C’est à travers un style d’écriture unique et déroutant, au sein de l’État Unique, que D-503, mathématicien de métier et constructeur du vaisseau spatial l’Intégral « formidable appareil électrique en verre et crachant le feu », décide d’écrire ses « Notes ». Son œuvre, parmi d’autres, est destinée au vaisseau qui aura pour mission de convertir au bonheur le peuple des étoiles. Durant toute la construction de ce projet grandiose, nous autres lecteurs, suivrons la vie, les pensées et plus encore de D-503, et c’est dans un monde idéalisé qui rompt avec un passé anarchique qu’il évoluera. Un monde entièrement fait de verre, où les structures laissent passer la lumière, les habitations n’ont plus un seul mur opaque. Véritable monde austère et totalitaire avec à sa tête le Bienfaiteur. Une stabilité maintenue à l’aide des Gardiens, les anges garants du maintien du bonheur et de la répression des esprits marginaux. Pour faciliter leur travail, les courriers sont ouverts, les structures (habitations) sont faites en verre et les discussions sont mises sur écoute. C’est dans ce même monde aseptisé, protégé du monde extérieur et sauvage par le Mur Vert que chacun des citoyens en uniforme bleuâtre, déshumanisé par l’usage d’un numéro national (pour citer quelques personnages qui gravitent autour de D-503, je nommerai sa chère O-90 mais aussi le poète R-13 et S), perd petit à petit toute individualité. Les hommes deviennent les rouages d’une machinerie superbe dans un collectivisme et un taylorisme acharné notamment avec la Table des Heures.
Voilà un monde parfait délivré de la liberté, du crime, de l’individualisme et de toute dissension idéologique. Hélas tout n’est pas aussi lisse. Dans l’esprit de D-503 se cache une tare, une vague, un aspect de lui-même qu’il n’arrive pas à assumer, ce qui l’amènera à se questionner jusqu’à en devenir malade. Et puis une rencontre inattendue, d’une femme, I-330 qui amènera ce X, cette inconnue, bouleverser l’équation de son bonheur.
Une véritable dystopie qui place l’anticipation, pour le coup, dans une réalité présente, bien concrète et palpable, celle de la dictature stalinienne. Nous autres, de la fiction ?
Amis lecteurs, faites vous encore preuve d’imagination ? Alors soyez prêts à vous allonger sur la table et à subir la Grande Opération.
« Vive l’État Unique. Vive les numéros. Vive le Bienfaiteur ! »
- Antipathes -
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Hello Mister Antipathes !
Merci beaucoup pour ce retour sur ce roman et son auteur que je ne connaissais pas du tout pour ma part. Un résumé qui fleure bon la diktat ! ^^ Six ans plus tard, Fritz Lang en mettra une autre en images, quoique les dictatures des années 20-30 se ressemblaient toutes un peu. C’est sûrement pour ça qu’on trouve dans ton résumé un terme désignant l’économie soviétique à côté d’un autre qui désigne celle des États-Unis : « d’une machinerie superbe dans un collectivisme et un taylorisme acharné ».
Je ne savais pas qu’un auteur de science-fiction avait participé à l’adaptation du roman de Maxime Gorki pour LES BAS-FONDS de Jean Renoir.
Je pense que LES BAS FONDS DE PARIS devait être soit le titre de la copie de travail, soit le titre du scénario du film de Renoir, car il a toujours été exploité en tant que LES BAS FONDS. Tout comme le film de Kurosawa de 1957 qui situait son action au milieu des bas-fonds d’un Tokyo médiéval.
De plus, le film de Jean Renoir se situe dans un Paris sombre, méconnaissable, imaginaire et finalement idéalisé pour retranscrire le message de Maxime Gorki, celui de la fin d’un grand règne aristocratique. LES BAS FONDS fait partie des films tournés sous le Front Populaire (1936-1939) avec LA BELLE ÉQUIPE (1936) de Julien Duvivier, et quelques autres. Et le cinéma de Jean Renoir était majoritairement, avant-guerre, placé sous le signe du réalisme idéalisé (tout comme l’écriture de Maxime Gorki) et du réalisme militant. Ce qui permet à certains de critiquer la réalité historique de ce cinéma qu’il ne faut pas regarder à la manière de documentaires historiques mais comme des films empreints de militantisme socialiste idéalisant, là où à la même époque, d’autres comme Marcel Carné et Jacques Prévert lui préféraient le réalisme poétique, beaucoup plus léger.
Bon, bref. En tout cas, tu m’as donné envie de lire ce roman de Eugène Zamiatine. Et s’il l’a écrit en 1921 c’est sûrement qu’il avait le nez très fin pour sentir venir si tôt le vent. Car si tu jauges un peu le milieu artistique soviétique, les déçus de la politique culturelle stalinienne se sont déclarés beaucoup plus tard. Mais c’est vrai que dans les années 20, artistique et militantisme étaient étroitement liés en URSS.
A cette époque un lien très fort lie l’artistique et le pouvoir. Rien ne passait sans l’aval des élites culturels. J’ai chez moi les lettres à Staline de Boulgakov et de Zamiatine (Les deux en même temps ont exigé l’autorisation de partir en exil, Boulgakov a vu sa demande refuser, ce qui n’a pas été le cas de Zamiatine, et on voit bien la déchéance psychologique du premier et du second par la même occasion) et c’est extrêmement flagrant. Une œuvre n’entre pas dans les clous et sitôt les éditeurs ferment leur porte et arrêtent les ventes, les pièces de théâtres sont retirées de l’affiche et les critiques assassinent l’auteur.
Il fut un déçu de la récupération de la révolution justement. Aussi, Zamiatine fut lynché par la critique de son pays, par les révolutionnaires mais aussi, à son arrivé à Paris, par les exilés russes pour avoir garder sa nationalité. Il fut haït de toute part. Dans la lettre à Staline, on ressent ce désarroi de l’auteur.
Pour ce qui est des bas fonds, je ne l’ai jamais vu, j’avais débuté le téléchargement du film mais c’était peu avant la perte de ma connexion internet. Mais il y a là un contexte historique riche et passionnant.
Erratum
liait* au lieu de « lie »
« élites culturelles »
« refusée »
« arrivée »