Ce n’est pas très régulièrement qu’Altaïr IV aborde le cinéma français et la ville de Paris entre ses lignes, mais ça arrive quelques fois. Personnellement, en 2011, de passage dans la capitale, je me suis fait une halte obligée parmi les rayons VHS-DVD d’une petite boutique culte écrasée entre deux bâtiments en plein Pigalle-la-Sexy : L’ex-Movies 2000. À tout hasard, j’ai demandé au vendeur si Jean-Pierre Putters passait régulièrement au magasin et j’ai eu le culot de demander s’il était possible de réaliser un entretien filmé de JPP aka Docteur Mad Movies pour le blog. Et ça s’est fait ! Mais c’est derrière Dieu-JPP que j’ai aperçu ce gars qui me semblait d’abord être un apôtre. Mais à y regarder de plus près, j’ai découvert un Fabrice Lambot, cinéphile méticuleux, très modeste, respectueux et droit dans ses bottes de hardos. Puis derrière le bonhomme à la bouille toujours sympathique, j’ai compris que se cachait le rédacteur de fanzines très pointus sur le cinéma bis, le co-gérant d’une boutique très spécialisée et toute aussi pointue dans les domaines qui nous intéressent, le réalisateur de films d’horreur, puis enfin un serial-producteur acharné. De multiples casquettes empilées les unes sur les autres et sur une seule tête joviale. Et tout ceci, derrière cette boîte alternative mais de plus en plus organisée et tentaculaire, qu’est Metaluna Productions.
Fabrice Lambot.
Trapard : Bonjour Fabrice Lambot. Ta cinéphilie, c’est une histoire de famille à la base ? C’est l’impression qui en ressort de mes lectures de ton vieux fanzine Atomovision. Peux-tu nous expliquer d’où t’est venu ton goût pour un certain cinéma bis et pour le rock ? Et aussi comment tu es passé de cinéphile passif à rédacteur en chef d’un fanzine ? Et enfin, peux-tu nous parler de la naissance de Metaluna magazine ?
Fabrice : Bonjour, que de questions. Commençons par le commencement. Je suis issu d’un milieu social très modeste. Je suis né quand mes parents avaient dix-huit ans et venaient de se marier. J’ai grandi dans une cité à Compiègne, mais à l’époque, dans les années 70, c’était super chouette. J’avais plein de copains avec qui je passais des journées entières à jouer au foot, aux cartes, aux billes, à lire des bd, la belle vie quoi… Et mes parents depuis tout petit ont pris l’habitude de m’emmener mon frère et moi au cinéma les mercredis et samedis. Ce qui a forgé ma vie bien sûr. J’ai toujours été fasciné par la science-fiction. Je n’ai découvert par exemple LES SURVIVANTS DE L’INFINI que lors de son passage à La Dernière Séance, après avoir rêvé pendant des années sur une photo du film qui se trouvait dans un livre que mon père m’avait acheté sur l’astronomie. C’est devenu l’un de mes films préférés, à Jean-Pierre Putters aussi d’ailleurs, d’où le nom Metaluna Productions. Mais sinon, j’avais pu voir des classiques comme PLANÈTE INTERDITE, LA PLANÈTE DES SINGES, LE JOUR OÙ LA TERRE S’ARRÊTA, que je trouve toujours aussi fabuleux. Et j’ai aussi grandi avec les séries de SF comme AU-DELÀ DU RÉEL, LA QUATRIÈME DIMENSION, COSMOS 1999 et LES ENVAHISSEURS, des séries que je revois régulièrement.
Au niveau littérature, j’ai de la chance d’avoir des parents qui nous ont toujours poussé à lire. Robinson Crusoé reste sans doute mon roman préféré, et j’ai grandi avec les Jules Verne et Bob Morane, et puis j’étais un dévoreur de BD. J’ai été et resterai jusqu’à la fin de ma vie un fan inconditionnel de Tintin, mais aussi Alix, Tanguy et Laverdure, etc, ainsi que des petits formats comme Cosmos qui m’a super marqué. Enfin voilà, j’ai grandi et à force de regarder des films fantastiques j’ai eu envie d’en faire un fanzine, et c’est comme ça qu’Atomovision est né en 1994, je crois. J’ai fait 6 numéros avec l’aide d’amis, dont Jean Depelley avec qui je collabore toujours. Pour le hard rock, c’est pareil, j’ai découvert le métal avec le Back in Black d’AC/DC en 1980, puis dans la foulée Iron Maiden, Judas Priest, etc., et je continue d’écouter cette musique « d’ours » comme dit mon père, de Metallica à Slayer en passant par Voivod, Opeth, Supuration, etc.
Quant à Metaluna Magazine, on l’a d’abord sorti sous forme de prozine, en 8 numéros. C’était mon idée, avec Jean-Pierre Putters, et Jean Depelley qui collaborait déjà à Atomovision. On a sorti d’abord 2 numéros par an, puis un, et on a vu au bout de 8 numéros qu’on ne pouvait pas continuer comme ça. Autant JPP avec ses bouquins, Jean avec ses multiples travaux d’écriture que moi débordé avec la production de films, n’avions le temps de nous y mettre à fond. Mais Jean-Pierre ne voulait pas lâcher l’affaire. Au cours de soirées arrosées avec un groupe d’amis dont Rurik Sallé, JPP et Rurik se sont convaincus mutuellement que ce serait bien de sortir un vrai magazine en kiosque, indépendant, libre, déconneur et furieusement fan, et voilà comment Metaluna le magazine est né.
Le logo de Metaluna Productions.
Quelle est ton implication dans la boutique Movies 2000, qui est devenue récemment Metaluna Store ?
Je suis le copropriétaire avec Jean-Pierre Putters. Nous sommes associés à 50/50 sur Metaluna Productions, qui est donc propriétaire de la boutique et du magazine. Au niveau pratique, je m’occupe de passer certaines commandes fournisseurs, je fais tous les règlements, encaissements, gestion avec la comptabilité, etc, pas très intéressant tout ça. Et c’est donc Bruno Terrier qui gère la boutique de main d’expert, assisté depuis peu de la pétillante Célia Pouzet, et ça marche plutôt pas mal. On a plus de place, la boutique est mieux située, on a plus de clients et on tient par dessus tout à garder un esprit club et proche des clients. On paye souvent des coups à boire, on organise des séances de dédicaces, etc.
J’ai découvert ton court-métrage LE SANG DU CHÂTIMENT puis ton long-métrage DYING GOD sorti en 2008. Outre le fait que j’ai apprécié les deux films, ce qui est ressorti de mes visionnages, c’est cette impression que tu t’es tissé de vrais liens amicaux de cinéphile, et que ça fait de toi un réalisateur français plutôt baroudeur n’hésitant pas à tourner en Amérique Latine ou aux États-Unis. Et dans DYING GOD, tu as dirigé Lance Henriksen (rien que ça!) et le comédien James Horan dont tu vantais déjà les mérites en tant que rédacteur de fanzine. L’impression que j’en tire c’est que tu es quelqu’un qui cherche à aller au bout de ses rêves de cinéphile en passant d’un échelon à un autre, d’autant que t’es complètement converti à la production de films. Finalement, quel est ce rêve après lequel tu cours ?
Ça c’est une bonne question. Je pense que c’est simplement vivre de ma passion. Pouvoir créer, ça c’est super important, laisser une trace sans doute, même petite. Et puis c’est une super aventure humaine. Pouvoir connaître plein de gens cools. La réalisation ça prend beaucoup de temps, et il faut souvent attendre longtemps entre chaque projet. Avec la production, on a plein de projets en parallèle, et on fait plein de rencontres cool. Par exemple Julien Maury et Alexandre Bustillo dont on a produit le nouveau long métrage AUX YEUX DES VIVANTS, et qui sont des réalisateurs aussi doués qu’adorables.
Fabrice Lambot et Béatrice Dalle.
La plupart des productions de Metaluna sont des co-productions avec l’Europe et les USA. Et en produisant le troisième film (enfin !) d’Alexandre Bustillo et Julien Maury (AUX YEUX DES VIVANTS, 2014) avec Béatrice Dalle, ça me donne cette impression à distance que Metaluna fait partie de ces producteurs et éditeurs français qui tentent de sortir le cinéma fantastique hexagonal de la mélasse dans laquelle il s’enfonce très régulièrement. Quel est ton point de vue sur le sujet justement ?
C’est exactement ça. Nos détracteurs diront qu’on a la naïveté de croire qu’on peut faire du fantastique en France, mais c’est aussi notre force, même si on ne se limite pas à la France. Les coproductions, j’y tiens beaucoup. Ne serait-ce que parce que ça permet de faire plein de rencontres avec des gens d’autres pays, de voyager et de multiplier les expériences.
Peux-tu enfin nous parler de ce que devient Metaluna, et surtout ce que tu souhaites qu’elle devienne ?
Je veux juste que Metaluna Productions soit une société de production avec une assise solide, qui puisse aider des jeunes réalisateurs à tourner leurs films, continuer à produire des films fantastiques, et aussi qu’on puisse continuer à être présents comme boutique de cinéma accueillante et comme magazine de cinéma & musique inévitable. Je ne demande pas grand chose en fait, pouvoir continuer à être heureux en faisant ce que j’aime.
Merci Fabrice.
- Trapard -
(Cette interview a été publiée conjointement sur Un Blog Sans Titre et avec Plein de Trucs en Vrac Dedans et Les Échos d’Altaïr. Merci à Trapard.)
Trapard en compagnie de Fabrice Lambot chez Metaluna Store.
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