S’il vous est déjà arrivé de tourner curieusement les pages du « Livre des Morts des Anciens Égyptiens », vous avez sûrement parcouru une suite de textes retranscrits de hiéroglyphes très anciens et gravés sur les tombeaux de monarques de l’Égypte Antique. Ces textes gravés sur la pierre des tombeaux, accompagnant une décoration minutieuse et organisée, jusqu’au sarcophage. Pensez aux baumes sacrés et parfumés avec lesquels les morts étaient enduits avant d’être bandés de la tête aux pieds puis placés dans un sarcophage orné de garnitures de grandes valeurs, les offrandes aux dieux placées ça et là, le tout, rituellement et minutieusement organisé pour un long voyage spirituel et initiatique du défunt vers le cheminement cosmogonique dans l’Ancienne Égypte polythéiste. À partir d’ici, il vous faudra vous remémorer vos lectures de collégiens sur Isis, Osiris et Compagnie, sinon vous risquez d’en perdre un épisode…
Et maintenant, imaginez des archéologues européens ou américains, bien des millénaires plus tard, débarquant sur la terre ancestrale avec leurs grosses bottes en caoutchouc achetées très bon marché chez Tati. Les voici, brisant inconsciemment de leur scepticisme scientifique bien que méthodique, cet infini déplacement mortuaire et spirituel vers les confins du Nil. Les voilà encore, qui pénètrent bruyamment le tombeau en question, euphoriques, avec leurs exclamations de joie victorieuse devant la découverte de taille. Puis les Profanes vont jusqu’à ouvrir le couvercle du sarcophage (généralement, il s’agit plus précisément du nigaud cupide du groupe qui a cette idée, et du coup, ça déculpabilise un peu le spectateur). Et ils réveillent enfin le dormeur éternel…
Et là, franchement, ça ne peut pas se passer comme ça… Alors, roulement de tambour…La musique démarre doucement avec de faux airs tragiques… On tamise légèrement l’éclairage…Le spectateur hésite entre l’un de ses deux fessiers pour se choisir un appui… Car il sait déjà, malgré la tranquillité de son petit salon ou de la salle de projection, il sait déjà que le film ne va pas se dérouler sans embûches. Et que lui aussi, il est un peu, malgré lui, ce Civilisé, un peu ignorant, que la Mémoire du Passé va pointer de son doigt inquisiteur et recouvert de vieux bandages pharmaceutiques poussiéreux et dégueulasses, pour lui dire : « Maintenant que tu m’as réveillé, ça va être ta fête ! ». Et ainsi commence le célèbre mythe cinématographique de la Momie.
Outre les apparitions éparses de momies dans les vieilles bandes de Georges Méliès ou de ses contemporains, c’est la Universal Pictures qui ressuscita de la manière la plus spectaculaire, ladite momie en 1932 sous les traits de Boris Karloff, un comédien de talent que son interprétation grimée de la créature de Frankenstein ne laissait pas encore entrevoir une once de qualité d’acteur. Et qui mieux que Karl Freund, l’ancien chef opérateur attitré du mouvement cinématographique et graphique de l’Expressionnisme allemand, alors en exil aux États-Unis, pouvait retranscrire un tel univers ancestral ombrageux anéanti par la profanation ?
La Momie vengeresse éprouva une belle et longue histoire d’amour avec le cinéma, à travers les années. Et ceci, autant en Angleterre, sous les traits de Christopher Lee (LA MALÉDICTION DES PHARAONS, 1959) ou de la pulpeuse Valérie Leon (BLOOD FROM THE MUMMY’S TOMB, 1971), en Espagne avec Paul Naschy (LA VENGEANCE DE LA MOMIE, 1973), jusqu’aux récentes aventures humoristiques américaines du post-Indiana Jones, Brendan Fraser/Rick O’Connell, face au Grand Prêtre Imhotep (LA MOMIE, 1999, LE RETOUR DE LA MOMIE, 2001, LA TOMBE DE L’EMPEREUR DRAGON, 2008…). Et j’en passe… Mais à chaque film, un nouvel univers graphique d’époque, et peu importe le budget du métrage. Et à chaque intrigue, une nouvelle inexorable malédiction que le sacrilège de la profanation éveille immanquablement dans une nouvelle profonde colère immémoriale.
Loin d’être en reste, le cinéma d’horreur mexicain des années 50-70 a adapté le mythe du tombeau profané et de la momie à l’aide d’un alter-égo ancestral : la momie de la civilisation aztèque. Santo, le lutteur masqué, héros national mexicain, affrontera lui aussi des hordes de momies aztèques dans SANTO ET LES MOMIES DE GUANAJUATO en 1972.
Je n’établirai aucune liste complète du film de Momie, d’ailleurs j’en serai franchement incapable, mais en conclusion, je la présenterai comme un des grands Monstres Sacrés du Cinéma Fantastique. Mais aussi comme le mort-vivant le plus âgé du Cinéma, comme de l’Humanité d’ailleurs. Elle est le Patriarche (ou la Matriarche) de n’importe lequel de nos vampires, ou de tous les zombies-templiers d’Espagne et d’Amérique, et même du vieux zombie conquistador de L’ENFER DES ZOMBIES Elle est un mort-vivant si bien conservé, après ces milliers d’années à rêver, que le trouble de son réveil assez brutal, ne peut être qu’incommensurable. Pourtant, la Momie est encore loin de se rendormir et de terminer son lointain voyage le long de rives du Nil, puisque la Universal Pictures annonce une MOMIE 4 (LA MOMIE : L’ASCENSION DE L’AZTÈQUE) pour 2013, avec le même Brendan Fraser.
Autres Monstres Sacrés présentés dans Les Échos d’Altaïr :
Alien / King Kong / Predator / Créature du Lac Noir / Mutant de Métaluna / Ymir / Molasar / Gremlins / Chose / Triffides / Darkness / Morlock / Créature de It ! The Terror from Beyond Space / Blob / Mouche / Créature de Frankenstein / Visiteurs / Martien de La Guerre des Mondes (1953) / E.T. / Pinhead / Michael Myers / Fu Manchu / Leatherface / Jason Voorhees / Tall Man / Damien Thorn / Toxic Avenger / Bruce : le grand requin blanc
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