Dans cette interview sympathiquement réalisée par Trapard, Julien Richard-Thomson, réalisateur-producteur et grand amateur de films de série B, nous confie ses sources d’inspiration et toute la difficulté d’être un cinéaste de genre, en France…
Bonjour Julien. Au fait, doit-on t’appeler Julien Richard-Thomson ou Richard J. Thomson ? Peux-tu nous expliquer ce changement de nom ?
J’avais pris le pseudo Richard J Thomson au début des années 90 (alors que j’étais encore étudiant) pour que ça sonne plus américain, je pensais que ça me permettrait de vendre plus de cassettes VHS de mes premiers films parodiques. En fait, ces films m’ont un peu « grillé » en France auprès des institutions et des producteurs « respectables », et régulièrement des gens me conseillent de changer de nom, pour faire oublier cette vieille filmo faite de « séries Z » et de pastiches. Je n’ai pas non plus envie de me chercher un nouveau pseudo, Georges Scrameustache ou Alain Shmoldar je trouve ça un peu ridicule, donc je reprends simplement mon nom.
Peux-tu nous raconter comment est née ta passion pour réaliser tes propres films fantastiques et d’horreur ? Es-tu un fan de cinéma de genre à la base ?
Quand j’étais enfant je dessinais des BD et puis, à l’âge de neuf ans, j’ai découvert la caméra super 8 de ma mère. J’ai tourné un film de fantômes dans les ruines d’un château, avec mon frère, et ensuite j’ai enchainé avec des dizaines de courts-métrages qui ont rythmé mon enfance et mon adolescence. La plupart étaient des comédies ou des films de genre.
Je suis certes un fan de cinéma fantastique et de science fiction, mais pas tellement des grosses productions hollywoodiennes, j’affectionne surtout la bonne série B comme celle de John Carpenter, ou alors les films de David Cronenberg, David Lynch… Mais j’adore aussi le polar ou le thriller américain, du réaliste Sydney Lumet au loufoque Tarantino. Je suis fan inconditionnel de De Palma et de Scorsese, et des films de gangsters comme SCARFACE, L’IMPASSE, CASINO, LES AFFRANCHIS. Enfin, bien sur, j’ai un goût prononcé pour la comédie, mes références sont les frères Coen (mais j’avoue aussi apprécier les grosses farces des frères Farelli). Bref, mes influences sont plutôt américaines. En France, j’aime un cinéaste décalé comme Bertrand Blier.
ATTACK OF SERIAL KILLERS
Au milieu des années 90, j’avais loué ATTACK OF SERIAL KILLERS FROM OUTER-SPACE que j’avoue avoir trouvé plutôt mauvais dans un premier temps. Mais je le trouvais aussi fascinant dans le sens que tu avais atteint ce que n’importe quel vidéaste amateur aurait pu rêver dans les années 80-90 : tourner un long-métrage qui serait distribué en VHS dans les réseaux des vidéo-clubs. Peux-tu nous parler de ces débuts et de tes premières réalisations ?
Ce film a été réalisé pendant les vacances d’été 1993, avec une troupe de comédiens amateurs, mon frère, des amis et des cousins. Il a coûté 10 000 francs. Je comprends que les gens aient pu le trouver « nul », mais moi je le trouve plutôt bien fait vu les moyens dérisoires que nous avions. Mais il s’agissait d’une petite bande vidéo sans prétention, un pastiche destiné à un public de fans. Mon premier film un peu « produit » (enfin, il faut le dire vite !) a été TIME DEMON que j’ai fait en 1996 avec l’aide de Jean-Pierre Putters et des amis de la revue Mad Movies.
JURASSIC TRASH
Depuis les années 90 tu as derrière toi déjà une belle filmographie en tant que réalisateur, et même comme producteur. Peux-tu nous expliquer comment est né Jaguarundi Productions ?
Jaguarundi Productions était une société de production et une agence de presse, notre activité presse « people » assez lucrative à l’époque permettait de financer des films comme BLOODY FLOWERS, des clips et des pilotes d’émissions TV qui n’ont hélas jamais vu le jour à l’antenne. Ma nouvelle société s’appelle Jaguarundi Films qui est orientée à 100% audiovisuel et cinéma (avec une branche édition vidéo).
En ce moment, ton prochain long-métrage, KORRUPTION, est en pré-production. Peux-tu nous en parler ? Est-ce aussi compliqué qu’on le dit de produire un film de genre français ?
Il n’est pas difficile mais quasiment impossible de faire du film de genre en France, du moins de le commercialiser et d’en faire une activité lucrative. Internet et le piratage a tué toute possibilité à des films indépendants d’être rentables. Quant aux institutions qui financent le cinéma français, elles ne veulent pas entendre parler de cinéma de genre. Seul Canal Plus achète un ou deux films par an, et encore, je ne sais pas si ça va durer… et ce sont des tarifs bas qui ne permettent pas toujours de tourner les films dans de bonnes conditions. Ces dernières années j’ai écrit 10 scénarios, de fantastique ou d’anticipation, souvent très sombres, et aucun n’a pu se faire. Mon prochain film KORRUPTION est à mi chemin entre la comédie absurde et noire façon Blier et le film de genre décalé à la Tarantino.
C’est une histoire sordide (un flic vend ses filles à la mafia pour financer la poitrine de sa nouvelle femme) mais traitée évidemment au 12ème degré, On pourrait aussi rapprocher ce film à l’univers dingue de Quentin Dupieux auquel les gens me comparent souvent. Mais moi, j’ai toutes les peines du monde à décrocher des financements. Je viens de tourner quelques scènes du film pour faire un teaser et repartir à la chasse au pognon. Mais pour te confier un scoop, j’ai décidé désormais d’écrire de la comédie plus grand public, seul genre qui se finance assez aisément en France… faut bien payer son loyer !
Merci Julien.
- Trapard -
Je partage cette interview qui a été parallèlement mise en ligne :
http://www.dailymotion.com/video/x1faauf_richard-j-thomson-interview-carriere_fun?start=110
Ainsi que ce lien qui indique comment devenir coproducteur du prochain film de Julien Richard-Thomson :
http://www.kisskissbankbank.com/korruption?ref=recent
ça chauffe avec KORRUPTION :
http://www.focusur.fr/20140701/porno-mairie-asnieres-le-point
Ah oui, en effet dis donc !
En quelque sorte, ça me rassure que la Calédonie n’ai pas le privilège d’avoir des politiciens véreux
Pour l’histoire avec KORRUPTION, il m’est arrivé quelque chose d’assez proche à Nouméa quand j’ai voulu commencer à refaire des courts-métrages inspirés du cinéma d’exploitation. J’ai été rendre visite au réalisateur Paul K. Dupré pour écrire à 4 mains un scénario de court-métrage inspiré du genre « rape and revenge » mais avec une fin très sombre. Puis j’ai commencé à aller rencontrer des comédiens et des metteurs en scène de théâtre. Ce que je ne savais pas du tout à ce moment-là c’est que la scène locale était majoritairement constituée de bourgeois-bohèmes qui n’ont d’autres préoccupations que cette culture institutionnelle à la locale. Du coup, je me suis retrouvé avec une rumeur sur le dos comme quoi j’essayais de tourner un porno…
Le milieu culturel est presque aussi décevant ici qu’en Métropole, en dehors de quelques artistes.