LA DIXIÈME VICTIME (1965)
LA DIXIÈME VICTIME est un petit classique du cinéma de science-fiction italien, sorti la même année que le FAHRENHEIT 451 de François Truffaut, et là où le Français préférait adapter Ray Bradbury, Elio Petri s’est attaqué à l’œuvre de Robert Sheckley.
À savoir que Sheckley a écrit deux nouvelles futuristes de chasse à l’homme face aux médias : « La Septième Victime » en 1953, qu’Elio Petri a adapté en 1965. Puis « Le Prix du danger » en 1958 dont la télévision allemande a produit « Le jeu des millions » en 1970, réalisé par Tom Toelle. Puis Yves Boisset en a réalisé le célèbre film éponyme, sorti en 1983. La même année, Joe D’Amato reprend le thème de la nouvelle pour le film futuriste, « Le Gladiateur du futur » (1983) et Luco Fulci fait de même avec « 2072, Les Mercenaires du futur » en 1984. Puis Stephen King a écrit une déclinaison de la nouvelle de Sheckley avec « Running Man » en 1982, dont est tiré le film de Paul Michael Glaser, avec Arnold Schwarzenegger sorti en 1987.
La grande différence entre le FAHRENHEIT 451 de Truffaut et le film futuriste d’Elio Petri vient du style nerveux et « Arty » de la réalisation du cinéaste italien. D’ailleurs, ce même style nerveux ajouté à une politisation extrême remplaceront peu à peu l’univers graphique des films de Petri des Sixties, avec UN COIN TRANQUILLE À LA CAMPAGNE (1969), ENQUÊTE SUR UN CITOYEN AU-DESSUS DE TOUT SOUPÇON (1970) et LA CLASSE OUVRIÈRE VA AU PARADIS (1971). Mais la déshumanisation que peuvent engendrer le besoin de reconnaissance par les médias est déjà très présente dans LA DIXIÈME VICTIME. Les années 60 sont aussi les grands débuts de la télévision telle que la vouait déjà Silvio Berlusconi.
L’intrigue : Dans un futur proche, les gouvernements ont décidé de canaliser les pulsions meurtrières de leurs concitoyens afin d’éviter de nouveaux conflits. Pour cela, une « grande chasse », à laquelle chacun peut participer, a été organisée. Les règles sont simples : chaque participant doit survivre à 10 chasses, en étant alternativement le chasseur et la proie, les rares personnes qui y parviennent devenant riches et célèbres. Caroline, une Américaine, en est à sa 10e et dernière participation. Pour triompher de cette ultime épreuve, elle doit tuer sa proie, un Italien nommé Marcello qui a 6 victoires à son actif. Désireuse de maximiser ses gains, Caroline passe un contrat avec une compagnie de thé pour que la mise à mort se fasse dans un lieu romain prestigieux, au beau milieu du tournage d’un spot publicitaire…
Les deux stars du film sont Marcello Mastroianni teint en blond, et Ursula Andress toujours aussi belle et d’apparence froide et dominatrice. Au début du film, elle n’hésite pas à tuer un homme avec deux revolvers cachés dans les balconnets de son soutien-gorge, comme le feront aussi la même année, les BIKINI MACHINE du Docteur Goldfoot.
Comme dans ses meilleurs films, ou en tout cas dans les plus connus en France (LA DOLCE VITA, LA GRANDE BOUFFE, FELLINI ROMA…), Marcello Mastroianni s’appelle… Marcello. Sûrement pour renforcer les conflits culturels italo-américains du couple.
On les suit une grosse partie du film, tel un duo « chasseur-chassé », flirtant ensemble pour apprendre à mieux se connaître, et comme pour chercher à déceler les failles de l’un et de l’autre. Jusqu’à en désacraliser même complètement l’image de l’affectif, du couple et de la famille à l’italienne.
Plus définitif que les adaptations du « Prix du danger », LA DIXIÈME VICTIME montre le thème de la mort avec un recul blasé et amusant, l’élimination d’une « victime » se planifiant et s’orchestrant avec maestria, longtemps à l’avance. Ici, il n’est jamais question d’improvisation, ni de liberté de mouvements (un thème qui ressemble aux actuelles polémiques autours des caméras de surveillance). Et finalement, seuls les sentiments semblent vouloir se frayer un espace vital propre dans ce grand cirque politico-médiatique. Mais est-ce que cela ne fait pas partie des règles de ce grand jeu ?
Et d’une certaine manière, la « mort », le nombre de chasses, les chasseurs et les victimes, la tromperie et le regard d’autrui, tout cet ensemble ressemble très fort aux limites dans l’émancipation de la jeunesse au cours des années 1960.
- Trapard -
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