« C’était son obsession, ce qui motivait toute son existence. La cruauté et la tyrannie envers ceux qui ne pouvaient se défendre embrasait son âme d’une colère noire, aussi féroce que tenace. Lorsque la flamme de sa fureur avait été attisée et qu’elle touchait à son paroxysme, il n’avait de cesse que sa vengeance soit consumée. Quand il lui arrivait de s’interroger sur sa conduite, il se disait qu’il accomplissait le jugement de Dieu, qu’il était un instrument du courroux divin, châtiant les êtres impurs. »
(Solomon Kane / Robert E. Howard)
La trilogie de Liu Cixin : attention, chef d’œuvre !
Par Sonia FAESSEL
Écrite entre 2008 et 2010, traduite chez Actes Sud entre 2016 et 2018, la trilogie de Liu Cixin place d’emblée cet auteur chinois chez les grands de la SF.
Pour preuve, il est le premier Chinois à avoir reçu le prix Hugo en 2015 pour Le Problème à trois corps, premier volet de la trilogie, et le troisième tome : La Mort immortelle obtient le prix Locus du meilleur roman de science fiction en 2017.
On ne parvient pas à obtenir beaucoup d’informations sur cet auteur : il est né en 1963, il a fait des études à l’université dans le domaine de l’ingénierie (eau et électricité). Comme il n’est pas dissident, ou du moins non perçu comme tel puisqu’il est très populaire en Chine, difficile de savoir comment il est arrivé à la SF. Il sera intéressant de découvrir son roman cyberpunk, Chine 2185, disponible en chinois uniquement pour l’instant, qui avait été publié à la veille des événements de Tian’anmen (1989).
Le sujet de la trilogie est classique : l’humanité est confrontée à une menace extraterrestre, l’espace s’élargit jusqu’à devenir cosmique, la dimension temporelle s’étend de la Révolution Culturelle chinoise à + 18 milliards d’années, fin de notre univers et naissance d’un nouveau.
C’est dans le traitement du space opera que réside l’originalité. L’humain reste au centre de l’histoire, et n’est pas dépendant de la technologie, ce sont les réactions successives de l’humanité à la menace qui structurent la trilogie.
Dans Le Problème à trois corps, sont évoquées les aberrations de la Révolution culturelle, admises à présent en Chine, moins par esprit critique que pour présenter un personnage qui déclenchera la menace : Ye Wenjie, la fille d’un scientifique universitaire, déchu publiquement par son épouse et ses anciens étudiants. Enfermée dans une mystérieuse station militaire, elle va découvrir le système des Trisolariens et répondre à leur message en utilisant le soleil comme amplificateur d’ondes magnétiques. Son choix est déterminant, malgré l’avertissement lancé : « ne répondez pas ».
Si Lui Ji a l’impression d’être dans un jeu virtuel particulièrement sophistiqué, qui décrit le monde trisolarien, exotique à souhait, avec ses trois soleils tournant de manière aléatoire autour d’une planète habitée par des humanoïdes capables de se déshydrater et de se stocker lorsque le climat devient, en quelques jours, soit totalement glacial, soit plus brûlant que celui de Mercure, il comprend que ce monde virtuel ne l’est pas et qu’il décrit une civilisation extraterrestre. C’est la manière que les Trisolariens ont choisie pour communiquer avec l’Organisation Terre- Trisolaris (OTT), un groupe humain bien convaincu que l’humanité ne vaut pas la peine d’être sauvée et mené par Ye Wenjie. Avertis que les Trisolariens vont commencer leur voyage à destination de la Terre et ont choisi de détruire l’humanité, non par choix belliqueux, mais parce qu’ils ont déduit de la nature même de l’homme que toute idée de cohabitation serait impossible, les membres de l’OTT mènent des actions destructives pour affaiblir l’humanité. Les scientifiques du monde entier se suicident, les installations de communication sont détruites, et c’est un homme tout à fait ordinaire, Lui Ji, qui parvient à détruire le bastion de l’OTT, soit un navire de guerre transformé en forteresse.
A la fin de ce premier volume, les Trisolariens font parvenir un dernier message aux Terriens, avant de couper tout contact : « Vous êtes de la vermine ». Ce à quoi, Chi Qiang, autre personnage important de la trilogie, commissaire peu conformiste, particulièrement inventif, d’une intuition redoutable, et ami de Liu Ji, répond en montrant un champ de locustes : « Les Trisolariens semblent avoir oublié quelque chose : personne n’a jamais triomphé de la vermine ». Malgré cette note optimiste, les Terriens ont tout de même de quoi désespérer : les Trisolariens ont enveloppé la Terre d’intellectrons, créés à partir des dimensions quantiques. Ils ont pour mission de bloquer toutes les avancées humaines dans le domaine des sciences fondamentales. Les Trisolariens se sont en effet rendus compte de l’incroyable avancée technologique de la civilisation humaine, en à peine deux siècles, et, comme ils mettront plus de quatre siècles avant d’arriver sur Terre, leurs vaisseaux ne maîtrisant pas la vitesse subluminique, ils ont trouvé ce moyen pour leur assurer une supériorité définitive.
Dans le deuxième volume, La Forêt sombre, l’humanité doit réagir face à sa fin inéluctable dans quatre siècles. Son histoire évolue en ères successives, celle de la crise, celle du Grand Ravin, épisode particulièrement catastrophique marqué par le désespoir, pour finir par l’ère de la dissuasion. Comme dans le précédent volume, les décisions sont prises en commun, par des comités, commissions et spécialistes, et des plans sont élaborés. On reconnaît la gouvernance collectiviste de la Chine, et, même si l’ONU est évoquée plusieurs fois, les espaces et les interventions des autres pays sont très peu présents, l’essentiel se passe dans l’espace chinois. Pour lutter contre les Trisolariens, deux idées sont retenues : la fabrication intensive de vaisseaux et d’armes capables de détruire la flotte trisolarienne, et les « colmateurs », au nombre de quatre, choisis par l’ONU. Le colmateur représente le génie humain opaque aux Trisolariens, fondamentalement transparents et incapables de mensonges parce que motivés uniquement par la survie dans leur monde, puisqu’à chacun des bouleversements engendrés par leurs trois soleils, leur civilisation s’éteint, en attendant la prochaine période favorable. La dissimulation et le calcul stratégique leur sont étrangers et c’est sur cet avantage que la civilisation humaine compte pour obtenir la victoire. Comme les intellectrons espionnent tout et rapportent les faits, gestes et paroles des humains à leurs maîtres, le colmateur ne doit pas révéler son projet, mais le mettre à exécution. L’OTT riposte en adjugeant à chaque colmateur un « fissureur », dont la mission consiste à trouver et dévoiler le plan imaginé par le colmateur. Sur les quatre choisis, seul Liu Ji, choisi contre son gré et à son grand étonnement, réussira. Les Trisolariens ont compris son importance puisqu’à peine est-il sorti de la cérémonie d’intronisation de sa nouvelle fonction à l’ONU, qu’ils essaient de le tuer, par l’intermédiaire de leurs serviteurs de l’OTT. À la fin du volume, il ouvre l’ère de la dissuasion en menaçant de produire une onde suffisamment puissante pour donner à l’univers les coordonnées du monde trisolarien. Il a en effet compris, et les Trisolariens le savaient aussi, que l’univers est peuplé de millions de civilisations intelligentes, et non pas vide comme on le croit. Il est une « forêt sombre » : derrière chaque arbre se cache un chasseur, prêt à détruire toute concurrence, surtout quand le monde observé est jugé comme une menace, c’est à dire quand il a accédé à l’explosion technologique, ce qui est le cas pour l’humanité. La chaine de suspicion est l’arme fatale qui entraine l’agression et la destruction ; on ne peut jamais savoir si l’autre est sincère puisqu’il y aura toujours suspicion de mensonge. Révéler la position du système trisolarien entraine celle du système solaire tout proche, et conséquemment la disparition à plus ou moins longue échéance des deux mondes, mais c’est un risque à prendre. Les Trisolariens renoncent à la conquête de la Terre et changent de trajectoire. Ils libèrent aussi la Terre des intellectrons, et Lui Ji devient le sauveur de l’humanité.
C’est donc un happy end, malgré la tragédie de la perte totale de la flotte interstellaire, détruite par une « sonde » trisolarienne, en fait une arme redoutable, produite par une technologie que l’humanité ne pourra jamais atteindre. L’histoire aurait pu s’arrêter à ce diptyque, mais elle se poursuit à un niveau cosmologique dans le troisième volume : La Mort immortelle. Il s’agit des chroniques du hors–temps, écrites par Cheng Xin, survivante de l’humanité à plus de 18 milliards d’années de distance. Choisie par l’ONU pour remplacer Lui Ji au poste de « porte épée », soit l’arme de dissuasion (la menace de l’envoi des coordonnées du système trisolarien dans l’univers par une onde gravitationnelle), elle ne l’utilise pas lorsque les Trisolariens attaquent la Terre, et c’est la fin de l’ère de la dissuasion. On apprend qu’elle a été manipulée par les intellectrons, incarnés par l’androïde intellectra : à peine l’inflexible Jiu Ji est-il remplacé que les Trisolariens, qui ont fait des progrès en plus de trois siècles d’observations des sociétés humaines, ont utilisé la faiblesse humaine, en l’occurrence, la compassion et l’amour de ses semblables, qui empêchent la jeune Cheng Xin de dévoiler les coordonnées à l’univers. L’ère de la post dissuasion commence : l’humanité est rassemblée en Australie, seule « réserve » autorisée, et les réfugiés sont conviés au cannibalisme pour pallier les problèmes de nourriture à venir. C’est l’alternative que les Trisolariens ont proposée au lieu de l’éradication totale. Mais c’est compter sans les deux vaisseaux qui avaient fui lors de l’ultime bataille, voyant bien qu’aucune échappatoire n’était possible lors de la destruction de la flotte ; le Gravité, muni du système d’émission d’ondes gravitationnelles, envoie les coordonnées des deux systèmes, et celui de Trisolaris ne tarde pas à être détruit. Les Trisolariens reprennent leur voyage interstellaire et la Terre attend son éradication prochaine. Plusieurs plans s’élaborent : le plan escalier, qui consiste à envoyer un cerveau humain dans l’espace pour rencontrer le futur ennemi, , la construction de vaisseaux subluminiques, les cités bunker dans l’espace, à l’abri dans l’ombre de Jupiter, et capables de se déplacer pour échapper à la destruction du système solaire. C’est ce dernier qui prévaut, et Jupiter abrite bientôt plus de cinquante cités bunker, soit la quasi totalité de l’humanité. Seuls cinq millions d’humains restent sur leur planète mère, attendant la destruction avec fatalisme, dans un paradis de verdure où la nature a repris ses droits, puisque la civilisation est partie dans l’espace. Du bras gauche de la constellation Orion, arrive l’arme fatale, sous la forme d’un « post-it », une feuille minuscule qui avale l’espace tridimensionnel pour le transformer en une titanesque peinture bidimensionnelle. C’est la fin de l’univers entier, en attendant la naissance du nouveau, dans lequel les onze dimensions seront à nouveau présentes, et seuls un couple d’humains réfugiés dans une « bulle univers » pourront le contempler. Nous sommes dans le hors temps, à plus de dix huit milliards d’années, l’itinéraire de la civilisation humaine est accompli, car « l’ultime métamorphose de toute civilisation intelligente consiste à devenir aussi grande que ses pensées ».
On peut en effet voir la trilogie de Liu Cixin comme une histoire de l’humanité, certes centrée sur la Chine à laquelle elle appartient, mais aussi sur l’espace et l’univers. Pas d’évolution géologique, pas de suprématie divine, mais des étapes déterminées par des comportements, fondés sur les réactions des hommes face à ce qui menace leurs existences. L’imaginaire visualise des séquences hallucinantes : le cuirassé coupé en deux par le poignard épée de Liu Ji, un filament issu de la nanotechnologie plus fin qu’un cheveu et plus solide que n’importe quel métal ; la description de l’entrée de l’équipage de l’Espace Bleu dans une poche de la quatrième dimension ; la destruction de la flotte interstellaire par la gouttelette envoyée par les Trisolariens ; l’effondrement des planètes dans la deuxième dimension. Aux périodes d’espoir, voire d’arrogance, lorsque la solution semble trouvée, succèdent des décennies de désespoir : les héros d’autrefois sont honnis parce qu’on les accuse de ne pas avoir pris les bonnes décisions, des scènes de paniques effroyables tuent des milliers de gens, lorsque l’alerte planétaire est déclenchée par erreur. L’on découvre les progrès technologiques et les décors des civilisations successives par bonds dans le temps, lorsque les personnages principaux se réveillent de leur mise en hibernation plusieurs décennies ou siècles plus tard. C’est ainsi que Cheng Xin sera réveillée pour sa dernière mission avant la fin de l’univers, et retrouvera sur Pluton Liu Ji, âgé de plus de deux siècles.
C’est surtout une histoire de l’esprit humain et de la force des émotions que Liu Cixin incarne à travers des personnages clés : Ye Wenjie, la scientifique fondatrice de l’OTT, Liu Ji, enfermé dans son bunker pendant plus de cinquante ans pour tenir tête aux Trisolariens par sa fonction de « porte-épée », le colmateur Wade, inflexible et dont toute la vie se résume à « en avant, en avant », la jeune Cheng Xin, auteur des chroniques hors-temps du troisième volume. Tous incarnent une valeur forte, endurance, abnégation, ténacité, et tous ont un sens aigu du devoir, en partie celui de suivre les ordres de leurs supérieurs, mais davantage celui envers l’humanité. Des émotions comme la peur et le désespoir rythment le récit, mais l’amour, la compassion et la capacité d’émerveillement sont seuls capables de tirer un homme hors de soi pour le faire passer dans une autre dimension, celle de la compréhension de ses semblables et de l’univers. C’est ainsi que Liu Ji se voit révéler le concept de « forêt sombre » de l’univers par la compagne imaginaire qu’il se créé lorsqu’il devient colmateur et choisit de se retirer dans un endroit idyllique et hors de tout contact, elle est et sera toujours son seul amour ; de même, Yun Tianming, amoureux en secret de Cheng Xin, accepte que son cerveau soit envoyé dans l’espace et offre, avant de partir, une étoile à celle qu’il aime. Les deux se retrouveront sur cette étoile et c’est encore Yun Tianming qui offre à Cheng Xin, l’univers 647 dans lequel elle peut encore vivre après que tout soit détruit. Amour et compassion ne font pas bon ménage avec la logique et sont responsables de la destruction de l’humanité : c’est parce que Cheng Xin n’a pas su actionner le bouton qui donnait les coordonnées du système trisolarien que le grand exil australien a eu lieu, c’est encore parce qu’elle a interdit à Wade de continuer son programme de vaisseaux subluminques, dont le prix à payer était la destruction d’une cité bunker et de tous ses habitants, que toute échappatoire est interdite lorsque l’arme ultime lancée par les « chasseurs » d’Orion apparaît dans le système solaire. Mais c’est un destin que les Trisolariens ont fini par envier à l’humanité, eux qui ont dû renoncer à toute émotion au nom de la survie, et dont les rares survivants sont condamnés à errer sans but jusqu’à la fin de l’univers.
Au final, une trilogie d’une grande intensité, qui mélange avec une habileté remarquable la culture occidentale et chinoise, et utilise avec virtuosité les grands thèmes de la science fiction pour en faire une œuvre d’une tonalité unique et profondément originale.
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« J’eus tout d’abord l’impression de quelque gauche quadrupède qui aurait la tête baissée. Puis je m’aperçus que c’était le corps frêle et étroit, les jambes bancales, courtes et extrêmement déliées d’un Sélénite, avec sa tête affaissée entre les épaules. Il n’avait pas l’espèce de casque et de vêtement qui couvraient ceux du dehors. Il était pour nous une forme noire et morne, mais instinctivement notre imagination dotait d’une physionomie ces formes très humaines ; et pour moi, du moins, je conclus immédiatement qu’il était un peu bossu avec un front élevé et de longs traits. »
(Les Premiers Hommes dans la Lune / H.G. Wells)
Les baroudeurs de l’espace
Dans Deathworld de Harry Harrison, et Dragon déchu de Peter F. Hamilton
Par Sonia Faessel
Deux solitaires, deux aventuriers : Jason, joueur exceptionnel grâce à ses pouvoirs psy, Lawrence Newton (au nom prédestiné s’il en fut : comment ne pas se balader d’une planète à l’autre quand on porte le nom du découvreur de la gravité universelle ?), gosse de riche qui fuit sa planète et le destin d’homme de pouvoir que lui a manigancé son père.
Dans les deux livres, les héros apprennent à prendre leur destin en main : enrôlé de force par les colons de la planète Pyrrus, Jason transformera un enfer en un foyer pour lui et sa « tribu », Lawrence, mercenaire à la solde d’une grande compagnie, finira par retrouver sa planète natale, enrichi de la rencontre dont il avait toujours rêvé, celle d’un extraterrestre.
Harry Harrison est l’auteur de Soleil vert, que nous connaissons par le film de Richard Fleischer (1973) et les inoubliables Charlton Heston et Edward G. Robinson, et l’on sait donc que cet auteur s’intéresse tout particulièrement aux interactions entre l’environnement et les comportements humains. C’est en partie le sujet de Deathworld, puisque Jason passe d’un environnement hostile à un autre, de charybde en scylla : d’abord invité forcé sur la planète Pyrrus, dont la totalité de la faune et de la flore sont de redoutables armes mortelles pour les colons, il se retrouve esclave sur la planète Appsala, avant d’être confronté sur Cassylia à des hordes de guerriers redoutables. Sur chacune de ses planètes désolées, aux paysages lunaires, les hommes se sont organisés pour survivre : les colons de Pyrrus sont armés avec tout ce que la technologie des mondes colonisés peut apporter, et ne vivent que pour la guerre sans merci qu’ils livrent aux bêtes et aux plantes monstrueusement agressives ; les tribus d’Appsala sont organisées en fonction des richesses qu’elles gardent jalousement, et selon une hiérarchie qui maintient la population à l’ère du néolithique, les guerriers de Cassylia passent leur temps à se combattre, à la manière des seigneurs de l’époque féodale. Jason est celui qui trouve les solutions, en partie grâce à ses facultés psychiques, mais surtout de par son statut d’étranger venu de la Terre et d’une bonne dose de cynisme et d’habilité politique. Le tout est agrémenté d’un exotisme cosmique et l’imaginaire est digne du virtuel le plus débridé, les batailles sont épiques, les héros sont attachants, en bref, une lecture extrêmement agréable.
Dans Dragon déchu (Fallen Dragon, 2001), Peter F. Hamilton construit les prémisses de son cycle du Commonwealth qu’il écrira 8 ans plus tard. La longévité humaine est améliorée par les techniques de clonage et de rajeunissement, et le sujet du livre est la résistance à l’exploitation. La Zantui-Braun Company possède la totalité des entreprises de la Terre, investit des capitaux pour équiper les planètes colonisées, apportant toute la technologie nécessaire à la civilisation, mais en contrepartie, elle revient récupérer les dividendes, soit les richesses exploitées par les colons. L’opération s’apparente à de la piraterie, car il est bien évident que les mercenaires de la Z-B en sont jamais les bienvenus. Quand le groupe mené par Lawrence Newton débarque sur Thallspring, il se heurte à une résistance particulièrement efficace. Le ‘roadmovie ‘ planétaire de Lawrence va le mener à une remise en question qui lui permettra de rencontrer le ‘dragon déchu ‘, fragment d’entités extraterrestre, qui a partagé sa technologie avec ceux qui l’ont protégé. Lawrence ira à leur rencontre pour restituer le fragment aux entités, et découvrira que le partage des informations est leur seule raison d’être, soit l’idée qu’Hamilton développe dans le Commonwealth. Le trajet est le fil conducteur du livre : aussi bien physique, que mental, puisque le personnage central est à la recherche de l’Autre mais aussi de lui-même. Suspense, manipulations, scènes de sabotage, espionnage, poursuites et combats dans les sites les plus improbables rendent la lecture captivante.
Au final, deux excellents livres !
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René Barjavel a déclaré à propos de H.P. Lovecraft :
« Je n’aime pas Lovecraft. Pour moi, c’est du faux fantastique, fabriqué avec beaucoup de vocabulaire ; c’est toujours la même chose ; c’est très nébuleux, informe. »
Paru en octobre 2019 chez Mana Books, « James Cameron : Histoire de la Science-Fiction » est le livre tiré de la série documentaire inédite en France et produite par AMC.
Il s’agit de la transcription écrite, sur plus de 220 pages, d’une série d’entretiens passionnants dirigés par le réalisateur James Cameron en compagnie de cinéastes tels que George Lucas, Steven Spielberg, Ridley Scott, Christopher Nolan et Guillermo del Toro, mais aussi Arnold Schwarzenegger. Chacun nous confie sa vision de la science-fiction, son approche à travers le cinéma, sans oublier ses origines littéraires très fréquemment abordées avec de très nombreuses références. James Cameron intervient également, non seulement en tant que maître de cérémonie mais aussi en tant que grand passionné du genre et fin connaisseur. On y évoque aussi les possibilités de vie dans l’univers et on y effleure prudemment l’ufologie…
Des dossiers thématiques très complets et richement illustrés accompagnent l’ouvrage. Ainsi « Vies extraterrestres », « Dans l’espace lointain », « Les monstres », « Dystopie » et « Machines intelligentes ».
On est souvent agréablement surpris par l’érudition des intervenants, qui ne prennent pas le moins du monde la science-fiction pour de la rigolade. Leurs réflexions sur le genre sont pertinentes à souhait, notamment celles de Cameron, et nous révèlent bien des facettes de leur personnalité et de leur vision du genre SF, les deux étant souvent liés.
Quatrième de couverture :
« Tirés de la série documentaire produite par AMC, ces six entretiens menés personnellement par James Cameron font témoigner Guillermo del Toro, George Lucas, Christopher Nolan, Arnold Schwarzenegger, Ridley Scott et Steven Spielberg sur leur vision du genre, sur son impact et son évolution. Ces cinéastes primés nous entraînent dans des discussions fascinantes autour des extraterrestres, des voyages temporels, des intelligences artificielles ou encore des épopées spatiales.
Richement illustré, notamment par des archives personnelles et inédites de James Cameron, ce livre offre une analyse poussée sur un genre qui continue à poser des questions, à explorer notre univers et à réjouir les spectateurs du monde entier. »
- Morbius – (morbius501@gmail.com)
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Plongée dans le merveilleux scientifique avec Stephen Baxter
Par Sonia Faessel
Le merveilleux scientifique, c’est Jules Verne qui l’a inventé dans ses Voyages Extraordinaires, conseillé, il est vrai par son ami et éditeur Jules Hetzel
On se rappelle tous des descriptions des fonds sous-marins de Vingt mille lieues sous les mers, ou encore des couches géologiques successives de la descente du Voyage au centre de la Terre : Jules Verne mettait en prose poétique les connaissances scientifiques de son époque et obtenait un effet de dépaysement et d’exotisme maximum, alors qu’il décrivait notre planète.
Imaginez à présent le même effet, mais dans le cosmos, dont les images nous émerveillent : nébuleuses, super novae, naines rouges, étoiles blanches, trous noirs. Stephen Baxter nous plonge au cœur de ces phénomènes dans son cycle des Xeelees, partiellement traduit et publié en 4 volumes par les éditions du Bélial. Il fallait au minimum une formation de mathématiques à l’université de Cambridge et une pré sélection au poste d’astronaute sur la station Mir, pour que cet Anglais de Liverpool puisse faire partager au lecteur les connaissances phénoménales que nous avons aujourd’hui de l’univers.
Les Xeelees sont les maîtres de notre univers, dont ils connaissent la très proche extinction, soit, dans cinq millions d’années. Baxter travaille donc sur une grande échelle de temps : le premier volume , Gravité, se situe vers 100 000, dans « l’ère pour la guerre pour la fin des guerres » ; le second, Singularité, décrit des événements qui ont lieu pendant l’occupation Qax, vers 5 000 ; le troisième, Flux, est lui aussi dans « l’ère de la guerre pour la fin des guerres », mais 100 000 ans après Singularité, le dernier, Accrétion, décrit la fin du soleil et de notre univers dans cinq millions d’années. Les humains ont disparu de la galaxie, les seuls survivants sont sur une Terre temporellement déportée.
Dans chaque livre, recueil de nouvelles, œuvre énorme qui a commencé en 1987 et dont une grande partie reste encore à traduire, l’homme est confronté à un problème d’ordre cosmique. Dans Gravité, il doit faire face à l’effondrement de la nébuleuse qu’il habite ; dans Singularité, il voyage dans le futur pour combattre l’invasion Qax, dans Flux, réduit à une taille microscopique, il doit faire face aux instabilités d’une mer quantique dans une étoile à photons, dans Accrétion, il doit trouver un moyen de s’échapper de l’univers en agonie, vide de toute vie. C’est dire l’ampleur des défis, relevés grâce à l’ingéniosité (la fabrication d’un vaisseau de fortune dans Gravité), ou à une technologie améliorée au fil des conquêtes, ou volée aux Xeelees : vaisseaux subluminiques, trous de vers qui permettent de voyager aussi bien dans l’espace que dans le temps, maintenus ouverts par la matière exotique découverte par Michael Poole, armes capables de briser une étoile, rien n’est impossible. L’intelligence et la technologie semblent triompher de la nature, ce qui est bien la marque de l’homo sapiens.
Et pourtant, des forces sombres sont à l’œuvre, nées de l’univers lui-même, comme nous l’apprend le dernier volume : la matière noire, qui compose plus de 90% de l’univers, mange la matière baryonique, celle des étoiles et des planètes. Les Xeelees l’ont su, sont remontés dans le passé pour modifier leur évolution, de manière à pouvoir construire un anneau, porte qui s’ouvre sur un autre univers. Ainsi, l’IA envoyée dans le Soleil assistera-t-elle, impuissante, à la mort de l’étoile rongée par les oiseaux photinos de matière noire.
Sur le plan humain, les forces sombres sont à l’œuvre elles aussi, issues de la nature humaine elle-même, ce que montre la déliquescence sociale du vaisseau envoyé dans le futur, à cinq millions d’années. Le voyage dure mille ans, et les vieux réflexes tribaux, le fanatisme et la soif du pouvoir ont détruit la société du départ. La sagesse acquise au cours de plusieurs siècles d’existence prolongée par les sessions d’arrêt de la sénescence, a bien du mal à s’imposer, et les intelligences artificielles, transformées en énergie quantique, sont plus utiles à la survie de l’espère humaine que l’homme lui-même.
Finalement, changer la nature a ses limites. Baxter ne pense pas comme Jules Verne, que la Providence est seule juge et punit l’orgueil des hommes par des catastrophes (c’est le cas dans deux tiers de ses romans). Rien de divin dans son cycle des Xeelees, si ce n’est une race infiniment supérieure et mystérieuse, dont les noircroiseurs sont capables de parcourir plusieurs millions d’années lumière par heure, en utilisant l’énergie de l’univers. Confronté aux forces titanesques du cosmos, l’homme est infiniment peu de choses : il est pourtant grand par sa ténacité, son incroyable volonté de survie, mais si petit et mesquin lorsqu’il cède aux vertiges de la puissance.
Au final, de la grande et belle SF, comme on l’aime : des aventures galactiques qui pourront combler les astrophysiciens par leur côté hard science, et les lecteurs néophytes par un imaginaire qu’on voit rarement : qu’il s’agissent des vaisseaux arbres de Gravité, des vaisseaux vivants des Qax dans Singularité, du monde enfermé dans l’étoile à photon de Flux, de la perception subjective de la mort du soleil par l’IA et des noircroiseurs d’Accrétion, pour ne prendre que quelques exemples.
Les quatre volumes forment un tout parfaitement cohérent, avec des anticipations sur la suite et des rappels des événements et personnages des volumes précédents, et, si Baxter n’a pas réussi à être un astronaute, le lecteur l’est, au fil des deux milles pages de son cycle, dans un voyage extraordinaire parmi les étoiles et les nébuleuses.
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« Le souvenir que j’en ai, c’est que les sorceleurs enlèvent des enfants tout petits, qu’ils nourrissent ensuite d’herbes magiques. Ceux qui survivent deviennent à leur tour sorceleurs, des sorciers aux pouvoirs extraordinaires. On les forme à tuer, on en extirpe tous les sentiments et tous les réflexes humains. On en fait des monstres destinés à tuer d’autres monstres. J’ai entendu dire qu’il était grand temps de commencer à faire la chasse aux sorceleurs parce qu’il y a de moins en moins de monstres, et qu’eux sont de plus en plus nombreux. »
(Sorceleur 1 – Le Dernier Vœu / Andrzej Sapkowski)