PINOCCHIO ET LA CLÉ D’OR

Posté le 13 mai 2014

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LA CLÉ D’OR (1939) d’Alexandre Ptouchko

14051308524115263612233043 dans FantastiqueLA CLÉ D’OR (Золотой ключик / Zolotoï klioutchik), autrement dit PINOCCHIO ET LA CLÉ D’OR ou encore LES AVENTURES DE BOURATINO, est un film russe de la cultissime MosFilms qui mélange animation et prises de vue réelles. Souvenez-vous que la même année, les frères Fleischer tournait aussi une adaptation des VOYAGES DE GULLIVER (1939, Gulliver’s Travel).

Trois ans avant la réalisation du film d’Alexandre Ptouchko, en 1936, Alexis Tolstoï a réécrit le « Pinocchio » de Collodi car il voulait en faire une version plus adaptée aux enfants russes. L’histoire est assez semblable sur la première moitié, mais la seconde moitié est totalement différente. Cette version de Tolsoï est la trame de LA CLÉ D’OR :
Dans une Italie du 19ème siècle, le pauvre « Papa Carlo » vivote en jouant de l’orgue de Barbarie et en interprétant la chanson du  » pays merveilleux » (où tous les enfants sont scolarisés, et où tous les seniors bénéficient de la retraite par répartition), et dont la porte peut être ouverte par une clé d’or. Hélas, son orgue se casse, et Papa Carlo se retrouve seul et démuni. Au même moment, arrive en ville le cirque de marionnettes de Karabas-Barabas, dont les petites figurines animées sont douées d’une volonté propre, et que l’horrible Karabas-Barabas mène à coups de martinet. À peine installé, Karabas-Barabas appelle son ami Duramar, vendeur de sangsues de son état, et lui dit qu’il est entré en possession de la fameuse clé d’or, mais qu’il ignore où se trouve la porte vers ce qu’il suppose être un magnifique trésor. Il donne à Duramar la description qu’on lui a faite et le charge de la trouver. Peu après, un charpentier offre une bûche parlante à « Papa Carlo » qu’il taille en une marionnette, elle aussi douée de parole, représentant un petit garçon. Ce fils de substitution, il l’appelle Buratino (Burattino, avec deux t, signifiant marionnette en italien). Et pour lui acheter des vêtements et du matériel scolaire, afin qu’il se rende en classe, « Papa Carlo » vend sa dernière veste. Sur le chemin de l’école, le fantasque Buratino tombe sur le cirque de Karabas-Barabas…

14051308535915263612233044 dans Le grenier du ciné fantastiqueDans les années 30, l’U.R.S.S. ne s’embarrassant pas trop de questions de droits d’auteurs, ni l’œuvre de Tolstoï, ni le film de Ptouchko ne se revendiquent du roman de Carlo Collodi, le film étant pourtant plus proche du roman italien que de la version russe. À l’inverse, Walt Disney achètera les droits à la famille de Collodi pour réaliser la jolie version colorisée de PINOCCHIO de 1940 que nous connaissons tous. Ce qui n’enlève rien à la qualité des effets spéciaux de LA CLÉ D’OR que je trouve très réussis. Et ça reste une opinion personnelle, mais là où le film de Ptouchko est un conte plutôt destiné aux petits, le film d’animation de Disney peut se voir par un public bien plus large.

Sorti en 1939, LA CLÉ D’OR remporta un franc succès public en U.R.S.S., tandis que l’arrivée de la Seconde Guerre Mondiale fut en la défaveur de la firme Disney et de son PINOCCHIO en 1940 qui avait pourtant misé sur le récent succés de son BLANCHE-NEIGE ET LES SEPT NAINS (1939).

LA CLÉ D’OR mélange donc comédiens et effets de miniaturisations incrustées, avec un mode d’animation très soviétique, voire même assez proche de celle de l’École de l’Animation Tchèque sous le régime. Ce même effet de miniaturisation qui aura la vie longue au cinéma et particulièrement dans les années 30 à 50. D’ailleurs, l’année suivante Ernest B. Schoedsack tournera le fameux DOCTEUR CYCLOPE (1940) sur ce principe, un film que nous avons déjà abordé sur Les Échos d’Altaïr.

Et comme cela arrive quelques fois dans cette rubrique du Grenier du Ciné Fantastique, voici du 2 en , avec un second article étroitement lié au premier, puisqu’il s’agit du remake de LA CLÉ D’OR.

PINOCCHIO ET LA CLÉ D’OR (1959) de Dimitri Babichenko et Ivan Ivanov-Vano

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Cette seconde version russe (Приключения Буратино) que l’on trouve (difficilement) sous divers titres français comme PINOCCHIO ET LA CLÉ D’OR, LES AVENTURES DE PINOCCHIO ou encore BOURATINO. Produite par les studios Soyuzmultfilm PINOCCHIO ET LA CLÉ D’OR est extrêmement fidèle au conte de Tolstoï :

Il était une fois un magicien qui utilisa le bois d’un arbre magique pour sculpter des personnages qui prirent vie. Hélas, un méchant individu du nom de Karabas-Barabas déroba les petits personnages de bois et en fit ses esclaves. Le pauvre magicien, trop âgé pour secourir ses amis de bois, en mourut de désespoir. Karabas vola par ailleurs une clé d’or appartenant au magicien qui est censée ouvrir une porte donnant accès à un trésor, une porte dont Karabas ne connait pas l’emplacement exact (tout juste sait-il qu’elle se trouve derrière une cheminée). Quelque temps plus tard, Karabas vient trouver un vieux menuisier du nom de Giuseppe afin que ce dernier lui rende l’argent qu’il lui a prêté. Ne pouvant pas le payer, Giuseppe lui propose de lui donner une bûche qu’il a trouvée par terre. Karabas refuse et Giuseppe décide d’utiliser la bûche pour en faire un pied de table. C’est alors que la bûche émet des protestations ! Effrayé, Giuseppe décide de se débarrasser de la bûche en la donnant à son vieil ami papa Carlo, un homme très généreux qui vit dans une grande pauvreté. Giuseppe explique à Carlo que s’il sculpte la bûche pour en faire un pantin, ce dernier pourra danser et chanter et lui rapporter de l’argent. Papa Carlo suit ces conseils et baptise le pantin Pinocchio mais renonce finalement à le faire travailler et l’envoie à l’école pour qu’il y reçoive une bonne éducation. Malheureusement, Pinocchio n’a aucune envie d’aller à l’école, si bien que M. Grillon, un insecte qui vit sous le toit de papa Carlo depuis une cinquantaine d’années (et qui veille sur lui), se montre pour exhorter à Pinocchio d’écouter son père…

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L’adaptation animée tout en couleurs et la réalisation de PINOCCHIO ET LA CLÉ D’OR sont de très bonne facture. On se rapproche ici des très bons films d’animations russes pour enfants des années 70.

Il existe deux doublages français de ce film : le premier édité en VHS dans les années 80 est très fidèle à la version originale mais effectué par des comédiens russes à l’accent très prononcé. Le second a été fait d’après une version américaine de la société Films by Jove qui a changé les musiques et adouci certains dialogues. C’est malheureusement cet unique doublage très enfantin et théâtral qu’il m’ait été donné de voir.

Néanmoins, les amateurs d’animation devraient apprécier cette seconde version cinématographique du conte de Tolstoï, qui conclut cet article du Grenier du Ciné Fantastique.

- Trapard -

Autres films présentés dans la catégorie Le Grenier du Ciné Fantastique :

La Charrette Fantôme / La Chute de la Maison Usher / Les Contes de la Lune vague après la Pluie / Frankenstein (1910) / Le Cabinet du Docteur Caligari / La Monstrueuse Parade / Le Fantôme de l’Opéra / Double Assassinat dans la Rue Morgue / Docteur X / White Zombie / The Devil Bat / La Féline (1942) / Les Visiteurs du Soir / La Main du Diable / Le Récupérateur de Cadavres / La Beauté du Diable / Un Hurlement dans la Nuit / The Mad Monster / La Tour de Nesle /L’Étudiant de Prague / Les Aventures Fantastiques du Baron de Münchhausen /Torticola contre Frankensberg / Ulysse / Man with Two Lives / The Mad Ghoul / La Tentation de Barbizon / The Flying Serpent / Peter Ibbetson / Le Fantôme Vivant /La Marque du Vampire / Les Poupées du Diable / Le Gorille / Le Voleur de Bagdad / The Savage Girl / Murders in the Zoo / The Vampire Bat /Figures de Cire / L’Oiseau Bleu / L’Aïeule / Genuine / La Charrette Fantôme (1921) / Häxan, la Sorcellerie à travers les Âges / Les Nibelungen / Le Monde Perdu (1925) / Wolfblood / Faust, une Légende Allemande / La Lumière Bleue /Les Chasses du Comte Zaroff / Vampyr ou l’Étrange Aventure de David Gray / Le Fils de Kong / La Révolte des Zombies / L’Homme qui faisait des Miracles

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6 commentaires pour « PINOCCHIO ET LA CLÉ D’OR »

  1.  
    erwelyn
    15 mai, 2014 | 22:35
     

    Je n’ai eu aucun mal à trouver la version animée de 59 : http://www.youtube.com/watch?v=WvuAGo-epTI
    en plus en français et en très bonne qualité.

  2.  
    erwelyn
    15 mai, 2014 | 23:01
     

    j’ai eu plus de mal à trouver l film de 1939. Finalement en russe ici :http://www.youtube.com/watch?v=M2yDr8l34X4
    Mais grâce au résumé de Trapard j’en est évidemment compris les grandes lignes. L’animation des marionnettes est très très jolie.

  3.  
    trapard
    17 mai, 2014 | 1:57
     

    Bien vu ;-) Merci Erwelyn.

  4.  
    trapard
    6 juin, 2014 | 12:44
     

    Je vais aussi ajouter un lien vers un film d’Alexandre Ptouchko antérieur de 4 ans à LA CLÉ D’OR (1939). C’est LE NOUVEAU GULLIVER (1935) en v.o. sous-titré en anglais qui précède aussi de 4 ans le film des frères Fleischer LES VOYAGES DE GULLIVER (1939) :

    https://www.youtube.com/watch?v=8x3zroKMFHA

    Wikipedia :

    Le Nouveau Gulliver (Novyy Gullivyer / Новый Гулливер) est un film d’animation d’Alexandre Ptouchko sorti en URSS en 1935.

    Cette allégorie marxiste est l’un des premiers longs métrages d’animation de l’histoire du cinéma, et en outre le tout premier associant prises de vues réelles (le début et le héros lui-même) et marionnettes.

    Après plusieurs années d’expérimentations, Ptouchko a créé plus de 1 500 figurines, dont les têtes amovibles pouvaient exprimer diverses émotions ou incarner différents personnages.

    Le réalisateur a également effectué des recherches sur l’enregistrement du son, modifiant les fréquences afin d’obtenir d’étranges voix très aiguës. Néanmoins la bande originale s’est rapidement détériorée et a dû être restaurée par les studios Mosfilm en 1960.

    Le film a remporté un succès international lors de sa sortie, et Charlie Chaplin notamment faisait partie de ses fervents admirateurs. Il n’a pas encore été distribué en France.

    Synopsis : Un jeune pionnier s’assoupit pendant la lecture des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift. À son réveil il se retrouve lui aussi tel un géant dans le petit monde de Lilliput, où vit désormais une société embourgeoisée et décadente, dominée par un souverain tyrannique. Le prolétariat opprimé y prépare la révolution.

  5.  
    trapard
    6 juin, 2014 | 12:55
     

    Je vais imiter Erwelyn en partageant en commentaire la critique d’un grand film russe initialement prévue pour LEA mais finalement plus poétique que Fantastique :

    LE BONHEUR (1935) d’Alexandre Medvedkine.

    LE BONHEUR (Schastye) n’est pas, à proprement parler, un film du genre Fantastique, mais son intrigue est totalement onirique et racontée sur un mode absurde, toujours à la frontière du Surréalisme. Le film de Medvedkine est, avant tout, un film de propagande bolchévique, mais aussi, une satire anticléricale virulente et provocatrice, et une caricature du rêve soviétique, encore submergé par les restes de l’ancien système tsariste. Le régime soviétique en place, en 1935, ne s’y est, d’ailleurs, pas trompé, puisque LE BONHEUR n’a pas eu droit à plus d’une semaine d’exploitation en salles, en Russie, à sa sortie, le film fut même censuré, durant de longues années. Alexandre Medvedkine a, d’ailleurs, été redécouvert, par les cinéastes russes, après la fin du régime soviétique, et il est devenu un réalisateur culte et étudié, bien des années après sa mort.
    Entièrement muet, malgré l’année de sa sortie, alors que nombre de films soviétiques étaient déjà en versions parlantes, comme le superbe et très lyrique, AU BORD DE LA MER BLEUE (1935, У самого синего моря) de Boris Barnet , alors que ce film aurait très bien pu se passer de doublages sonores. Alexandre Medvedkine, lui, faisait partie de ces réalisateurs engagés, au même titre que Friedrich Wilhelm Murnau (NOSFERATU, 1922, FAUST, 1926), en Allemagne, Charles Chaplin (LA RUÉE VERS L’OR, 1925, LES TEMPS MODERNES, 1930), aux États-Unis, et Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein (LE CUIRASSÉ POTEMKINE, 1924, QUE VIVA MEXICO, 1931, ALEXANDRE NEVSKI, 1938), en U.R.S.S., qui considéraient que la sonorisation desservait complètement, voire travestissait carrément un film, et sa manière de le raconter. Muet, et amené de manière onirique et métaphorique, à la manière d’un film de Jean Cocteau, LE BONHEUR est uniquement une œuvre visuelle, mais sans sonorisation, là où Cocteau, post-synchronisait déjà, dès 1930, LE SANG D’UN POÈTE.
    LE BONHEUR (1935) d’Alexandre Medvedkine est un film incroyablement poétique, qui mêle l’humour et la caricature sociale, à un univers totalement féérique et décalé de la réalité, un peu à la manière d’un conte. L’intrigue prend d’ailleurs sa source dans le début du film, lorsque le père de Kmhyr, vieux kolkhozien, qui regrette sa vie de pauvreté, tente de voler un délicieux varenik à son voisin, et en meurt. Sous le fardeau des dépenses, Anna envoie son naïf de mari, Kmhyr, à la recherche du Bonheur et le prévient de ne pas revenir les mains vides… Tout le long du film de Medvedkine, Kmhyr erre, coincé dans son conditionnement politique, à la recherche de ce que l’on ne nomme pas car trop politiquement incorrect, et que l’on affuble du vague nominatif de « bonheur ». C’est-à-dire, de l’argent pour faire vivre sa famille…Pour cela, Kmhyr doit se confronter à l’hypocrisie écrasante cachée derrière le fameux Clergé, vestige d’une vieille société russe, que Medvedkine présente carrément comme une Prostituée du système soviétique, les nonnes étant même, parfois, montrées nues sous leurs longues robes noires transparentes (ce qui était, en plus, très osé et ambitieux, d’aborder la nudité, dans un film tout public, en 1935). LE BONHEUR, bien que légèrement propagandiste pour le vieux régime bolchévique, est une superbe fable très visuelle et onirique, et souvent poétique, d’où sa présence dans le Grenier du ciné Fantastique.

    Et voici le lien Youtube et comme pour LE NOUVEAU GULLIVER (1935), le film est en entier et en v.o. sous-titrée en anglais

    https://www.youtube.com/watch?v=5hzDWgAJZkE

  6.  
    trapard
    7 juin, 2014 | 0:08
     

    Voici un article très intéressant sur le réalisateur Alexandre Ptouchko (et son film LE GÉANT DE LA STEPPE), Ptouchko étant souvent comparé en Russie à Walt Disney et à Ray Harryhausen :

    http://ygrael.blog.toutlecine.com/2143/Le-Geant-de-la-Steppe/

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