins de spectateurs et donc des recettes moindres. Certains ont quand même tentés le pari avec succès. Grâce au bouche à oreille, le film sera diffusé auprès de millions de forains dans le monde ce qui permit à Méliès d’obtenir une réelle notoriété.

  8.  
    trapard
    26 avril, 2014 | 2:25
     

    Merci, j’ai appris plein de choses là.

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