HAXAN, LA SORCELLERIE A TRAVERS LES AGES (1922)

Posté le 28 janvier 2014

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HÄXAN, LA SORCELLERIE À TRAVERS LES ÂGES (1922) de Benjamin Christensen

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Ayant débuté au Danemark, son pays natal, avec deux beaux films très modernes malgré leurs dates de réalisations, LE MYSTÉRIEUX X (1914, Det hemmelighedsfulde X) et NUIT DE JUSTICE (1916), le troisième film de Benjamin Christensen a été son coup de maître. Co-produit entre la Suède et le Danemark, HÄXAN s’inspire en partie du livre Malleus Maleficarum (« Marteau des sorcières », ou du « marteau contre les sorcières »), est un traité écrit par les dominicains allemands, Heinrich Kramer et Jacques Sprenger, et publié à Strasbourg au XVe siècle, décrivant les méthodes de la chasse aux sorcières pour les membres de l’inquisition.

Wikipédia indique que la première partie du livre traite de la nature de la sorcellerie. Une bonne partie de cette section affirme que les femmes, à cause de leur faiblesse et de l’infériorité de leur intelligence, seraient par nature prédisposées à céder aux tentations de Satan. Le titre même du livre présente le mot maleficarum (avec la voyelle de la terminaison au féminin) et les auteurs déclarent (de façon erronée) que le mot femina (femme) dérive de fe + minus (foi mineure). Le manuel soutient que certains des actes confessés par les sorcières, comme le fait de se transformer en animaux ou en monstres, ne sont qu’illusions suscitées par le Diable, tandis que d’autres actions comme, par exemple, celles consistant à voler au sabbat, provoquer des tempêtes ou détruire les récoltes sont réellement possibles. Les auteurs insistent en outre de façon morbide sur l’aspect licencieux des rapports sexuels que les sorcières auraient avec les démons.

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La seconde partie explique comment procéder à la capture, instruire le procès, organiser la détention et l’élimination des sorcières. Cette partie traite aussi de la confiance qu’on peut accorder ou non aux déclarations des témoins, dont les accusations sont souvent proférées par envie ou désir de vengeance ; les auteurs affirment toutefois que les indiscrétions et la rumeur publique sont suffisantes pour conduire une personne devant les tribunaux et qu’une défense trop véhémente d’un avocat prouve que celui-ci est ensorcelé. Le manuel donne des indications sur la manière d’éviter aux autorités d’être sujettes à la sorcellerie et rassurent le lecteur sur le fait que les juges, en tant que représentants de Dieu, sont immunisés contre le pouvoir des sorcières. Une grande partie est dédiée à l’illustration des signes, dont la glossolalie, la voyance et la psychokynèse et les « marques du diable » (pattes de crapaud au blanc de l’œil, taches sur la peau, zones insensibles, maigreur, …). Elle est dédiée aussi aux techniques d’extorsion des confessions, des preuves (notamment la pesée et l’ordalie par l’eau glacée) et à la pratique de la torture durant les interrogatoires : il est en particulier recommandé d’utiliser le fer rougi au feu pour le rasage du corps en son entier des accusées, afin de trouver la fameuse « marque du Diable », qui prouverait leur supposée culpabilité.

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Tout un programme pas si réjouissant finalement, et qui pourrait rappeler l’univers cinématographique d’un Dario Argento dans ses périodes de grandes formes. Mais avec HÄXAN, Benjamin Christensen prend l’ouvrage à revers et le juxtapose aux récentes recherches de la psychanalyse d’outre-Rhin. Le film analyse donc la manière dont les superstitions ainsi que l’incompréhension des maladies et pathologies mentales peuvent mener à l’hystérie de la chasse aux sorcières. HÄXAN, LA SORCELLERIE À TRAVERS LES ÂGES fut réalisé sur un mode documentaire (on y voit les traitements réservés aux femmes souffrants de diverses pathologies mentales à l’époque où le film fut réalisé), mais contient de nombreuses scènes de fiction comparables aux films d’horreur traditionnels, comme celles des chasses aux sorcières, leurs tortures, ou l’apparition de Satan (interprété par Benjamin Christensen, lui-même) dont l’image est devenue culte pour les fans de films de genre. Du fait du soin méticuleux de Christensen pour recréer des scènes médiévales et de la longueur du film, HÄXAN fut le film muet scandinave le plus onéreux jamais réalisé. La sorcellerie y est portraiturée avec soin dans un inventaire d’illustrations tirées d’ouvrages médiévaux que de reconstitutions filmiques que le réalisateur s’acharne à présenter aussi détaillées que possibles, ne négligeant aucun détail sinistre ou étrange, du sabbat des sorcières aux interrogatoires cruels de l’inquisition. Christensen utilisa tous les effets spéciaux disponibles à l’époque pour son film (surimpressions, maquettes, jump cuts, stop motion, maquillages et prothèses).

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Bien qu’il trouvât une reconnaissance au Danemark et en Suède, le film fut banni aux États-Unis, encore très chrétien dans les années 20, et fortement censuré dans d’autres pays pour ses nombreuses séquences impliquant des représentations de torture, et des scènes de nudité. Le film de Christensen fut même considéré à l’époque comme une perversion sexuelle, ce qui amuse aujourd’hui, bien que certains passages de HÄXAN, LA SORCELLERIE À TRAVERS LES ÂGES restent très forts.

Plusieurs versions du film existent, alternativement noir et blanc ou colorisées, plus longues ou plus concises, et disposant (comme cela est souvent le cas avec les films muets) d’une pluralité de bande sons ne reflétant pas nécessairement l’esprit des partitions d’époque. Personnellement, j’en avais découvert, lors de mes études à Paris en 1992, une version rythmée par une bande sonore endiablée (si je puis dire) et par une narration, en voix off, de Jean-Pierre Kalfon, dans une petite salle indépendante parisienne, qui m’avait énormément plu. HÄXAN, bien que très ancien, trouve sa place au sein du Grenier du ciné Fantastique de ce blog, mais il fait partie de ces films, encore époustouflant malgré les années, et ce, même malgré le décalage historique des sciences de la psychanalyse. Un film à voir et à revoir, tant il pourrait être une métaphore des ignorances existant encore au XXIè siècle.

 - Trapard -

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