Si vous êtes un fidèle Altaïrien, vous avez déjà virtuellement rencontré Manuella Ginestre dans la catégorie Court-métrage Fantastique Calédonien régulièrement alimentée par Trapard. Celui-ci, non content de vous avoir proposé la découverte de quelques-uns de ses courts-métrages, a décidé aujourd’hui de vous faire profiter d’une interview de cette réalisatrice du Caillou. On le remercie une fois de plus, et on laisse la parole à Manuella…
Manuella Ginestre (ou ‘Manu’ pour qu’elle descende), tu es réalisatrice depuis… houlà… environ 15 ans maintenant. On te connaît avant tout pour tes premiers courts-métrages d’horreur adaptés de Stephen King ou carrément personnels. Peux-tu nous parler de la petite Manuella découvrant le cinéma devant sa télévision ou au cinéma, de tes premiers coups de cœur de cinéphile et de tes premiers frissons cinématographiques d’enfant ou d’adolescente ?
« Et pourquoi faire ?» … parce que c’est mon destin ! (rires) Le premier film d’horreur que j’ai regardé en cachette était L’EXORCISTE, j’avais 6 ans et je faisais semblant de dormir sur les genoux de ma mère. Je me rappelle de cette sensation délicieuse d’être terrifiée (même si je ne comprenais pas tout…) et protégée en même temps. Les films d’horreur sont devenus mes montagnes russes à moi. J’ai enchaîné avec des films comme, LA MOUCHE, MUTANT AQUATIQUE EN LIBERTÉ, les « Freddy », « Jason », etc. J’ai eu de la chance car mes parents me laissaient faire, je sais que ça paraît fou mais ça m’a aidé, je veux dire c’est ce qui m’a donné l’envie de réaliser : je voulais faire les films que j’avais envie de voir…
Ma première expérience au Cinéma a été E.T., et il a fallu me faire sortir quand il est « mort » tellement je pleurais et hurlais : « Ils ont tué E.T. !!!!!! ».
J’ai toujours eu une préférence pour l’horreur, le fantastique et la SF. Mais c’est vrai que depuis un certain temps, le cinéma d’horreur n’est plus ce qu’il était, aujourd’hui on est plus dans les « films-tortures ». Certains finissent par oublier que des films cultes tels que MASSACRE À LA TRONÇONNEUSE n’étaient pas sanglants pour un sou mais jouaient avec nos peurs primaires, et ça me manque… Aujourd’hui James Wan (CONJURING, INSIDIOUS et le 1er SAW) est le seul qui me fait un peu sursauter mais dès qu’on voit les fantômes, les démons ou autres, le charme est rompu et le film devient ennuyeux…
Comment es-tu passée de cinéphile passive à cinéphile active en décidant de tourner tes propres films ?
Je l’ai fait très tôt à cause d’une série qui parlait aux jeunes (HARTLEY, CŒURS À VIF). Je me suis mise à réaliser « mon » épisode au collège Sainte-Marie de Païta, mais évidemment sans suite. Puis je suis partie à Montpellier faire mes études, et je filmais tout ce qui m’arrivait. C’était plus une sorte de docu-étudiant mais j’aimais y apporter une petite touche cinématographique de temps en temps. À mon retour j’ai commencé à participer au Festival de La Foa assidûment (j’étais dans l’association du Festival au début). Delphine Ollier (l’organisatrice) a vraiment contribué à ce que j’ai réalisé : elle m’a toujours encouragé et mise en avant. La Province Sud et le Gouvernement m’ont beaucoup apporté aussi financièrement. J’ai pu réaliser mes projets et « la machine » était lancée. Puis j’ai fait une longue pause… parce que… ça épuise ! J’ai deux métiers : réalisatrice et bibliothécaire. Et c’est parfois très dur à concilier, mais on n’a souvent pas le choix dans ce milieu de la vidéo, vu qu’on n’en vit pas en Nouvelle-Calédonie.
Tu as eu une période de réalisation de courts-métrages d’horreur aux alentours de 2000 jusqu’à environ 2009, puis tu as changé de cap avec le film MANOUS en 2010 et avec la web-série sur laquelle tu travailles en ce moment en collaboration avec d’autres réalisateurs. C’est un choix définitif ?
Non, je continuerai à faire ce que j’aime, de mon côté, dans mes genres de prédilection. C’est juste la question de trouver la bonne idée de scénario, et je ne veux plus « rendre hommage » ou « m’inspirer de… ». En tout cas plus pour mes projets personnels… J’aimerais créer quelque chose d’original et ça prends du temps… Et en attendant, je travaille avec les membres de l’association Five Club sur leurs projets respectifs (j’ai été cadreuse sur DE CHARYBDE EN SCYLLA de Erwann Bournet, mon compagnon, par exemple…). C’est comme cela, en travaillant avec les autres, qu’on a créé Five Club, et à plusieurs le résultat est souvent meilleur. Il y a notre scénariste Fabien Dubedout (avec qui j’avais travaillé sur MANOUS et sur le clip des Yellow Press Toy) et les réalisateurs Erwann Bournet, Chistophe Maunier et Lucas Genna. Là on se lance dans du lourd ! C’est un court-métrage qui s’appelle LES SONDEURS. C’est une comédie fantastique, qui implique costumes et post prod. Bref beaucoup de boulot ! Mais que du bonheur ! De plus nous avons déjà pensé à des suites, et nous pourrions ainsi le décliner en une série-web. Pour l’instant c’est LE projet auquel je me consacre en priorité.
Certains de tes courts-métrages sont des adaptations comme L’A6, UNE SALE GRIPPE, d’autres sont écrits par des scénaristes comme Fabien Dubedout sur MANOUS, mais certains de tes courts-métrages d’horreur comme TUEZ-MOI, SEULES et VERMINES sont issus de ta propre imagination. Et quand on te connait un peu, on peut aussi les trouver très « personnels ». Les considères-tu comme de purs films de genre et d’horreur ou par certains égards, tu considères que ce sont aussi des films d’auteur ?
Un peu des deux effectivement, mais je dirais qu’ils sont peut-être plus personnels, puisqu’il y a plus d’émotion… Et c’est vers ça que je veux aller. Je veux faire ressentir des choses en passant un message je pense que c’est le but non ? Mais je considère surtout que ce sont des exercices de style. Tant que je ne ferai pas un film, tout ce que je ferai ne sera qu’exercice pour m’aider à me rapprocher de ce que je souhaite réellement raconter.
Dernièrement, tu as tourné un certain nombre de clips musicaux et tu as aussi collaboré à certains projets de ton compagnon Erwann Bournet ou d’autres vidéastes. Mais depuis quelques temps, tu participes à ce projet collaboratif : LES SONDEURS. Peux-tu nous parler de la genèse de cette série et nous annoncer quelques nouvelles croustillantes au sujet de son évolution ?
Avec le Five Club, on a pu avoir plus de poids pour présenter notre projet aux institutions. Nous sommes également soutenus par Radikal Pictures. Fabien Dubedout a d’abord écrit le scénario mais on a tous participé à la création des SONDEURS en y apportant des idées supplémentaires. On a voulu rendre hommage à des films comme LA CITÉ DE LA PEUR ou aux Monty Python. LES SONDEURS n’est qu’un court-métrage comme je te le précisais déjà. L’adaptation en série web est un projet futur, qui ne se réalisera que selon l’accueil et les moyens financiers qu’on aura. On tourne dans un mois et du coup on est actuellement en pleine préparation du tournage… Ça faisait longtemps que je n’avais pas réalisé, du coup j’ai dû ré-apprendre à me faire confiance. Heureusement on est une super équipe, et on a les moyens de raconter ce qu’on veut, et du coup c’est juste génial ! C’est le meilleur métier du monde. On n’a pas encore d’anecdotes croustillantes mais ça risque surtout d’être marrant, vous allez voir des gens pas très normaux se balader dans Nouméa bientôt…
Merci Manuella.
Merci Jimmy.
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L’histoire du docu-étudiant ça m’a amusé parceque je l’ai plus ou moins vécu aussi, mais plutôt pendant ma période lycéenne et particulièrement pendant les weekends et vacances scolaires et surtout les voyages (Thaïlande, Malaisie, Espagne, France, Belgique, Suisse). Et pareil, je filmais tout et tout le temps, que je ne faisais même parfois plus attention que je filmais et que tout le monde n’aime pas toujours cette intrusion d’une caméra au milieu d’une discussion. Mais le but pour moi était évidemment de trouver le cadrage le plus intéressant et surtout de capturer des moments de réalité les plus insolites en soi, comme pour chercher à les figer dans le temps et l’espace en quelque sorte…
Et ma manière personnelle d’intégrer de la fiction dans ces images était comme de chercher à dérouter la réalité ou de la raconter à ma manière, un peu comme si celle qui m’entourait tous les jours ne me convenait pas. Je lui rajoutais du sel et des épices et elle pouvait virer au surnaturel…
« Jouer » avec une caméra ça ressemble parfois à un univers fantastique d’autant qu’il est constamment question d’optique, de distance, de distorsion etc etc…
Ça ressemblerait presque à ces boules de neiges en verre que l’on observe pendant des heures sous tous ses aspects lorsqu’on est gosse, et qu’on cherche à en maîtriser toutes les impressions que peuvent nous rendre les différentes épaisseurs du verre, les reflets à la lumière etc etc
Et parfois, « jouer » très longtemps et très souvent avec une caméra, ce serait presque comme essayer de pénétrer cette boule de neige en verre, tellement le rapport à l’espace devient complexe…
C’est exagéré mais de jongler avec ces univers optiques est épuisant, et particulièrement dans l’instant présent où ça devient une « expérience » d’étudiants, de reporteurs d’images ou de documentaristes. Ce qui n’a rien à voir avec la Fiction plus conventionnelle où il y a une base optique prédéfinie sur storyboard, ce qui offre une marge d’inventivité nettement plus réduite, mais moins prenante dans un sens.
Enfin bref, je m’éloigne parceque cette interview m’a rappelé ces souvenirs de lycéen serial-filmeur
En tout cas, j’ai très envie de voir LES SONDEURS maintenant.
Entretien radio :
http://medias2.francetv.fr/videosread/rfo/mp3/nouvellecaledonie/passionnement/passionnement_mar_18-08_manuella_ginestre_2015-08-18.mp3