LE CŒUR RÉVÉLATEUR (1941) de Jules Dassin
LE CŒUR RÉVÉLATEUR (The Tell-Tale Heart) n’est pas tout à fait un film fantastique, mais une sympathique et angoissante adaptation de l’un des meilleurs textes d’Edgar Allan Poe. C’est aussi un court-métrage qui est la toute première réalisation de Jules Dassin, après avoir été l’assistant-réalisateur d’Alfred Hitchcock.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, car bien qu’étant le père du célèbre chanteur Joe Dassin, Jules Dassin n’était pas du tout français, mais un réalisateur américain, fils d’un immigré ukrainien. Pour la légende, à son arrivée en Amérique, le père de Jules ne parlant pas anglais dit simplement aux services d’immigration des États-Unis qu’il venait d’Odessa. Ces derniers qui ne comprenaient ni l’Ukrainien, ni le nom « Odessa », l’enregistrèrent sous le nom de « Dassin ». La naturalisation française du chanteur Joe Dassin vient surtout des nombreux exils politiques de son père en Europe, qui fut l’une des victimes du maccarthysme pour son bref séjour au sein du parti communiste américain.
Tourné pour la Metro-Goldwyn-Mayer, LE CŒUR RÉVÉLATEUR se voulait un film d’Avant-Garde, et bien que son réalisateur le trouvait mauvais, le court-métrage remporta un certain succès public lors de sa diffusion en salles.
Le film reprend, plus ou moins, les grands traits du conte horrifique d’Edgar Poe en narrant le conflit obsessionnel entre un jeune homme et un vieillard aigri qui pousse son compagnon jusqu’au crime. La police menant son enquête, la culpabilité hante, petit à petit, le jeune homme, jusqu’à la schizophrénie…
On retrouve, d’ailleurs, dans ce film, comme dans la plupart des contes d’Edgar Poe, l’un des codes du roman policier, très exploité dans les séries TV, comme celle de COLUMBO particulièrement : le film ou le texte ne raconte pas une enquête policière, mais on se retrouve entre le coupable et les agents de police, et il ne reste plus au coupable qu’à se débattre seul face à son secret difficilement camouflable, et Edgar Poe d’insister généralement très fortement sur l’obsession de la culpabilité. Et comme dans la série COLUMBO, le coupable se retrouve, très généralement, coincé entre le regard des enquêteurs et le nôtre, en tant que spectateurs, ce qui renforce et accentue une forme d’enfermement progressif du coupable vers sa faute. Mais je dépasse un peu le cadre du Grenier du Ciné Fantastique en empiétant sur le terrain de Ratinox et de sa fameuse saga de « Geek en série » du blog, Le Cri du Cagou.
Pour rester sur LE CŒUR RÉVÉLATEUR de Jules Dassin, cet enfermement se caractérise par une sonorité intérieure (le battement de cœur du vieillard) se dégageant de l’obsession de culpabilité du jeune homme (nous parlions déjà de la manière d’aborder la psychose obsessionnelle chez Edgar Poe, dans cette même rubrique, mais dans le cinéma muet, cette fois-ci, avec LA CHUTE DE LA MAISON USHER). Au même titre que le jeune homme du CŒUR RÉVÉLATEUR, tout le monde se souvient du protagoniste principal du « Chat noir » qui vient d’emmurer le corps de sa femme, et dont un chat symboliquement noir vient obstruer ce refoulement de culpabilité par des miaulements obsédants, qui semblent dépasser le cadre de son esprit torturé, jusqu’à suinter complètement des murs, lors du passage des policiers. C’est d’ailleurs très souvent cette psychose obsessionnelle décrite par Poe qui lui permet de donner un coup de clé dans les serrures de deux portes bien distinctes : le Fantastique et/ou la Folie.
Pour les curieux, le court-métrage d’environ 20 minutes, LE CŒUR RÉVÉLATEUR de Jules Dassin, est trouvable sur YouTube, mais en V.O., sous son titre original, THE TELL-TALE HEART.
- Trapard -
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Edgar Allan Poe fait partie des auteurs que j’ai sélectionné pour un prochain article sur les nouvelles adaptées. Je n’avais pas lu celle-ci mais le court est très bon. Il y a une telle matière chez cet auteur qu’il serait outrageux de ne pas savoir rendre son atmosphère à l’écran. Jules Dassin y parvient très bien.
Houla ! Avec le nombre incalculable d’adaptations assumées ou non de cet auteur, tu t’attaques à du monumental Erwelyn !
(Je sais qu’il existe aussi des adaptations théâtrales en VHS et DVD, sans parler des adaptations télévisées).