DANS LA COUR DES GRANDS

Posté le 15 mai 2020

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Dans la cour des grands :

Peter F. Hamilton /Stephen King

Par Sonia Faessel

jg49Jb-1 dans Science-fiction

Si vous aimez les voyages de lecture qui vous plongent pendant des semaines dans un imaginaire et un univers riches et captivants, alors n’hésitez pas : absorbez les 4000 pages et plus des cycles du Commonwealth de Peter Hamilton et les 7 volumes de La Tour sombre de Stephen King. Deux créateurs immenses, qui partagent une culture littéraire et cinématographique conséquente, comme tous les grands écrivains qui ne se contentent pas d’écrire, mais lisent les autres.

Ils ne travaillent pas de la même manière : Peter Hamilton écrit une saga de space opera, son imaginaire se construit au fur et à mesure, et c’est en moins de 10 ans, de 2005 à 2014 qu’il compose les 7 volumes  des deux cycles du monde du Commonwealth, L’Étoile de Pandore (4 vols.), Le Vide qui songe (3 vols.). Stephen King commence La Tour sombre en 1970, inspiré par la lecture d’un poème de Robert Browning (poète anglais, 1812-1889), intitulé : « L’Écuyer Roland à la Tour sombre s’en est venu », et par le personnage incarné par Clint Eastwood dans Le Bon, la brute, le truand, film de Sergio Leone (1966). Du poème, il tient son titre : La Tour sombre,  et l’idée d’un imaginaire médiéval ; du western spaghetti de Leone, il trouve son personnage du pistolero, titre du premier volume du cycle, et il publie les deux premiers récits en 1970 dans des magazines. Il reprendra son projet en 1982, The Gunslinger (traduit en France en 1991 par Le Pistolero) et les 7 volumes (8 vols en anglais) s’échelonneront jusqu’en 2012. C’est donc une œuvre qui mûrit pendant plus de quarante ans, nourrie par l’imaginaire de Stephen King déployé dans les livres publiés pendant cette période. Il dit dans sa préface que c’est son œuvre majeure, dans laquelle il a mis tout ce qui le constitue en tant qu’écrivain, et c’est parfaitement exact : toute sa thématique y est.

kg49Jb-2 dans Sonia Faessel

Hamilton et King partagent une vision du mal :  d’un côté, un extraterrestre, l’Arpenteur, une intelligence non humaine dont l’objectif est de remplir la galaxie de sa seule présence, de l’autre le roi Cramoisi, qui veut détruire la tour sombre, garante de l’équilibre des mondes. Les deux super malfaisants ont des agents, volontaires ou non, qui sont autant d’obstacles aux « bons » et animent la lutte sans merci.

Les similitudes s’arrêtent là, Hamilton propose une confrontation entre l’humain et une technologie menaçante, fondée, non sur une assimilation façon Borgs, mais sur la conquête à tout prix ; King construit son cycle en forme de quête, celle du pistolero–chevalier Roland Deschain, et la première phrase du cycle : « l’homme en noir fuyait dans le désert et le pistolero le poursuivait » est aussi la dernière  des 4500 pages de cette aventure.

Jr49Jb-4Dans sa saga du Commonwealth, Hamilton déploie un imaginaire connu dans le space opera. Ce n’est pas l’univers de Star Wars, mais les éléments fondamentaux sont là : une conquête humaine des planètes de la galaxie, grâce à la technologie maîtrisée des trous de vers et des vaisseaux supraluminiques, des intrigues politiques, un monde capitaliste, dominé par les dynasties terrestres et interstellaires. Quelques extraterrestres collaborent plus ou moins avec les humains, sans intervenir directement, soit parce que leur civilisation est beaucoup plus ancienne, soit parce qu’ils n’ont pas la prétention d’intervenir dans la vie de la galaxie. D’autres  ont renoncé à une technologie dévastatrice et choisi volontairement de régresser. Dans tous les cas, cela permet d’envisager d’autres perspectives, en montrant les limites de la technologie ou des utilisations qui savent se passer de toute forme d’agression : les chemins des Sylphens, que les humains appellent des elfes,  mènent d’une planète à l’autre, sans aucune logique autre que celle d’explorer des expériences de vie.

Peter Hamilton se préoccupe de la mort : est-elle une finalité ou non ?, question que se pose l’homo sapiens depuis qu’il sait qu’il existe. Il avait déjà développé la question dans sa trilogie L’Aube de la nuit, fresque spatiale dans laquelle les personnages doivent essayer de cohabiter avec les âmes des morts, inopinément libérées de l’espace et qui se précipitent  avec jubilation sur tous les corps des vivants : l’ensemble, écrit entre 1996 et 2000,  raconte avec gravité et drôlerie ce que peut bien devenir une société humaine interstellaire lorsqu’elle est envahie par des indésirables.

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Dans le cycle du Commonwealth, la mort n’est plus une finalité : chaque humain qui en a les moyens, peut bénéficier d’une cure de rajeunissement et d’une « résurrection » par clonage et réimplantation de sa mémoire si son enveloppe corporelle disparaît.  Le meurtre n’a donc plus guère de raison d’être, mais gare au piratage informatique ! C’est en modifiant les implants d’un humain que l’Arpenteur forme ses agents,  mais les logiciels et les virtuoses du cyber espace ont aussi créé l’IA, entité dont les processeurs occupent une planète entière, et qui conseille les humains et envahit elle aussi les logiciels de ses agents, avec leur consentement. 

7v49Jb-5Dans La Trilogie du Vide (2008-2011) le cycle suivant la guerre menée contre l’Arpenteur, l’humanité est mise en péril par le vide qui songe, une promesse d’un paradis transmis par les rêveurs de la planète à l’intérieur du vide. Cette fois-ci, la  religion est au centre du combat  entre les factions, les « conservateurs, qui se méfient, et les « accélérateurs », qui voient dans cette évolution une post humanité bienheureuse. Il ne s’agira que d’un leurre, d’une gigantesque machine construite par les Primiens, ceux de la race de l’Arpenteur, capable d’absorber l’énergie des étoiles de la galaxie, et mangeuse d’esprits. Certes, les âmes appelées par le vide sont bienheureuses, mais elles n’ont plus aucun désir et la stagnation extatique dans laquelle elles sont plongées ne suscite plus rien. Les batailles sont titanesques, les pouvoirs psychiques immenses, la technologie effrayante, et l’humanité sera sauvée de justesse.

La grande réussite de Hamilton réside dans la complexité des intrigues et la multiplicité de personnages bien caractérisés, que l’on retrouve d’un volume à l’autre.  Aucun ennui dans la lecture de ces sept livres, dont chacun  se termine par un suspens qui donne envie de continuer.  Il explore avec brio les modalités d’une évolution de l’humanité  pourvue d’une technologie qui lui permet de reculer les limites de la mort physique.

vz49Jb-6Autant l’on reconnaît chez Hamilton les thèmes classiques de la SF, autant l’on identifie les thèmes majeurs de l’oeuvre de King dans La Tour Sombre.  De la SF, il utilise les portes qui ouvrent sur des espaces temps différents, toujours sur la Terre cependant. Avec le personnage de Jack, le jeune garçon qui accompagne le pistolero, il reprend le thème du shining, pouvoir utilisé pour détruire les rayons de la tour sombre, et que traquent les agents du roi Cramoisi. Le dédoublement de personnalité permet de récupérer son intégrité physique, (le personnage de Susannah Dean, amputée de ses deux jambes),  tout comme le fait Mr Mercedes.  L’écriture reste au centre de la quête, et Stephen King se met en scène comme seul détenteur de la suite de l’histoire. Il devient un personnage en danger de mort, traqué par les agents du roi Cramoisi.  L’Heroic Fantasy  est évoquée dans les deux volumes consacrés au passé du chevalier Roland : on y trouve des sorcières, des objets magiques, des personnages puissants et malfaisants, mais il s’agit d’avantage d’une fresque sur fond médiéval que d’un cycle évoquant Le Seigneur des Anneaux.  La fonction de l’épisode est de mieux comprendre le personnage de Roland et de céder à la rêverie littéraire d’un monde médiéval revisité par l’imagination de King.  On peut s’amuser à lister avec précision les éléments qui se trouvent dans les livres de King écrits entre 1981 et 2012, on en trouvera une bonne vingtaine, suffisamment pour faire de La Tour Sombre une œuvre somme, qui ne ressemble à rien de ce que King a écrit et qui dans le même temps rejoint le connaisseur de son œuvre.

On imagine assez mal des adaptations cinématographiques de ces deux cycles, tant les décors, la profusion des personnages, la complexité des intriques, et le temps de la lecture sont irréductibles.  Le film sorti en 2017 d’une adaptation de La Tour Sombre fut un échec. Des séries télé sont évoquées, il faudra au minimum le talent de l’équipe de Game of Thrones pour les mettre en chantier. En attendant, bonne lecture !

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