« Les contes d’autrefois, ainsi que les fabuleuses créatures qui les inspirèrent, ont une patrie. Cette patrie se nomme l’OutreMonde. Ne la cherchez pas sur une carte, même millénaire. L’Outre-Monde n’est ni un pays, ni une île, ni un continent. L’OutreMonde est… un monde, ma foi. Là vivent les fées et les licornes, les ogres et les dragons. Là prospèrent des cités et des royaumes que nous croyons légendaires. Et tout cela, au fil d’un temps qui s’écoule autrement. »
(Le Paris des Merveilles – tome 1 : Les Enchantements d’Ambremer / Pierre Pevel)
JACK VANCE
(texte incomplet de Mandragore datant du début des années 1990)
Sa vie
John Holbrook Vance est un homme secret, fort avare de confidences. Il l’annonce d’emblée : « Je crois qu’une connaissance intime de la personnalité d’un écrivain diminue l’effet de ses œuvres sur le lecteur. C’est pourquoi je ne distribue jamais de photographies, n’accorde aucune interview et ne fournit qu’un minimum de renseignements biographiques à qui m’en demande. »
Il a donc fallu se livrer à un véritable travail de détective, opérer nombre de recoupements noyés ici et là dans la masse des décryptages successifs de la critique pour parvenir à vous présenter quelques bribes de l’existence de ce vaste penseur de mondes.
Né à San Francisco le 28 août 1916, il passe toute son enfance dans un ranch de la Californie centrale. Il suit successivement – mais sans succès ! – des cours d’ingénieur des mines, de lettres, de physique et de journalisme, métier qu’il délaisse vite pour exercer les activités les plus diverses.
Il travaille dans la métallurgie, la construction, puis devient musicien au sein d’une formation de jazz (c’est un trompettiste et un bon joueur de banjo). On le retrouve finalement dans la marine marchande. Il prétend avoir ainsi bourlingué sur toutes les mers du monde. Dès lors, son amour de la bougeotte ne l’a plus quitté. Il préparait ces dernières années un grand périple dans le Pacifique Sud à bord d’un trimaran qu’il achevait de construire.
Ajoutons que c’est un gastronome et un œnologue averti, qu’il est marié et père d’un garçon, qu’il réside à Oakland, port ouvrant sur la baie de San Francisco.
Si quelque jour, vous repérez, sur la terrasse d’un hôtel-restaurant, un Américain jovial au visage de pachyderme, jouant, le soir venu, d’un ukulélé aigrelet, sachez que vous avez devant vous un « world-thinker », un conteur à l’égal de Dumas ou de Stevenson.
Son œuvre
Vance publie à 29 ans sa première nouvelle dans « Thrilling Wonder Stories ». Il a obtenu les plus hautes distinctions : le Hugo en 1963, pour sa nouvelle « Les Maîtres des Dragons » et le Nebula, pour « Le Dernier Château », quatre ans plus tard. C’est un des rares écrivains de SF, avec Harlan Hellison, qui puisse disposer aussi sur ses étagères l’ « award » de la littérature policière. Ce palmarès est déjà très significatif de la « manière » de Vance qui consiste à mêler Space Opera (pour le cadre), Heroic Fantasy (pour la tonalité) et intrigue policière (pour la trame narrative). Le tout enrobé d’un certain humour tenant, pour l’essentiel, à la distance un peu narquoise que semble se ménager l’auteur à l’égard de ses personnages, de ses inventions, des vicissitudes de la vie de voyageur cosmique.
Dans l’univers « vancien », chaque société humaine essaimée dans la galaxie devient une sorte de système clos qui a tendance à perdre la mémoire de ses origines et à évoluer selon une dynamique propre : oubli de la Terre, mais aussi oubli de l’humain, mutations régressives ou progressives, castes aux rites figés, complexes jusqu’à l’horreur, mondes féodaux servis par des robots où les yachts spatiaux voisinent avec les chars à bœufs, planètes où la science s’est sophistiquée au point de se confondre avec la magie, sociétés raffinées cérémonieuses ou épiques, consacrées aux plaisirs des sens ou à la guerre.
Nous voici embarqués dans un diorama immense, vaste fresque baroque où chaque détail a son importance : costumes, mets, architectures, légendes locales, spectacles, peintures, modes de gouvernement, systèmes carcéraux ou policiers, langues, …
Ce pointillisme savamment dosé fait tout le charme de ces voyages, où la démarche encyclopédique rejoint la satire, la réflexion sur la structure sociale, la nature du pouvoir, la liberté individuelle ou collective, l’impérialisme. Car le décor, aussi somptueux soit-il, n’est pas gratuit. Il ne procède aucunement du simple délire créatif. Il soutient, nourrit, justifie l’intrigue. Comme Montesquieu, Vance est fermement persuadé que les lois d’un peuple donné « doivent être relatives au physique du pays, au climat glacé, brûlant ou tempéré ; à la qualité du terrain, à sa situation, à la religion des habitants, à leurs inclinations, à leurs richesses, à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs, … »
Technique flamboyante d’autant plus adaptée qu’elle s’étale presque toujours sur plusieurs tomes : quatre pour le « Cycle de Tschaï » (où un cosmonaute essaie de trouver un astronef pour regagner la Terre, et apprend à connaître, à travers ses pérégrinations, les quatre races mutantes qui se partagent la planète) ; cinq pour la « Geste des Princes-Démons » (où Kirth Gersen, le héros, se venge du meurtre de ses parents et de la destruction du domaine familial) ; trois au moins pour « Lyonesse » (inextricable imbroglio de complots dominés par la sorcellerie dans l’archipel des Isles Anciennes).
Mais il excelle aussi dans la « novella » : « Emphyrio » (où le petit Ghyl, après une représentation de marionnettes semi-humaines, se révoltera contre les Seigneurs, uniques détenteurs du savoir mécanique) ; « Un Monde d’Azur » (un monde d’îles flottantes peuplé par les descendants d’un croiseur-pénitencier et dominé par un monstre marin : le Kragen) ; « Les Maîtres des Dragons » (belle aventure d’une lutte entre extraterrestres et société féodale, où chacun des adversaires envoie au combat des versions mutantes de son ennemi).
- Mandragore -
Science fiction allemande :
Andreas Eschbach
- par Sonia Faessel -
Né en 1959, vivant actuellement en Grande Bretagne, Andreas Eschbach a écrit pas moins de 45 livres, dont la majorité en cycles, hélas peu traduits en France. C’est L’Atalante qui s’y colle, pour le bonheur des amateurs de SF, surtout quand c’est de la bonne. Pour vous mettre en appétit, trois livres.
Station solaire (traduit en 2000) : dans un futur proche, une station spatiale orbite à 400 kms de la planète afin de capter l’énergie solaire pour la rediriger sur la Terre. Eschbach propose un polar en huis clos : 9 astronautes coincés dans un espace minimal, sa description de la station correspondant à ce que l’on peut voir au Space Kennedy Center en Floride. Jack, le seul « yankee » de la troupe, nippone comme l’indique le nom de la station : Nippon, mène l’enquête, sauve tout le monde, et les survivants de ce cauchemar spatial finiront pas être rapatriés. Il faut croire que les héros restent américains, et ils ont du mérite car ils sont proprement méprisés par les Japonais qui ont repris les travaux de la NASA mourante pour cause de crise économique et du déclin définitif des États-Unis. Les rivalités mesquines finissent par s’effacer devant l’accumulation des cadavres, une attaque en règle de terroristes écologistes, le tout est un suspens excellent, et, dans les mains d’un grand metteur en scène, pourrait donner un très bon film.
Des milliards de tapis de cheveux, écrit en 1995, détermina le succès d’Eschbach. Nous sommes dans une galaxie lointaine, sur une planète aride d’où toute trace de civilisation moderne a disparu, et dont les habitants misérables subsistent comme ils peuvent. Tous vivent dans le culte de l’Empereur, considéré comme un Dieu vivant, et dont les règles doivent être suivies avec la plus extrême rigueur, sous peine de mort. Celui qui critique est aussitôt désigné comme blasphémateur et exécuté. La caste la plus respectée est celle des tisseurs : ils passent leur vie à tisser un tapis de cheveux, ont pour cela plusieurs concubines, et ne gardent qu’un fils pour prendre la relève à leur mort. Ils vivent reclus dans leur maison, finissent aveugles et infirmes, mais le prix de la vente de leur tapis au marchand permet à la famille de vivre plusieurs années. Les personnages et la vie sur la planète sont présentés en séquences, qui permettent de reconstituer l’histoire, celle d’une vengeance terrible et injuste, qui a condamné toute une galaxie à un travail inhumain et inutile. Les libérateurs arrivent, mais trop tard pour espérer changer les choses.
Le Dernier de son espèce (traduit en 2006) reprend le personnage de la série des années soixante : L’Homme qui valait trois milliards de dollars. C’est une narration à la première personne, Johnny Fitzgerald, raconte ses errances et ses souvenirs dans le village perdu de Dingle, en Irlande. Il s’est refugié là, après que le programme Steel Men de l’armée US ait cessé. On s’est aperçu en effet que des super soldats bourrés d’implants et avec des os en titane risquaient de manquer de discrétion sur un champ de bataille, évidence tragique qui a condamné ces hommes à une mise au placard, assortie d’une surveillance constante, pour finir par devoir être éliminés quand l’armée a trouvé un autre projet mirifique. C’est donc le blues d’un cyborg, toujours humain, dont le corps devient obsolète au fil des années, avec des pannes de plus en plus nombreuses et difficiles à réparer, à qui les autorités gouvernementales qui l’ont conçu dénient toute humanité et toute liberté. Un récit émouvant, accompagné de la philosophie de Sénèque, la référence de Johnny, le parcours d’une mort annoncée, mais la victoire posthume de ce qui reste irrépressiblement humain, fut-ce dans un homme machine.
Au final, trois romans écrits avec maestria, dans trois registres différents : littérature policière, conte de fées sinistre, récit narratif, à dévorer sans contrainte, plaisir de lecture garanti.
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« C’est parti. Puisqu’il me faut encore jouer, je jouerai serré. Tout est prêt, bien agencé. Un plan soigneusement élaboré qui devrait se dérouler sans anicroche. En face, ils n’y verront que du feu. Et lorsqu’ils se rendront compte de quelque chose, lorsqu’ils s’apercevront qu’un grain de sable s’est glissé dans leur machine bien huilée, il sera trop tard. Vraiment trop tard. Ils se trouveront pris dans leur propre piège et ne pourront plus y échapper. M’échapper. Qu’est-ce qu’ils s’imaginaient ? Que j’allais disparaître sans rien dire ? Que je serais sans réaction aucune ? Les imbéciles ! Et ils croyaient me connaître ! Non, je n’ai pas disparu. Je suis là, bien caché, bien blotti, en un endroit où nul ne saurait me trouver. »
(Le Serpent d’Éternité / Pierre Stolze / Galaxie Bis 1979)
Rendez-vous ailleurs : Perdido Station de China Miéville
- par Sonia Faessel -
Récompensé par le prix Arthur C. Clarke et le British Fantasy Award, le diptyque Perdido Station révèle les talents d’un grand créateur de science fiction.
On peut y retrouver le graphisme des Cités Obscures de François Schuiten, l’exotisme exubérant des personnages du 4e volet de Star Wars dans le bar du spatioport de Tatooine, les créatures de cauchemar de la saga du Seigneur des Anneaux, et pourtant, l’imaginaire de Miéville propose un monde unique, qui ne ressemble à rien de ce que l’on a pu lire ou voir jusque là.
L’espace décrit est essentiellement celui de la cité de Nouvelle-Crobuzon, un savant mélange d’architectures anciennes et modernes, équipé d’une technologie victorienne : charbon, vapeur, carrioles, câbles, pas d’internet même si certaines machines ressemblent à des ordinateurs, pas de téléphone. L’ensemble est marqué par la décrépitude : moisissures, rouille, murs qui menacent de tomber, rues embourbées, le tout enserré dans deux rivières qui permettent aux bateaux d’assurer le ravitaillement de la ville. Les noms des quartiers (il faut saluer l’imagination du traducteur) sont à eux seuls une bonne évocation : La Poix, Tournefoutre, Foutretombe, Bec de Chancre pour les quartiers populaires ; Vertige Est et Ouest, Mont Mistigri, Mont de St Baragouin pour les quartiers plus chics, perchés sur les hauteurs. Cette ville est millénaire et son histoire s’est perdue, seuls quelques monstruosités étranges évoquent un passé mystérieux, tels les gigantesques côtes qui enserrent le quartier d’Osseville, témoignages d’une créature titanesque venue s’échouer là.
La ville, de quelques deux millions d’âmes, abrite une population d’humains et d’hybrides qui feraient la joie des créateurs d’effets spéciaux. Les Khépri, à tête de scarabée et corps d’homme habitent Bercaille, les Calovires, avec leur corps de chien et leurs ailes de chauve-souris, écument les cieux et vivent sur les toits qu’ils conchient soigneusement, les Yodyanoi sont des créatures au corps mou et puissant qui vivent dans la rivière, les Garuda mi- hommes mi-oiseaux de proie aux ailes somptueuses vivent dans le désert, mais certains ont migré à Nouvelle-Crobuzon. Les Cactus ont un espace à part dans la ville, un gigantesque dôme qui maintient une température élevée sans laquelle ils ne peuvent survivre. Cette population pour le moins hétéroclite se mélange dans le quartier des artistes ou les très nombreuses tavernes et maisons de plaisir qui constituent l’essentiel des commerces de la ville. Chaque espèce conserve plus ou moins sa culture et a développé les dons qu’elle a reçus : les Khépri sont des artistes sculpteurs et peintres capables de modeler n’importe quoi avec leurs sécrétions salivaires, les Calovires sont de bons messagers ou livreurs de marchandises (des sortes de drones biologiques), les Yodyanoi sont capables de modeler l’eau, et quand ils font la grève, on la sent passer : ils ouvrent une trouée de 3 km de long dans la rivière, rendant toute navigation impossible.
Toute cette population est dirigée par un Gouvernement dont les décisions restent secrètes. La milice intervient soudainement et brutalement grâce au système de tours et de câbles qui quadrillent la totalité des quartiers de la ville. Tout converge à Perdido Station, avec ses cinq lignes de trains qui desservent les faubourgs éloignés. C’est un pouvoir despotique et les coupables sont systématiquement recréés, devenant des monstruosités combinant matière organique et mécanique, dans un quartier où l’on entend leurs hurlements, comme on les entendait des animaux qui entraient dans la « maison de souffrance » du Docteur Moreau de H.G.Wells.
Les deux volumes de Miéville nous promènent dans cet espace et ces populations hétéroclites, qui survivent tant bien que mal dans un monde que l’on devine post apocalyptique, même si les dates citées se situent entre 1400 et 1700, mais de quelle ère ?
Le personnage principal, Isaac dan der Grimmebuin, est un savant, bricoleur de génie, qui adore explorer toutes les théories issues de son esprit constamment en éveil, et l’on suit ses recherches et pérégrinations. C’est tout d’abord Yaghareck, l’homme oiseau mutilé, qui vient lui demander de lui rendre ses ailes, non sous forme mécanique, à la manière d’Icare, mais d’une manière organique qui lui permettent de voler à nouveau. Comme la ténacité est la caractéristique d’Isaac, il transforme son laboratoire de Marais-aux-Blaireaux (le quartier des savants) en une ménagerie de tout ce qui vole pour étudier l’essence même de l’action de voler. C’est au cours de ses recherches qu’il va déclencher la catastrophe en élevant sans le savoir une Gorgone, qui s’empressera de libérer ses sœurs, retenues au secret par le Gouvernement qui mène des expériences que nul ne connaît.
À partir de l’éveil des gorgones, le récit combine la science-fiction et l’heroic fantasy, puisque les créatures évoquées ont des pouvoirs dignes des plus grands sorciers. Les gorgones ont la capacité d’hypnotiser n’importe quel être doué d’un esprit en agitant leurs ailes immenses aux couleurs psychédéliques, et leur proie clouée sur place se laisse aspirer tout ce qui constitue son esprit. Ne subsiste alors qu’une enveloppe vide, un corps privé de réactions, à la manière d’un coma. Les gorgones sont indestructibles ou presque, car elles évoluent sur plusieurs plans de réalité et aucune arme classique ne peut les atteindre. La ville devient alors un réservoir inépuisable pour ces vampires psychiques et le défi sera pour Isaac et ses improbables compagnons, le Garuda, Lin, sa maîtresse khépri et artiste, Lemuel, le bandit qui connaît tous les trafics de la ville et dont le réseau est inestimable pour trouver ce dont on a besoin, et Derkhan, la compagne xénian de Lin, de trouver le moyen de les anéantir. Les rencontres sont dangereuses, à la mesure des créatures qui proposent leur aide : qu’il s’agisse de la fileuse, une titanesque araignée capable de voyager dans l’espace temps, mais dont les réactions sont totalement imprévisibles et mortelles, du gigantesque robot de la décharge, capable de traiter toutes les informations par les connexions qu’il établit avec son armée de robots et d’humains à son service, du nécromancien doyen de l’université d’Isaac, ou encore du mystérieux Madras, patron absolu de toute la pègre de la Nouvelle-Crobuzon. Malgré les refus, dont l’ambassadeur des enfers, les pertes cuisantes de compagnons amis, les gorgones seront anéanties dans une séquence qui n’est pas sans rappeler celle du second volet de Ghost Busters : Isaac réussit à attirer les gorgones en suscitant leur faim insatiable et les habitants se souviendront longtemps de ce rayon étincelant au sommet de la gare de Perdido Station.
En résumé, une aventure merveilleuse à lire d’un bout à l’autre, une plongée dans un ailleurs unique, à la mesure des grands créateurs.
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The City & the City, une métaphore particulièrement réussie de notre société occidentale, par China Miéville.
- par Sonia Faessel -
L’auteur est anglais, a obtenu de nombreux prix, et il est le digne descendant d’Orwell, de Kafka, pour l’absurde et le pouvoir occulte inaccessible, de la série Noire américaine pour le personnage de détective, caractérisé par sa ténacité à découvrir la vérité dans un monde qui lui échappe.
La non communication est la principale caractéristique de nos sociétés depuis l’arrivée massive des smartphones et des tablettes, il suffit de regarder les gens dans un aéroport, une gare, un bus : ils sont à moins d’un mètre les uns des autres, ne se regardent pas, n’échangent pas un mot, le nez sur leurs appareils. Dans ce cas, poursuivons la logique : deux villes, intimement mélangées, mais totalement séparées. La loi comportementale exige qu’un habitant de Beszel « évise » son voisin d’Ul Qoma et inversement, faute de quoi, il commet le crime de « rupture » et disparaît purement et simplement, happé par cette institution redoutable qui voit tout, contrôle tout, et apparaît immédiatement lorsque le délit est commis. Il faut aussi ne pas sentir (« insentir »), ne pas écouter (inouir) lorsque votre espace de vie est « brutopiquement » situé, entendez par là, lorsque votre voisin d’à côté ou d’en face n’est pas de votre ville. Aucune place pour le sentiment, ce qui compte, c’est la norme, être conforme à ce qui est attendu, et, là encore, comment ne pas reconnaître la toute puissance du conformisme qui règle actuellement nos sociétés ?
Alors qu’Orwell invente Big Brother, Miéville invente la Rupture, une institution secrète, qui n’a de contrôle que sur elle-même, et intervient avec une efficacité effrayante, maintenant les deux populations dans un état d’angoisse permanent. On pense aussi à la Stasi, la police des ex-pays de l’Est, d’autant que le cadre temporel du roman suggère un XXIe siècle proche des idéologies communistes et libérales. Aucune explication n’est donnée quant à la partition des deux villes, l’une moins évoluée que l’autre, résolument tournée vers la modernité, architecturale tout au moins, car, pour ce qui est des technologies actuelles, elles ne semblent pas intéresser l’auteur, qui équipe ses villes de vieux ordinateurs, et d’un « google » hésitant quant au débit. La manipulation, autre caractéristique du monde actuel, est donc reine, et les habitants ont accès aux informations qu’on veut bien laisser filtrer.
Une légende urbaine veut qu’il existe une troisième ville, Orciny, qui vit à l’interstice des deux autres, c’est le sujet sur lequel travaille la jeune américaine assassinée au début du livre, découverte par Tyador Borlu, inspecteur de la Criminelle de Beszel. Son enquête va le mener d’une ville à l’autre, avec toutes les tracasseries que cela implique, et l’opacité finira par se déchirer pour ne révéler qu’un banal trafic d’objets d’art concernant la période pré-clivage des deux villes. C’est parce qu’il éprouve quelque chose, ne serait-ce qu’un sentiment d’injustice, de la compassion pour les victimes, qu’il finit effacé dans la Rupture, recruté de force dans un monde entre les deux villes. Le prix à payer : il devient invisible pour tout le monde, car aucun habitant des deux villes n’a le droit de le voir, encore moins de lui parler, sous peine de rupture.
C’est donc une lente dissolution de l’individu que China Miéville met en scène, de manière magistrale, dans un roman au goût d’étrangeté, mais singulièrement proche de nous, pour peu que l’on se donne la peine de voir les analogies avec notre époque.
Un grand livre, à lire absolument.
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« L’idiot habitait un univers noir et gris que ponctuaient l’éclair blanc de la faim et le coup de fouet de la peur. Ses vieux habits en lambeaux laissaient voir ses tibias en lame de burin et, sous sa veste déchirée, ses côtes qui saillaient comme des doigts. L’idiot était de haute taille, mais plat comme une limande ; dans son visage mort, ses yeux étaient calmes. »
(Les Plus qu’Humains / Theodore Sturgeon)
Du bon space opera classique : La Saga des sept soleils, par Kevin J. Anderson
- par Sonia Faessel -
Anderson est un bon auteur de space opera, il a participé à Star Wars, c’est dire la référence ! Il a aussi coécrit avec le fils de Frank Herbert, Brian, des suites et des préquelles à une autre grande saga de référence, Dune. Deux influences qui ont inspiré cette saga qui compte 7 volumes, comme le titre l’indique, et bon voyage dans les 4500 pages de l’ensemble !
On peut en zapper un ou deux, car il y a un solide résumé de l’histoire au début de chaque volume, mais chaque livre se termine par un cliff hanger, et le lecteur se retrouve captivé. C’est dire que la série se lit tout à fait bien !
Le tour de force d’Anderson consiste à fragmenter le texte en de courts chapitres consacrés chacun à un personnage, et tout se tient, le processus d’identification fonctionne, l’on découvre les différentes cultures, modes de vie et habitats qui sont dans le « bras spiral » de la galaxie. Tout est donc au point pour une bonne série TV, en plusieurs saisons, et gageons que cela se fera peut-être.
Quelles sont les forces en présence ?
- Les humains : onze vaisseaux interstellaires sont partis il y a plus de deux siècles pour conquérir l’espace. Grâce à la rencontre avec les Ildirans, un peuple humanoïde, les humains ont découvert la propulsion interstellaire et ont essaimé des colonies à partir des passagers de leurs vaisseaux. Sur la planète Terre, la Hanse dirige tout, notamment le commerce, comme son nom l’indique, en référence à la Hanse des pays baltiques au Moyen Âge. Le Président, Basil Wenceslas, est le seul à prendre des décisions, et met en place un roi fantoche, symbole important pour les foules, marionnette à sa disposition.
Un vaisseau n’a pas fait souche sur une planète, ses habitants, qui se nomment eux-mêmes les vagabonds, ont décidé de conserver leur indépendance en dispersant leurs habitats sur des planètes, astéroïdes et stations spatiales soigneusement dissimulés à la Hanse, à laquelle ils n’ont pas fait allégeance. Ils se caractérisent par une ingéniosité sans limite, une foi inébranlable en leur capacité à trouver des solutions aux plus graves problèmes, vivent en clans familiaux, et ont réussi à devenir indispensables à tout le monde en devenant des experts dans la collecte de l’etki, le combustible incontournable pour toute propulsion interstellaire.
Une autre planète, Théroc, est couverte d’une gigantesque forêt, capable d’engranger toutes les informations, entretenue soigneusement par les prêtres verts, seuls capables de communiquer avec elle et de transmettre, grâce au surgeon qu’ils transportent avec eux, n’importe quel message de quelque planète que ce soit dans le bras spiral. C’est la seule communication instantanée qui existe.
De même que les vagabonds, les habitants Théroc ne se sont pas soumis à la Hanse, et sont eux aussi indispensables.
- Les Ildirans : tous liés ensemble par les fils du thisme, communication interpersonnelle dirigée par le mage imperator qui accède à la « source de clarté » après le cérémonial de la castration. Chacun des fils de l’imperator est « premier attitré » d’une planète colonisée et il suit les instructions du mage grâce au lien du thisme, particulièrement fort puisqu’il est issu de sa chair. Les remémorants ont pour charge de raconter et d’agrandir la saga des sept soleils, l’histoire du peuple ildiran. Ces sept soleils gravitent autour de la planète Ildira, le palais des prismes est objet de pèlerinage : chacun peut bénéficier de la protection bienveillante du mage imperator, chaque Ildiran rêve d’un exploit digne de figurer dans la saga des sept soleils. Les deux caractéristiques de ce peuple sont qu’ils ne supportent pas l’obscurité, non plus que la solitude. Isolé du thisme n’importe quel Ildiran devient fou.
- Les Klikiss : espèce insectoïde disparue depuis plus de 10 000 ans, dont les robots intelligents et indépendants subsistent. Ils avaient développé une civilisation très avancée, comme en témoignent les ruines klikiss disséminées sur les planètes. Leurs robots les ont exterminés jusqu’au dernier et ils ont bien l’intention de faire de même avec les humains et les Ildirans, considérant que la vie organique est nuisible à la galaxie.
Ces trois forces se décomposent en des personnages, porteurs d’un trait de caractère ou d’une fonction, protagonistes de l’action. Les humains sont bien entendus les plus dangereux car imprévisibles : dès les premières pages, ils déclenchent la guerre galactique en faisant brûler une planète pour essayer une arme klikiss décryptée dans les ruines par une xeno archéologue. Manque de chance, la planète abritait des créatures vivant à l’intérieur et l’empire caché (titre du premier volume) des hydrogues va faire chèrement payer aux humains, mais aussi à ceux qui habitent le bras spiral, leur génocide involontaire. C’est encore les humains qui ressusciteront les Klikiss à partir d’un cadavre intact retrouvé, et ils vont se révéler des ennemis redoutables, invincibles de par leur multitude. Heureusement, les portails dimensionnels des Klikiss sont eux aussi découverts et vont permettre dans un futur proche l’arrêt de la propulsion interstellaire.
De leur côté, les Ildirans ont misé sur des formes hybrides entre eux-mêmes et les humains qu’ils ont récupérés de l’un des vaisseaux monde. Isolés sur une planète perdue, ils constituent un troupeau reproducteur en vue de créer l’hybride idéal capable de communiquer avec les hydrogues, contre lesquels les Ildirans s’étaient battus dix mille ans plus tôt. Pour rester en paix, les Ildirans avaient consenti à réveiller les robots klikiss, alliés des hydrogues.
Les Klikiss, quant à eux, passent leur vie à construire des ruches reproductrices dirigées par un spesec, et mènent entre eux une guerre de destruction totale.
Ces trois espèces vont affronter des êtres élémentaires intelligents et organisés, et c’est là l’originalité de la saga d’Anderson. Au fur et mesure de la lecture, on découvre d’abord les hydrogues, créatures de l’air puisqu’elles vivent dans les géantes gazeuses, puis les fueros, créatures de feu qui vivent dans les soleils, ensuite les wentals, créatures de l’eau qui peuvent essaimer toutes les masses d’eau rencontrées, et enfin les verdani, créatures de la terre, issues des arbres de la forêt monde de Théroc. Face à la puissance de destruction de ces forces élémentaires, les humains et les Ildirans ne sont que spectateurs, immédiatement détruits lorsqu’ils essaient d’affronter l’une d’elle, leur technologie n’étant que fétu de paille, et ils assistent, impuissants à l’éradication de systèmes solaires entiers.
Mais il arrive que l’hybridation soit possible et c’est ce qui permettra de mettre fin à l’affrontement cosmique : un prêtre vert se transforme en arbre et peut invoquer les verdani, vaisseaux arbres capables d’emprisonner les hydrogues, un vagabond qui recueille dans l’espace l’eau d’un wental devient mi-wental mi humain, une petite fille métisse d’un premier attitré ildiran et d’une prêtresse verte s’avère capable de communiquer avec les hydrogues, un Ildiran, frère du mage imperator, se mêle à un fuero et entreprend une guerre meurtrière contre l’imperator qu’il considère comme un usurpateur, enfin, un humain parviendra à s’unir avec les Klikiss tout en conservant son identité.
Tout est donc réuni pour une multiplication des intrigues, tant politiques que militaires, et chaque personnage est un fil de la saga. Le tout est parfaitement clair et passionnant. Seul point faible : l’ensemble ne dépasse pas la soif de pouvoir, incarnée par le Président de la Hanse ou le frère fou du mage imperator. La « Force » n’est pas vraiment là, et c’est un peu dommage, mais la virtuosité de la composition de la saga permet de passer un excellent moment de lecture.
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Dans la série « Histoire de… en bande dessinée » des Humanoïdes Associés (Éditions Critic), voici tout frais débarqué « La Science-Fiction », ou comment raconter l’histoire d’un genre devenu au fil du temps LE genre le plus populaire de notre époque, cela en plus de 200 pages et, subtile originalité, en bande dessinée !
« Il faut avoir une dose inouïe de courage, ou d’inconscience, pour s’attaquer à l’histoire de la science-fiction, plus encore pour présenter cette somme sous la forme d’une bande dessinée, laquelle, art de l’ellipse par excellence, ne privilégie pas l’aspect théorique propre d’ordinaire à ce type d’entreprise », dixit Pierre Bordage dans sa préface du livre événement écrit par Xavier Dollo et dessiné par Djibril Morissette-Phan. Oui, mais justement, c’est là que l’exploit que l’on croyait impossible s’avère une bien belle réussite !
Des livres racontant ou décortiquant la science-fiction à travers ses auteurs, ses titres références et ses genres, il y en a eu. Mais un ouvrage entièrement consacré à son histoire fascinante… je n’en connais point. Désormais la référence sera bel et bien « Histoire de… en bande dessinée : La Science-Fiction », paru en novembre 2020. À travers ses pages se déroule la longue (oui, si on la fait débuter, comme certains le proposent, à partir de l’Antiquité, voire même avant…) et riche histoire de la SF. Ce sont ses plus grands auteurs qui nous servent de guides. Ils s’adressent à nous et discutent entre eux, nous racontent la grande et la petite histoire de notre genre préféré. On y rencontre ainsi au fil des pages Mary Shelley, Hugo Gernsback, H. G. Wells, Jules Verne, Isaac Asimov, Arthur C. Clarke, Theodore Sturgeon, John W. Campbell, Jack Vance, A. E. Van Vogt, Robert A. Heinlein et des dizaines et des dizaines d’autres, et les femmes ne sont pas oubliées, que l’on se rassure.
On pourrait croire que, vu les limites d’une BD pour satisfaire une grande quantité de texte, « Histoire de… en bande dessinée : La Science-Fiction » ne soit qu’un survol du sujet traité dans ses pages. Il n’en est rien. L’ouvrage est bavard et les polices employées suffisamment moyennes pour délivrer le maximum d’informations.
Si la littérature de SF occupe forcément la place qui lui incombe à travers « Histoire de… en bande dessinée : La Science-Fiction », le cinéma, la télévision, les magazines, les BD et tant d’autres sont également présents à l’occasion des fréquentes recommandations de l’auteur, en bas de page. Le livre se découpe aussi en chapitres tels que, par exemple, « Aux origines de la SF : de l’Odyssée à Frankenstein – De l’Antiquité au début du XIXème siècle », « L’avènement des pulps : États-Unis, de la fin du XIXème siècle à la crise de 1929″, « La SF française et le merveilleux scientifique : France, fin du XIXème siècle et première moitié du XXème siècle »…
Présentée d’une manière originale et de façon très complète, cette histoire de la Science-Fiction racontée en bande dessinée surprend agréablement par sa richesse et s’impose d’office comme l’ultime ouvrage à s’offrir (ou offrir !) si l’on est un passionné de SF ou, tout simplement, si l’on souhaite découvrir ce genre incontournable aujourd’hui.
- Morbius – (morbius501@gmail.com)
La quatrième de couverture :
« Aujourd’hui, la science-fiction est présente partout, plus seulement en littérature, mais aussi au cinéma, dans les jeux vidéo et même dans la vie quotidienne.
Qui a inventé le mot « science-fiction » ? Et le mot « robot » ? Qui sont les grands auteurs du genre ? Quels livres indispensables faut-il avoir lus ?
Un spécialiste répond à toutes ces questions dans ce livre de référence, raconté en bande dessinée. Tout apprenti lecteur pourra désormais s’y retrouver dans la jungle des créateurs visionnaires qui, d’Asimov à Zelazny, ont compté dans l’histoire de la science-fiction. »
Et pour en savoir plus avec vidéos à l’appui, cliquez ICI.
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Nora K. Jemisin : Les Livres de la Terre fracturée (trilogie)
Broken Earth, 2016/17/18
L’auteur : afro-américaine, 57 ans, formation universitaire en Lettres et psychologie, récompensée du prix Locus pour le premier volume de sa première trilogie, les Cent mille Royaumes (2011).
Pour sa seconde trilogie de la Terre fracturée, elle obtient le prix Hugo pour chacun des volumes, ce qui est tout à fait exceptionnel.
Le genre : Science Fiction - Monde post apocalyptique
Thèmes : écologie, Terre vivante, féminisme, rejet de la différence
Sujet : le parcours d’une femme et de sa fille qui découvrent leur différence et leur terrible pouvoir dans un futur lointain et dans un monde réduit à un seul continent soumis à de constantes transformations, toutes aussi cataclysmiques les unes que les autres.
Écriture : c’est dans doute la véritable originalité de cette trilogie, intitulée fort justement en français « les Livres de la Terre fracturée », car il s’agit en effet d’une narration faite par un personnage pluri millénaire, Hoa, seul capable de faire le lien entre les personnages et les événements, de par la vision globale que son grand âge lui permet.
Les adresses au lecteur fusionnent avec le narrateur et l’auteur joue sur le dialogisme, ce qui n’est pas habituel dans les récits de science fiction.
Synopsis :
Trois groupes humains ont survécu à la première « fin du monde » : les comm’ humaines, plus ou moins prospères, regroupées en villes fortifiées ou éparpillées en villages ; les orogènes, dont les gardiens et le fulcrum canalisent le pouvoir, car ils peuvent communiquer avec la géologie de la planète et provoquer des éruptions volcaniques terribles. Leur pouvoir se révèle lorsqu’ils sont en proie à une violente émotion et détruisent sans le vouloir toute vie autour d’eux en déployant un tore qui congèle instantanément humains, animaux et plantes. Ils sont donc honnis, traqués, tués dès leur jeune âge, sauf quand ils sont pris en charge par les gardiens impériaux et strictement contrôlés.
L’histoire d’une enfant orogène est alors racontée dans le premier livre, La Cinquième Saison, dans une chronologie inversée : de la femme mariée Essun, qui découvre son fils de trois ans assassiné par son mari, en fuite avec sa fille Nessun, on découvre l’enfant qu’elle a été, enlevée par son gardien Schaffa au fulcrum où elle subit la terrible discipline destinée à la contrôler, puis la femme puissante consciente de l’injustice et décidée à se venger.
Le troisième groupe est celui, mystérieux, des mangeurs de pierre, dont le narrateur fait partie. Ils sont les descendants d’une race disparue, les Niess, exploitées jusqu’à extinction pour leur pouvoir. Ils communiquent avec la planète et sont capables de se déplacer à l’intérieur de la Terre. Le prix à payer est une minéralisation de leur corps, leur nourriture : un orogène puissant qu’ils consument dès que ce dernier utilise la connexion avec les « obélisques », système énergétique très complexe mis en place par une civilisation disparue.
L’histoire est un trajet et une réflexion sur le pouvoir, la conquête de la liberté, une tentative de rédemption pour rétablir un équilibre.
La métaphore de la planète éclatée reflète les préoccupations actuelles : les perturbations à venir dues au mépris de l’environnement deviennent la figure du Père Terre cruel qui a fait éclater tous les continents (la saison de l’éclatement) ; les orogènes et les Niess sont victimes de la persécution due à la différence, quand bien même ils sont capables de contenir les tremblements de terre et les éruptions volcaniques ; l’égoïsme absolu des ancêtres a provoqué la destruction de la planète et de l’humanité, réduite à la survie.
Rien de vraiment original dans tout cela, mais l’ensemble est servi par un imaginaire très riche et qui donne à visualiser des séquences dignes des effets spéciaux les plus sophistiqués, et par une analyse psychologique très fine entre les personnages.
Quant à mériter à chaque roman le prix Hugo…
- Sonia Faessel -
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